La leptospirose chez les chevaux (partie 3) : diagnostic, traitement et prévention - La Semaine Vétérinaire n° 1825 du 11/10/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1825 du 11/10/2019

ANALYSE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : ANNE COUROUCÉ  

Il existe plusieurs méthodes diagnostiques de la leptospirose. Le test de micro-agglutination (microscopic agglutination test ou MAT) consiste en différentes dilutions de sérum, mélangées avec des cultures de Leptospira de plusieurs sérogroupes. Le titre en anticorps contre un sérogroupe particulier est alors défini comme la plus haute dilution de sérum qui permet d’obtenir 50 % d’agglutination. L’interprétation peut se révéler délicate. En effet, un MAT est considéré positif pour un titre supérieur à 200. Mais, du fait de l’exposition importante des chevaux à cette bactérie avec des formes subcliniques et considérant que le taux d’anticorps est détectable dès 5 à 7 jours et jusqu’à des années ensuite, un tel résultat doit être manipulé avec précaution et la clinique doit être prise en compte. En outre, des réactions croisées entre sérovars, surtout en phase aiguë de l’infection, peuvent exister. Il est admis qu’un titre supérieur à 800 avec une clinique évocatrice est le signe d’une infection par le sérovar de Leptospira identifié. De plus, il semble qu’une multiplication au moins par 4 du titre en anticorps pour un sérovar donné à 2 semaines d’intervalle soit une preuve relativement fiable d’une infection.

L’examen direct par microscopie en champ sombre sur des échantillons de sang, d’urines, de liquide cérébrospinal, de lait ou de tissus est une technique peu sensible et peu spécifique. L’immunofluorescence ou la coloration à l’immunopéroxidase améliorent la sensibilité et peuvent être spécifiques de certains sérovars. La mise en culture à partir de sang ou d’urines, le “gold standard”, propose une sensibilité faible puisqu’il s’agit d’une technique compliquée et longue à mettre en œuvre.

La réaction en chaîne par polymérase (polymerase chain reaction ou PCR) est une technique très utilisée, qui semble plus sensible que la culture ou l’immunohistochimie. Cette technique peut être utilisée sur le sang, les urines et l’humeur aqueuse dans le cas d’uvéites récidivantes. La bactériémie à leptospires survient surtout en début d’évolution et est transitoire. Une PCR négative sur le sang, surtout sur un cheval ne présentant pas d’hyperthermie, ne permet donc pas d’écarter définitivement une leptospirose. De même, l’excrétion dans les urines peut être intermittente et ne survient pas avant 7 à 8 jours post-infection. Il faut noter également que la PCR peut devenir rapidement négative par tout traitement antibiotique préalable à la prise de sang.

Diagnostic en fonction des différentes infections

Les meilleures techniques diagnostiques pour un avortement dû à Leptospira sont une PCR sur les tissus ou liquides avortés ou une détection des anticorps fluorescents (MAT) du placenta, du cordon ombilical, du foie ou du rein du fœtus. La sensibilité et la spécificité de la PCR et de la MAT dans ces fluides ou tissus sont proches de 100 %.

Une PCR est préférable pour l’évaluation des fluides, tels que les urines, les liquides oculaires, le liquide fœtal et le sang. Le test d’agglutination microscopique est le “gold standard” pour la détection sérologique des anticorps antileptospires.

La lipopolysaccharide (LPS) de Leptospira, bien que peu toxique, est hautement antigénique et, après une infection aiguë, les titres d’anticorps contre Leptospira se développent en 7 jours et il y a des titres élevés dans les 2 semaines. Ainsi, des augmentations marquées dans les titres d’anticorps sériques accompagnent souvent des avortements ou insuffisances rénales dus à Leptospira. Toutefois, chez les chevaux présentant une uvéite récurrente, les titres sériques peuvent être faibles en raison de la nature chronique et localisée de l’infection. Lors d’infection aiguë à Leptospira interrogans serovar Pomona, il y a souvent une augmentation marquée du nombre de titres d’anticorps dirigés contre plusieurs sérovars (en particulier Icterohaemorrhagiae et Bratislava), mais ces titres de sérovars non infectieux diminuent plus rapidement que les titres du sérovar infectant réel.

