Laissez nos vétérinaires de campagne continuer à bien exercer leur profession ! - La Semaine Vétérinaire n° 1826 du 18/10/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1826 du 18/10/2019

POINT DE VUE

@... VOUS !

Auteur(s) : BAPTISTE DE MONVAL, AVOCAT (CABINET PARDO & ASSOCIÉS)  

Alors que vient de sortir en salles le film Au nom de la terre d’Édouard Bergeon et que le mal-être des éleveurs semble enfin frapper les consciences, une application aveugle des règles de pharmacie vétérinaire met en danger une autre partie de la filière. Après l’avoir réclamé tout au long du xixe siècle, les vétérinaires ont enfin obtenu que la loi n° 75-409 du 29 mai 1975 consacre définitivement leur droit à délivrer des médicaments.

Cette délivrance est évidemment strictement encadrée puisque seuls deux cas sont autorisés : « Lorsqu’il s’agit des animaux auxquels ils donnent personnellement leurs soins ou dont la surveillance sanitaire et les soins leur sont régulièrement confiés. » 1

Le suivi sanitaire implique de lourdes obligations : un bilan sanitaire d’élevage mis à jour chaque année, un protocole de soins, des visites régulières de suivi, la dispensation régulière de soins, d’actes de médecine ou de chirurgie2.

Les peines prévues par les textes sont particulièrement sévères puisque les vétérinaires encourent jusqu’à deux ans de prison et 30 000 € d’amende pour la préparation, la détention et la délivrance de médicaments vétérinaires sans donner personnellement des soins ou assurer la surveillance sanitaire et les soins réguliers3.

De même, les procédures pénales sont pesantes pour des professionnels qui d’ordinaire collaborent plutôt avec les forces de l’ordre dans le cadre d’incidents sanitaires. Elles impliquent souvent des contrôles sur place de l’inspection de santé publique vétérinaire, une audition de police ou une garde à vue et vont parfois jusqu’au renvoi devant le tribunal correctionnel.

Récemment, ma pratique d’avocat de vétérinaires me fait déplorer qu’une application aveugle de ces textes par l’inspection de santé publique vétérinaire détourne l’application de la loi de son esprit qui relevait pourtant du bon sens : réserver la délivrance de médicaments aux vétérinaires qui connaissent les élevages et exercent leur mission de conseil.

J’ai ainsi défendu des vétérinaires qui, malgré plusieurs visites annuelles d’un élevage, se sont vus reprocher ces délits sévèrement punis au seul motif que la mise à jour annuelle du bilan sanitaire4 était en retard de quelques semaines.

À ces délits s’ajoutent trop souvent les contraventions pour non-identification précise des lots d’animaux sur des ordonnances5 alors que les élevages “modèles” qui affichent les lots d’animaux à la vue du vétérinaire de visite sont extrêmement rares.

Lorsque l’on connaît la réalité de cette belle profession, que l’on sait qu’une simple visite est souvent offerte ou n’est facturée que 40 € TTC, tandis qu’un bilan sanitaire coûte plus de 100 € TTC, que, faute de temps, de trésorerie, un éleveur décale le rendez-vous de mise à jour du bilan sanitaire deux à trois fois, on ne peut demander qu’une seule chose :

laisser nos vétérinaires de campagne, qui effectuent au quotidien un travail de terrain, continuer à bien exercer leur profession !

1 L.5442-10 du Code de la santé publique.

2 R.5141-112-1 et R.5141-112-2 du Code de la santé publique.

3 L.5442-1 du Code de la santé publique.

4 Exigée par l’article R.5141-112-2 du Code de la santé publique.

5 1 500 € d’amende en vertu de l’article R.5442-1 du Code de la santé publique.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr