LA DYNAMIQUE DU MARCHÉ DE LA SANTÉ ANIMALE - La Semaine Vétérinaire n° 1837 du 17/01/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1837 du 17/01/2020

PHARMACIE

Auteur(s) : MARINE NEVEUX

Cette dernière décennie, le secteur de l’industrie de la santé animale s’est métamorphosé, et évolue dans un contexte mondial et européen qui bouge sur un plan tant réglementaire qu’économique. Le secteur connaît également une dynamique en matière de croissance et d’innovation qui impacte directement le vétérinaire. Éclairage avec Jean-Louis Hunault, président du SIMV.

Le secteur de l’industrie de la santé animale s’est métamorphosé, entre fusions, acquisitions et autonomie, il ne reste aujourd’hui qu’une poignée d’acteurs. Pourquoi et comment le marché en est-il arrivé là ? Ces mouvements sont-ils inéluctables pour l’évolution du marché de la santé animale qui est au beau fixe ?

La stratégie de gros laboratoire est-elle un “ticket­gagnant” incontournable ? La prochaine décennie devrait-elle confirmer cette tendance ou un nouveau modèle pointe-t-il ?

Jean-Louis Hunault : Schématiquement, ces évolutions ont concerné les grands laboratoires issus essentiellement de la santé humaine. Au final, deux laboratoires (Boehringer Ingelheim et MSD) restent sur ce modèle associant les deux volets (humaine et vétérinaire). Fait marquant, il y a 10 ans, il y avait plus de filiales de laboratoires pharmaceutiques de santé humaine. Le développement du marché mondial a créé les conditions d’une autonomie pour des laboratoires de santé animale de taille internationale dont le top 5 marque par sa taille une vraie rupture. Le premier laboratoire français est quatre fois plus petit que les quatre leaders américains et allemands. Cette décennie est marquée par la dynamique du marché de la santé animale. Il y a vraiment des stratégies affirmées pour relever les défis, avec des investissements remarquables sur notre territoire.

Autre spécificité du secteur : celle d’un tissu industriel qui dispose d’un actionnariat stable familial (Vétoquinol, Virbac) ou de salariat (Ceva). En outre, il y a une attractivité de territoire, et aussi de beaux succès de petits laboratoires (TVM, Inovet, Axience, Lexmoor, Audevard, Dopharma, Laboratoire Destaing, etc.), de start-up (Vetbiobank), mais aussi dans le diagnostic.

Ces tendances n’expriment donc pas tant une seule concentration inévitable, mais plus une variété de réponses face à la mondialisation du marché. Les raisons sont extrêmement variées : dans certains cas, il y a la séparation de l’activité l’humaine, dans d’autres, c’est un changement d’actionnariat. Les changements ne sont pas univoques, les stratégies de reventes sont variées. Pour certaines, ce sont plus des modèles d’acquisition de laboratoires (croissance externe), donc d’optimisation de gammes, alors que les laboratoires en tête sont plus sur une politique d’innovation de produits.

Enfin, les concentrations peuvent présenter des opportunités, car elles peuvent permettre d’obtenir des budgets importants pour la recherche.

L’innovation thérapeutique a-t-elle les moyens de s’épanouir ? La recherche en santé animale est un secteur porteur en matière d’investissements sur notre territoire, est-il à maturité ?

J.-L. H. : On arrive à des résultats significatifs, on a en moyenne 10 innovations par an, et une innovation chaque année qui constitue un cap majeur.

Les Prix de l’innovation de l’Afvac, décernés pour la deuxième fois au congrès annuel sont un signal très positif. Le Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (SIMV) est très heureux d’accompagner ce projet, car c’est la première fois qu’une organisation professionnelle vétérinaire témoigne ainsi son souhait de nous ac­com­pagner dans la promotion de nos innovations. Avec ces prix, ce sont les vétérinaires qui se prononcent sur ce qu’ils apprécient le plus comme progrès, c’est très encourageant et un bon signal pour les entreprises.

Les start-up apportent-elles un autre souffle pour l’innovation ?

