Actualités sur la prise en charge des entéropathies chroniques - La Semaine Vétérinaire n° 1832 du 29/11/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1832 du 29/11/2019

SYNTHÈSE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : TAREK BOUZOURAA  

Une équipe de spécialistes américains a réalisé une analyse1 des données de la littérature afin de résumer les indications thérapeutiques lors d’entéropathie chronique (évoluant depuis plus de 3 semaines) chez les animaux de compagnie.

Le régime d’éviction reste indiqué

La synthèse des données extraites des études les plus fiables chez le chien plaide en faveur du recours à une source protéique unique et contrôlée (végétale prioritairement) pour obtenir un contrôle clinique à terme. Chez le chat, les études suggèrent également que le retrait de certaines protéines et de graminées du régime diététique puisse être bénéfique. Le type idéal d’aliment à employer en cas d’entéropathie chronique pour les deux espèces (gamme hyperdigestible ou hydrolysée) est encore méconnu.

La portée d’une antibiothérapie demeure mésestimée

Les connaissances sur les conséquences d’une antibiothérapie lors d’entéropathie chronique restent limitées à une seule étude, dont le niveau de preuve est incertain. Elle est recommandée lors de dysbiose intestinale. La tylosine est l’antibiotique idéalement indiqué dans ce cas en Amérique du nord. Cet agent est plutôt destiné en France aux animaux de rente bien que le principe de la cascade autorise son utilisation chez les animaux de compagnie (25 mg/kg/j durant 7 jours). En France, le métronidazole (12,5 mg/kg toutes les 12 h pendant 3 semaines) ou la doxycycline (10 mg/kg/j pendant 4 semaines) lui sont substitués avec des résultats méconnus mais acceptés sur le terrain. Cependant, lors de maladie inflammatoire chronique de l’intestin (Mici, confirmée à l’histologie), l’apport du métronidazole (et probablement de l’antibiothérapie en général) n’est finalement pas prouvé. La colite histiocytaire ulcérative chez le boxer répondrait à l’administration d’enrofloxacine (5 à 10 mg/kg/j durant 4 à 10 semaines) compte tenu de l’implication présumée d’E. coli entéro-invasif. L’utilisation de cet antibiotique “critique” ne peut être justifiée actuellement sans recourir à une évaluation bactériologique. Compte tenu du risque en santé publique de sélection d’un germe multirésistant et du cadre règlementaire en France, la décision de traiter ces cas pourrait idéalement être prise par un clinicien habitué et/ou spécialiste en médecine interne.

Les corticoïdes, en deuxième intention

Les corticoïdes demeurent toujours indiqués lors de Mici ne répondant pas aux premiers ajustements diététiques et anti-infectieux proposés. La prednisolone (1 à 2 mg/kg/j par paliers dégressifs) est l’agent le plus employé dans les études chez le chien. Elle peut également être proposée chez le chat. Le budésonide2 (0,2 à 0,5 mg/kg/j selon le gabarit pendant 6 semaines), voire le chlorambucil2 (0,2 mg/kg/j chez le chien et une gélule de 2 mg chez le chat) ont également été proposés seuls ou en association avec la prednisolone avec un succès similaire. Chez le chien uniquement, l’emploi de cyclosporine (5 à 10 mg/kg/j) est suggéré lors d’inflammation chronique et réfractaire aux corticoïdes.

Place des agents thérapeutiques complémentaires

La portée des agents prébiotiques (contenant des substrats pour les bactéries de la flore intestinale), probiotiques (renfermant des bactéries bénéfiques à l’équilibre de la flore) et symbiotiques (composés des deux catégories précédentes) n’est pas évaluable actuellement. Une seule étude histologique suggère un effet stabilisant des probiotiques sur la barrière intestinale en renforçant les jonctions serrées des entérocytes, tandis que sur le plan clinique leur impact n’est pas confirmé. Par ailleurs, l’apport des cellules souches mésenchymateuses fait l’objet d’un intérêt grandissant. Celles-ci réduiraient l’expression de facteurs inflammatoires et les premiers essais sur des effectifs très réduits témoignent d’une innocuité certaine permettant d’envisager des investigations futures. Enfin, la transplantation de microbiote fécal a été proposée pour la prise en charge des entéropathies en général (surtout évoquée dans un contexte d’entérocolite infectieuse aiguë actuellement : parvovirose). À l’heure actuelle, les données cliniques ne permettent pas de conclure quant à l’intérêt de cette procédure lors d’entéropathie chronique.

1 Makielski K, Cullen J, O'Connor A, Jergens A.E. Narrative review of therapies for chronic enteropathies in dogs and cats. J. Vet. Intern. Med. 2019;33:11-22.

2 Pharmacopée humaine.

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