Une hausse de la consommation à nuancer - La Semaine Vétérinaire n° 1831 du 22/11/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1831 du 22/11/2019

ANTIBIOTIQUES

ACTU

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL  

Alors que l’exposition globale aux antibiotiques a augmenté en 2018 pour certaines espèces animales, l’administration de ces substances a été revue à la baisse pour d’autres. Afin d’éviter un effet de seuil, l’Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV) engage des réflexions visant à maintenir les efforts des professionnels.

La machine est-elle grippée ? Après huit ans de baisse continue, l’exposition globale des animaux de compagnie et d’élevage a augmenté de 0,7 % entre 2017 et 2018. C’est ce que révèle le rapport1 2018 de suivi des ventes des médicaments vétérinaires contenant des antibiotiques en France, dévoilé par l’Agence nationale du médicament vétérinaire (Anses-ANMV). « Il s’agit d’un signal d’alerte important pour se mobiliser », estime Jean-Pierre Orand, directeur de l’ANMV. Et pourtant, le premier plan ÉcoAntibio a été un véritable succès avec une diminution de l’exposition animale aux antibiotiques de 36,5 % en cinq ans, bien plus que l’objectif fixé qui était de 25 %. Faut-il y voir un essoufflement de la mobilisation ou une limite de l’efficacité des plans ÉcoAntibio ? L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) reste optimiste sur les voies choisies. Elle mène par ailleurs une réflexion sur les leviers à mobiliser pour maintenir les engagements des vétérinaires et des éleveurs.

Un effet plancher

L’exposition globale des animaux aux antibiotiques est en légère hausse, mais ce constat est en réalité plus contrasté. L’ANMV note en effet qu’en 2018 une baisse de l’exposition est observée pour les volailles (- 11,3 %), les porcs (- 2,7 %) et les carnivores domestiques (- 2 %), alors que l’exposition est en hausse pour les bovins (+ 8,4 %) et les lapins (+ 2,0 %). « L’exposition via les injectables a augmenté de 7 % entre 2017 et 2018 et a diminué de 12 % pour les prémélanges médicamenteux et de 1,9 % pour les poudres et solutions orales. Le nombre de traitements intramammaires par vache laitière a augmenté de 6 % par rapport à 2017 », indique l’agence. Selon Jean-Pierre Orand, ces hausses sont mineures mais sont un premier signal d’alerte. L’agence note un report limité des utilisations vers d’autres familles d’antibiotiques. « Il y a un léger rebond sur l’usage des céphalosporines, des fluoroquinolones et de certaines familles d’antibiotiques. L’effort doit se poursuivre pour stabiliser les données. Il faut s’assurer qu’on ne reparte pas à la hausse », souligne-t-il. En effet, en 2018, l’exposition aux céphalosporines de dernières générations n’est plus que de 93,8 %, par rapport à 2013 toutes espèces confondues (contre 94,1 % en 2017). Par exemple, l’agence note une augmentation de celle des bovins entre 2017 et 2018 (+ 9,3 %).

Des leviers à mobiliser

Le nombre de traitements intramammaires par vache laitière à base de céphalosporines de dernières générations a baissé de 99,4 % entre 2013 et 2018 et a augmenté de 2,3 % entre 2017 et 2018. Pour l’Anses, l’objectif visé à long terme est la pérennité les efforts dans la durée. Jean-Pierre Orand indique travailler à la mise en place les outils nécessaires pour évaluer la cause de ces usages. « Nous souhaitons aller plus loin dans nos recherches et nos développements d’outils, notamment avec la mise en place par le ministère de l’Agriculture d’un outil de déclaration de toutes les ventes d’antibiotiques vétérinaires », a-t-il précisé. Pour Jean-Yves Madec, directeur scientifique antibiorésistance de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), il est essentiel de maintenir les efforts afin que les engagements de la profession correspondent à un changement de pratique à intégrer dans l’activité de base des vétérinaires. « Il ne faut pas que cet engagement soit une réponse à une injonction », indique-t-il. De son côté, Gilles Salvat, directeur général délégué de l’Anses pour la recherche et la référence, insiste sur la nécessité de pousser la réflexion sur la conduite d’élevage. Il évoque d’autres pistes telles qu’un changement dans la formation et dans les itinéraires techniques. Selon lui, il s’agit aussi d’intégrer les sciences humaines et sociales dans les leviers à mobiliser afin de comprendre pourquoi tel éleveur ou tel vétérinaire utilise plus ou moins d’antibiotiques.

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