Le vendeur a tout intérêt à miser sur la transparence vis-à-vis du client - La Semaine Vétérinaire n° 1836 du 10/01/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1836 du 10/01/2020

JURISPRUDENCE

ÉCO GESTION

Auteur(s) : CÉLINE PECCAVY 

Afin de ne pas engager sa responsabilité, il est préférable pour le vendeur de signaler clairement tout souci chez un animal à l’acheteur , comme le montre cette jurisprudence.

Les faits

Mme V est contactée en mai 2017 par Mme A qui souhaite faire l’acquisition d’un chiot. Le prix de 2 000 € lui est annoncé et il lui est également précisé que l’un des chiots est vendu à un prix inférieur, 1 200 €, en raison d’un souci de santé pendant sa croissance. Ce dernier a présenté une fracture de la mâchoire. Nommé Némo, il a été soigné et l’est toujours car son traitement n’est pas terminé.

Lors de sa venue à l’élevage, le 15 mai 2017, Mme V présente tous les chiots à Mme A. Mais Mme A ne veut pas entendre parler d’un autre chiot que Némo. Toutes les informations médicales connues, dont le traitement en cours, lui sont transmises. On lui remet également le certificat vétérinaire obligatoire établi par le Dr V, document du 4 mai 2017 qui mentionne : « fracture mâchoire en cours de guérison. »

Malheureusement, la santé de Némo va nécessiter un certain nombre d’opérations en lien avec le souci de mâchoire. Devant ces frais conséquents, Mme A sollicite la garantie de Mme V. N’obtenant rien à l’amiable, elle saisit, le 27 juin 2018, le tribunal d’instance de Saint-Maur-des-Fossés.

Demandes de l’acheteur et fondements

Mme A ne s’est pas contentée d’assigner Mme V, elle a également mis dans la cause le Dr V qui avait émis le certificat vétérinaire avant vente. Pour Mme A la gravité de la fracture a été clairement minimisée, voire totalement niée. Elle n’aurait pas acquis cet animal si elle avait été parfaitement informée de son état de santé et des complications prévisibles.

- Premier fondement : la garantie de conformité. Pour Mme A, l’éleveur était tenu de vendre un chien en bonne santé et son chien ne peut remplir son rôle de compagnie. Elle sollicite en conséquence de l’éleveuse les frais vétérinaires de 7 050 €, outre le remboursement intégral du prix de vente, soit la somme de 8 250 €.

- Second fondement : application de la garantie des vices cachés pour le même montant et uniquement vis-à-vis de l’éleveuse.

- Troisième fondement : celui-ci ne vise que le vétérinaire. Pour Mme A le Dr V a commis une faute en concluant hâtivement que la fracture était en cours de guérison et en n’alertant pas sur les risques de séquelles. Sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, c’est ici au Dr V que l’on réclame 8 250 €.

Enjeu du procès

Ici, la question à laquelle devait répondre le tribunal se posait en ces termes : vendre un chien tout en signalant clairement son souci de santé peut-il permettre à l’acheteur malgré tout de demander ensuite garantie sur les suites de ce souci de santé ?

Car effectivement, tous les certificats vétérinaires émis indiquent que les problèmes rencontrés par le chien sont tous en lien direct avec la fracture subie dans son jeune âge.

Moyens de défense

Très logiquement, l’éleveuse a axé toute sa défense sur la question du défaut/vice apparent qui ne peut donner lieu à garantie (article L.217-8 du Code de la consommation et article 1642 du Code civil). Elle a également conclu que le Code civil n’était pas applicable à l’espèce.

Le vétérinaire, quant à lui, a conclu qu’il avait établi un diagnostic sur la fracture, mais qu’il ne pouvait être responsable des suivis postérieurs tant concernant les soins vétérinaires que l’administration des médicaments. En outre, il ne lui appartenait pas de faire un pronostic.

Position du tribunal

Garantie de conformité contre l’éleveuse : rejetée pour défaut connu au jour de la vente.

Garantie des vices cachés contre l’éleveuse : rejetée, Code civil inapplicable faute de convention contraire au Code rural et de la pêche maritime.

Demande de condamnation du vétérinaire : rejetée ; aucune faute n’est établie quant au diagnostic qui n’a pas laissé entendre que la guérison était certaine et qu’elle ne conduirait pas à des complications.

Conclusion

Ce jugement1 confirme bien que le vendeur a tout intérêt à signaler clairement tout souci à l’acheteur afin de ne pas engager sa responsabilité. Quant au vétérinaire, on attend de lui un diagnostic conforme aux examens cliniques et hors pronostic.

1 Rendu par le tribunal d’instance de Saint-Maur-des-Fossés, le 12/11/2019.

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