« LE PASSAGE DU PRION ENTRE LES OVINS ET LES BOVINS A PU ÊTRE CORRECTEMENT CARACTÉRISÉ » - La Semaine Vétérinaire n° 1837 du 17/01/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1837 du 17/01/2020

PRATIQUE MIXTE

ANALYSE

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE

ENTRETIEN AVEC OLIVIER ANDREOLETTI (DÉPARTEMENT SCIENTIFIQUE SANTÉ ANIMALE CENTRE INRA OCCITANIE-TOULOUSE).

Quelle est l’originalité de cette découverte ?

Ces travaux ont permis tout d’abord de démontrer la capacité de la tremblante atypique (AS) à franchir la barrière d’espèce bovine (grâce à l’utilisation de lignées transgéniques de souris). En identifiant l’agent de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) comme la résultante de ce franchissement, une explication plausible (peut-être n’est-elle pas unique) à l’émergence de cette maladie chez les bovins au milieu des années 1980 au Royaume-Uni a pu être trouvée. De plus, au-delà du passage de la barrière d’espèce ces travaux apportent des éléments fondamentaux sur les mécanismes d’évo­lution des souches. Ils ont révélé la présence de particules d’ESB lors de la réplication de l’AS, ce qui est vraiment inédit.

Quelles sont les perspectives de cette découverte pour les prochains projets de recherche ?

Il conviendrait tout d’abord, de con­firmer les résultats obtenus sur les souris transgéniques bovine sur les hôtes naturels en inoculant des va­ches avec certains des isolats déjà caractérisés dans cette étude. Nous poursuivons actuellement la caractérisation du potentiel zoonotique des souches de prions d’AS (à l’aide de modèles de souris exprimant différents variants de la protéine prion humaine). Au-delà de ces aspects, il demeure fondamental de compren­dre le ou les mécanisme (s) qui permet­tent à l’ESB d’émerger lors de réplications de l’AS. Il s’agit d’une part de confirmer que les particules d’ESB préexistent au franchissement de la barrière d’espèce et que le passage d’une espèce à l’autre constitue seulement un filtre qui permet de révéler leur présence. D’autre part, il nous paraît important d’explorer si l’AS pourrait être à l’origine d’autres sou­ches de prions que l’ESB. Des travaux visant à répondre à ce questionnement sont d’ailleurs en cours actuellement. Enfin, dans le même temps, l’émergence de la maladie du dépérissement chronique des cervidés (CWD) en Norvège, en Finlande et en Suède, soulève de nouvelles questions quant à la propagation de cette forme de maladie à prions en Europe, comme c’est le cas actuellement aux États-Unis. Par conséquent, plusieurs équipes travaillent pour caractériser la diversité génétique des populations de cervidés (sensibilité versus résistance à la maladie), les différences/similarités entre les sou­ches responsables du CWD en Europe et en Amérique du Nord par rapport aux souches américaines et leur transmissibilité aux autres espèces animales ou humaines.

Quel est le message essentiel de cette découverte scientifique ?

En matière de santé publique vétérinaire, la tremblante atypique est présente dans les populations de petits ruminants partout dans le monde. Aucune mesure ne permet actuellement de prévenir cette maladie. En cas de recyclage des carcasses d’ovins en farine de viande et d’os chaque cas de tremblante atypique pourrait constituer une source potentielle de réémergence de l’ESB.

L’AS a la capacité de franchir la barrière d’espèce bovine.© Shutterstock
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