Le pâturage tournant dynamique - La Semaine Vétérinaire n° 1827 du 25/10/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1827 du 25/10/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE  

Au vu des considérations environnementales actuelles, le pâturage, aliment le moins cher et le plus équilibré à produire, est une option intéressante à valoriser et à optimiser pour nourrir les bovins. Or, actuellement, peu d’éleveurs pratiquent le pâturage et ils le font surtout pour des animaux dont les besoins sont “modérés”.

Des objectifs réalisables

Ce décalage entre la théorie et la pratique s’explique par le fait que la conduite du pâturage n’est généralement pas faite assez précisément, ce qui conduit à des rendements de l’herbe trop faibles (de qualités trop aléatoires) et donc peu concurrentiels par rapport aux autres cultures, pour obtenir de bonnes performances d’élevage. Cependant, comme l’indique Mathieu Bessière, cet objectif est réalisable : pour atteindre une marge brute équivalente entre 1 ha d’herbe et 1 ha de maïs en vaches laitières, le rendement en herbe doit approcher les 65 % du rendement en maïs (soit 10 t de matières sèches pour un potentiel maïs à 15 t). Cela nécessite une approche précise telle que le pâturage tournant dynamique.

Un cercle de production vertueux

En effet, pour que le rendement de l’herbe soit meilleur, il convient de respecter le cycle sol-plante-animal. Étant donné l’interdépendance des performances du sol, des plantes et de l’animal, si l’éleveur parvient à améliorer la fertilité du sol, il peut accroître le rendement des plantes, ce qui augmente la productivité à l’hectare des animaux. C’est le principe de fonctionnement des processus agroécologiques, à l’inverse des systèmes herbagers dit “extensifs” dans lesquels l’herbe est surexploitée par une mauvaise gestion du chargement (pâturage trop ras ou trop fréquent) et qui conduisent à un appauvrissement du sol et donc à des prairies peu productives et de faible pérennité.

Un respect des sols essentiel

Les sols fragiles se remarquent par la présence de “spots” de bouses (herbe plus foncée et plus haute à l’intérieur et autour des bouses qu’à côté), par des prairies difficiles à conduire, par la présence de plantes adventices, par exemple, de pâquerettes (surpâturage) ou de pissenlit (compaction et excès de matière organique animale). Pour les préserver, il convient de laisser à la faune et à la flore du sol environ 5 t de matières sèches d’herbe résiduelle par hectare et par an, afin qu’elle puisse la digérer et la remettre à disposition des plantes sous une forme minérale. Comme le souligne le conférencier, il est donc important de bannir les pratiques qui ont un impact très négatif sur le sol comme le surpâturage, la réalisation de travaux d’entretien et, en cas de pluie, les temps de présence des animaux sur le sol très longs.

L’importance du stade de pousse

Outre le sol, le pâturage a un rendement variable suivant le stade de croissance de l’herbe. Ainsi, la phase de rendement maximal du pâturage est la phase végétative, le stade trois feuilles pour les graminées, au cours de laquelle ces dernières accumulent le maximum de réserves énergétiques (feuilles et racines nombreuses). Pour identifier ce stade, le conférencier préconise la méthode de “demi-rotation”. Ainsi, comme sur les trois feuilles la première met le même temps à pousser que les deux suivantes réunies, en identifiant la parcelle qui est au stade une feuille et sa dernière date de pâturage, il est possible de déterminer facilement et rapidement si la rotation est correctement programmée. De plus, étant donné que la taille des limbes est proportionnelle à la taille des gaines, cela implique que, dès que les animaux peuvent couper la gaine, les feuilles qui vont repousser seront plus courtes, mais mettront le même temps à croître que si elles étaient longues. On parle alors de surpâturage (temps de présence trop long ou bien nombre d’animaux trop élevé). Les gaines, quelle que soit leur hauteur, ne sont donc pas des refus, mais de l’herbe résiduelle normale qui doit persister pour nourrir et protéger le sol. Seules des limbes non consommées ou des tiges de plantes qui ont initiées leur montaison pourront être qualifiées de refus. Par ailleurs, la capacité qu’ont les graminées à continuer leur pousse malgré un pâturage est très précieuse pour ne pas connaître de perte de rendement (dégénérescence des prairies). Or, si les animaux restent trop longtemps sur une parcelle (plus de 3 jours), ils vont systématiquement remanger les repousses des graminées (plus appétentes), ce qui va les empêcher de redémarrer rapidement. C’est pourquoi, les temps de repos des pâtures doivent impérativement être respectés pour leur permettre d’atteindre le stade trois feuilles.

Comment obtenir une ingestion maximale des animaux ?

En pâturage tournant dynamique, le facteur limitant de la performance animale n’est donc pas la qualité de l’herbe, mais la capacité d’ingestion des animaux (nombre de bouchées par jour non extensible). Pour l’améliorer, il convient d’optimiser au maximum chaque coup de dent de l’animal en lui proposant une herbe suffisamment haute (environ 15 cm) et homogène, et un temps de présence sur la parcelle court pour éviter de proposer de l’herbe souillée. En fonction du besoin des animaux et des objectifs de l’éleveur, Mathieu Bessière recommande des temps de présence allant de 24 heures (vaches laitières et animaux à l’engraissement) à 72 heures maximum (génisses et agnelles de renouvellement). De plus, les animaux broutent en plusieurs passages successifs et, à chacun d’entre eux, prélèvent une partie différente de la plante : il s’agit des “trois pâturages”. Au premier pâturage, ils ne consomment que des limbes et les coupent toujours à la même hauteur (2 à 3 cm au-dessus de la gaine), ce qui est très favorable pour les animaux (quantité et qualité), permet une repousse rapide des plantes et nourrit et protège le sol. À l’inverse, aux deuxième et troisième pâturages, l’ingestion baisse fortement pour les animaux et le sol perd alors totalement sa protection et sa nutrition. L’objectif est, par conséquent, de ne permettre aux animaux que le premier pâturage pour éviter le surpâturage, identifiable par une couleur vert clair, proche du jaune de la prairie et par le fait de voir des animaux qui paissent de l’herbe déjà broutée.

Anticiper avec un découpage du parcellaire

Pour éviter ces écueils, il convient de constituer des parcellaires afin d’anticiper et de s’adapter à toutes les situations, ajoute le conférencier. Ces derniers doivent permettre de respecter les vitesses de pousse de l’herbe suivant la période de l’année (entre 20 et 45 jours). Ainsi, pour les animaux dont le régime est constitué à 100 % d’herbe, il recommande des parcellaires d’une trentaine de parcelles (vitesses de rotations longues). Pour des animaux à besoins modérés, il est possible de ne réaliser que 15 parcelles avec des temps de présence plus longs. Enfin, il conseille des découpages en 20 parcelles pour ceux qui ont à disposition de 50 à 90 % d’herbe dans leur ration et en 10 parcelles pour ceux consommant moins de 50 % d’herbe. L’optimisation du pâturage représente donc un des leviers sur lequel il existe encore une des plus grandes marges de manœuvres dans les exploitations. « Au-delà des compétences techniques, le pâturage tournant dynamique vise à proposer une méthode simple et sécurisante pour accompagner les éleveurs dans leurs démarches de modifications de leurs modes d’élevage, afin que l’herbe devienne ou redevienne une solution alternative salutaire aux autres systèmes de production », conclut Mathieu Bessière.

Mathieu Bessière Rhizobium conseil. Article rédigé d’après la présentation faite lors du congrès de la SNGTV, du 15 au 17 mai 2019.

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