Loups, ours : quelle est la place du vétérinaire entre les “pro” et les “anti” ? - La Semaine Vétérinaire n° 1829 du 08/11/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1829 du 08/11/2019

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@... VOUS !

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD 

JE SOIGNE DES MOUTONS ET DES LOUPS !

En ma qualité de membre expert du Conseil national de protection de la nature, je trouve que le rôle du vétérinaire dans ce conflit homme-animal sauvage est incontournable. Le praticien peut compter sur ses solides connaissances médicales et scientifiques afin d’apporter aux éleveurs des conseils zootechniques et sociaux objectifs. Dans le même temps, il doit pouvoir rester en accord avec ses valeurs de préservation et de conservation. Les solutions à appliquer doivent être réfléchies et non binaires. En coordination avec les techniciens agricoles, le vétérinaire libéral mixte a l’atout de sa proximité avec le terrain. Il peut aider à éviter l’adoption de mesures excessives, reposant uniquement sur la colère. Certes, le burn-out pastoral existe, et il doit être pris en compte. On pourrait, par exemple, envisager parfois d’éliminer certains loups, à condition qu’il s’agisse d’un tir sélectif intelligent, fondé sur une expertise de la prédation. Le praticien mixte est un médiateur s’il sait diagnostiquer, coordonner, proposer, suivre et aider à une cohabitation apaisée. Oui, j’en suis convaincue : vivre avec un grand prédateur est compliqué, mais possible.

Véronique Luddeni

LE VÉTÉRINAIRE PEUT AIDER À AMÉLIORER L’ÉLEVAGE

Il y a une sorte d’irrationalité qui entoure toujours les conflits avec le loup dont l’image, rappelons-le, était autrefois associée à celle du diable. Le rôle que j’aimerais voir adopter par mes confrères vétérinaires est donc celui d’une posture scientifique, pour démontrer que l’élevage est compatible avec ses différentes composantes : maladies, sécheresse, mais aussi ours et loups ! De plus, même si les morts en estive peuvent être dues à divers facteurs, la tendance actuelle de certains éleveurs est toujours d’en rendre responsable le grand prédateur, de manière à pouvoir toucher des aides publiques. C’est pourquoi des autopsies pratiquées par des vétérinaires seraient utiles… Or il est dit dans les derniers plans ours et loup que l’éleveur peut faire sa propre expertise ! Par ailleurs, les vétérinaires doivent continuer à aider les éleveurs à adopter de meilleures pratiques, pour encore diminuer les pertes car il existe des marges de progrès. Par exemple, il y a encore 10 à 20 % d’agneaux qui meurent, et 300 000 à 400 000 ovins qui partent annuellement à l’équarrissage !

François Moutou

J’ESPÈRE QUE LES JEUNES VÉTÉRINAIRES VONT S’ENGAGER !

J’ai été volontaire lors de la deuxième opération de réintroduction de l’ours, en 2006, car je suis depuis toujours intéressé par les espèces en voie de disparition. L’ours (“ossau” en béarnais) a toujours existé dans les Pyrénées, mais il en a aussi toujours été chassé… Il n’y a jamais eu de période de cohabitation sereine, elle reste à inventer ! Et aujourd’hui, des éleveurs ont perdu l’habitude de travailler en sa présence. Alors que les tailles de leurs troupeaux ont beaucoup augmenté, certains ne montent en estive qu’une ou deux fois par semaine, ce qui est effectivement incompatible ! Il est difficile d’exprimer ce point de vue sur le terrain. Toutefois, j’ai l’espoir que les jeunes vétérinaires vont s’impliquer à leur tour dans une recherche de solutions. Il serait aussi extrêmement utile que des vétérinaires mènent des travaux scientifiques et s’investissent dans le suivi. J’aimerais, par exemple, travailler sur les phéromones, pour voir si ce ne serait pas une piste qui permettrait d’éloigner les prédateurs des troupeaux. Une ambiance plus sereine et des moyens financiers seraient cependant nécessaires pour conduire à bien ce genre de projets…

Nicolas Delamarche
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