DES PISTES POUR HARMONISER LES CATÉGORIES JURIDIQUESDE L’ANIMAL - La Semaine Vétérinaire n° 1838 du 24/01/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1838 du 24/01/2020

ANALYSE

Auteur(s) : HÉLÈNE ROSE

Pour faire avancer le droit en faveur de l’animal, des solutions sont évoquées, qui impliquent de reconsidérer ses statuts aux côtés de l’homme. Une piste d’évolution serait la reconnaissance de sa personnalité juridique.

Que les animaux aient été déclarés “doués de sensibilité” dans le Code civil en 2015 n’y a pas changé grand-chose : les règles de droit les concernant sont conçues en regard de leur utilité pour l’homme, et cela a donné naissance à une multitude de catégories juridiques, parfois pour une même espèce. Au-delà de ce constat, quel intérêt à faire évoluer les statuts actuels et à reconnaître une personnalité juridique à l’animal si un moyen juridique existe déjà pour le protéger ? Et pour quel “animal” ? Ces interrogations étaient au cœur du colloque « La protection animale ou l’approche catégorielle » organisé début novembre à Brest (Finistère) par la faculté de droit de l’université de Bretagne occidentale.

Des précédents pour lever certains obstacles

Créer un nouveau statut juridique implique de définir les droits et les devoirs des individus concernés. Une catégorie déroge pourtant à cette règle : les personnes morales techniques ont des droits mais non des devoirs. Ceux-ci pourraient donc aussi être décorrélés pour les animaux. Une personne désignée pourrait alors servir de relais pour le droit subjectif. Le Pr Jean-Pierre Marguénaud propose d’identifier d’abord les règles communes d’un régime primaire animalier, puis les catégories d’animaux qui y entreraient. Le critère discriminant serait la notion de “sentience”, et non plus celle de sensibilité.

Reconnaître une personnalité juridique aux animaux repose plus sur le rapport que notre société entretient avec eux que sur des difficultés techniques. En Nouvelle-Calédonie, les îles Loyauté disposent de leur propre Code de l’environnement, spécificité accordée à certaines localités françaises. Pour tenir compte de la conception de la vie et de l’organisation de la société kanak, l’article 110-3 précise que « certains éléments de la nature pourront se voir reconnaître une personnalité juridique dotée de droits qui leur sont propres ». Cette notion serait donc envisageable en droit français.

Autre argument discutable, selon François-Xavier Roux-Demarre, doyen de la faculté, celui de la coutume qui justifie la persistance de la corrida et des combats de coqs pour un usage récréatif de l’homme : la fessée, jusque-là autorisée par la coutume, est interdite depuis juillet 2019 !

Encadrer davantage le travail des animaux

Que ce soit pour l’assistance aux personnes, la protection, le spectacle, etc., certains animaux travaillent pour le bénéfice de l’homme. Le droit pourrait encadrer bien plus ces prestations, en transposant des dispositions du Code du travail. Ainsi, la rémunération est aujourd’hui perçue intégralement par le propriétaire de l’animal, mais une contribution obligatoire pourrait être mise en place pour garantir ses soins de santé et une “bonne retraite” en fin de carrière. Le bien-être de l’animal serait le curseur d’évaluation de ses conditions de travail. Les concepts de licenciements “économique” (concurrence de nouvelles technologies, par exemple) et “pour causes personnelles” (liées au comportement de l’animal) pourrait aussi être transposables… Les associations de protection animales (ou les vétérinaires ?) pourraient alors tenir un rôle de garants des droits !

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