J.-L. H. : Fin décembre, le SIMV était présent à Marseille pour les rencontres de recher­che en santé animale dans le cadre de BioFit. Nous y avons organisé la restitution de l’appel à projets, les pitches (exposés devant l’ensemble des participants), deux conférences (intelligence artificielle et santé animale, vaccins à haut potentiel) et un prix. Je me réjouis de ces rencontres qui deviennent un événement européen (35 pays présents) des transferts entre académies, start-up et industriels. Chaque année, nous recensons entre 10 et 15 projets, ce qui permet d’organiser 200 à 250 rendez-vous en face-à-face.

Cette innovation est importante. L’industrie a une vocation thérapeutique et préventive, mais aussi en matière de solutions qu’apportent nos adhérents sur le diagnostic et le monitoring. C’est bon signe, cela veut dire que l’on s’oriente vers l’agriculture de précision, que l’on doit pouvoir améliorer la rentabilité des élevages, prendre en charge le bien-être animal. L’industrie fait partie des acteurs majeurs qui fournissent des réponses concrètes sur le développement durable ou l’agroécologie.

Même en matière de politique publique, si le secteur a été un bon élève avec le plan ÉcoAntibio, cela tient à la mobilisation des vétérinaires, mais aussi à la possibilité de déployer toutes ces innovations.

La vente en ligne des médicaments vétérinaires en France et en Europe : beaucoup d’attentes utopiques ? Un marché à organiser pour éviter les dérives ?

J.-L. H. : Cela ne me soucie pas car je ne vois pas de divergence de doctrine entre les autorités, les organisations professionnelles et le SIMV. La vente en ligne de médicaments n’est ni une opportunité ni une menace, c’est la complémentarité d’un circuit. Le médicament est indissociable de la prescription. Nos produits sont conçus pour être accompagnés du conseil vétérinaire. La vente en ligne n’a pas beaucoup de sens. Le meilleur moyen de l’éviter, c’est d’avoir un prix compétitif qui ne pous­se pas le client vers Internet. Le positionnement du vétérinaire sur l’offre internet pose la question de la valorisation de sa prescription. Il faut que le praticien soit capable d’expliquer son activité de médecin des animaux. Si le prix du médicament masque l’absence de valorisation de l’acte, il y aura un problème. Il faut favoriser la valorisation de l’acte pour ce qu’elle est, le juste reflet des investissements (coût d’un plateau technique) et d’une expertise vétérinaire.

Il y aura un encadrement des sites. Il faut mettre en place un système sécurisé qui vienne en complément de l’activité physique des vétérinaires, con­trôlé par les autorités.

Les tests et le diagnostic représentent un marché en forte innovation et croissance. Quelles sont les raisons de ce succès ?

J.-L. H. : 1 600 kits tests sont actuellement disponibles. Notre fédération Diagnostics For Animals regroupe déjà 20 membres. La grande tendance est en effet aux tests rapides, c’est une révolution.

L’innovation est mondiale, elle donne aujourd’hui des résultats qui vont sécuriser les élevages, le bien-être et la santé animale. Je suis confiant sur le développement de ce secteur. En outre, je suis ravi que la France soit le seul syndicat où l’on peut mettre autour d’une même table les fabricants de médicaments et de réactifs pour échanger et avancer.

Votre vœu le plus cher pour 2020 ?

J.-L. H. : Nos laboratoires travaillent à répondre aux attentes des vétérinaires et du marché. Il nous faut désormais, ensemble, et en plus, répondre aux attentes sociétales, c’est un enjeu majeur. La percée du Parti animaliste aux dernières élections européennes témoigne bien de cette attente sociétale qui s’exprime démocratiquement. Les nouvelles technologies nous ouvrent tout le domaine de la prévention. Donc si je devais formuler un vœu, il porterait sur le bien-être animal avec le souhait que ces attentes sociétales soient plus sérieusement prises en compte, car nous disposons de réponses en tant qu’industriels. La préoccupation pour le bien-être animal émerge, alors par définition les vétérinaires et notre industrie ont une vraie légitimité et des réponses scientifiques à proposer. Cette problématique doit gagner les politiques publiques. Au niveau de la mise en œuvre de la politique agricole commune aussi, le bien-être animal et la santé animale doivent être intégrés dans les éléments compétitifs pour les éleveurs français. À partir du moment où il y a une attente importante qui paraît pérenne et des facteurs de succès pour y répondre (maillage et solutions issues de l’innovation), faisons évoluer les lignes !

10 % du chiffre d’affaires des laboratoires sont investis dans l’innovation.

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