Dans le cas d’uvéites, la sérologie seule n’est pas très utile pour confirmer le diagnostic de l’uvéite associée à Leptospira. Le rapport des titres d’agglutination microscopique leptospirale entre l’humeur aqueuse et le sérum (coefficient de Goldmann-Witmer, ou valeur C) supérieur à 4 et/ou une PCR sur l’humeur aqueuse sont les outils diagnostiques couramment utilisés pour identifier une uvéite récidivante équine (URE). Les mécanismes exacts par lesquels la bactérie déclenche la maladie ne sont pas entièrement compris. Une théorie considère que les bactéries pénètrent dans l’œil et se déposent dans le tissu oculaire, provoquant une infection persistante, une inflammation et une exposition du système immunitaire sur un site immunisé privilégié. Lors d’URE associée à Leptospira, l’organisme pourrait être dans le vitré plutôt que l’humeur aqueuse. Néanmoins, les risques associés à un échantillonnage de vitré limitent la réalisation d’une PCR sur ce type de fluide.

Traitement

La pénicilline et l’enrofloxacine ont été utilisés avec succès pour traiter des chevaux présentant de la fièvre et une insuffisance rénale aiguë causées par la leptospirose. Leptospira peut aussi être sensible à l’ampicilline, à la céphalosporine, aux macrolides, aux tétracyclines et à la gentamicine. Lors d’insuffisance rénale aiguë, il est recommandé de mettre en place une fluidothérapie et un traitement antibiotique approprié.

Lors d’uvéite récidivante équine, il est recommandé d’utiliser des collyres mydriatiques-cycloplégiques (atropine notamment) ainsi que des anti-inflammatoires (corticostéroïdes, anti-inflammatoires non stéroïdiens et implants de cyclosporine). Toutefois, les chevaux souffrant d’une inflammation incontrôlée vont généralement développer une cécité causée par la présence de synéchies, de cataracte et/ou de glaucome, avec ou sans douleur persistante. Dans une étude, la doxycycline n’a pas pu être détectée dans l’humeur aqueuse après un traitement de 5 jours avec une dose de 10 mg/kg administrée toutes les 12 heures. Des antibiotiques tels que l’enrofloxacine ou certaines tétracyclines peuvent atteindre des concentrations supérieures à la concentration minimale inhibitrice (CMI) de Leptospira. Cependant, ils sont généralement inefficaces pour éliminer l’organisme de l’œil.

L’injection intravitréenne d’antibiotiques comme la gentamicine est un traitement efficace qui peut éviter une intervention chirurgicale. Une injection intravitréenne unique de 4 mg de gentamicine permet de réduire le taux de récidive à moins de 15 %, tout en préservant la vision et en prévenant des épisodes douloureux récurrents chez ces chevaux.

Prévention

Les juments gravement infectées qui avortent à cause d’une infection à Leptospira devraient idéalement être isolées pendant plusieurs semaines et l’urine devrait être testée par PCR pour déterminer si la jument élimine toujours des lepstospires. En Amérique du Nord, certains élevages se sont posé la question de traiter les juments avec des antibiotiques après un avortement, pour réduire la période d’élimination des leptospires. Toutefois, aucun résultat ne permet de dire si ce traitement raccourcit ou non la durée d’élimination. De plus, il est clair que ce genre de pratiques pourrait induire des résistances aux antibiotiques.

Le fait d’éviter l’accès à l’eau stagnante et aux hôtes hébergeant l’organisme peut aider au contrôle de la leptospirose. Cependant, il peut être très difficile de limiter l’exposition à Leptospira du fait de la contamination potentielle des aliments comme les granulés, le foin, l’herbe et l’eau qui sont fréquemment contaminés par des rongeurs ou des animaux sauvages.

Il existe en Amérique du Nord un vaccin adapté aux chevaux (Lepto EQ Innovator®). Il permet de prévenir la leptospirémie causée par L. pomona, ce qui pourrait aider à réduire le risque d’infections récurrentes d’uvéite équine, d’avortements ou d’insuffisance rénale aiguë provoqués par ce sérovar. Une innocuité de ce vaccin a été démontrée chez les poulains dès l’âge de 3 mois et chez les juments à tous les stades de gestation. Une des limites néanmoins est qu’il ne permet pas de protéger les chevaux contre une infection à Grippotyphosa, par exemple. En Europe, à ce jour, il n’existe pas de vaccin spécifique aux chevaux.

Article rédigé d’après :

- Divers T. J., Chang Y. F., Irby N. L., et coll. Leptospirosis : an important infectious disease in North American horses, Equine Vet. J. 2019;51(3):287–292.

- Malalana F. Leptospirosis in horses : a European perspective, Equine Vet. J. 2019;51(3):285-286.

ZOONOSE

À ce jour, aucun cas de leptospirose humaine causé par un contact avec un cheval infecté n’a été décrit. Il n’en reste pas moins que la leptospirose est une maladie zoonotique. Les signes cliniques peuvent varier en fonction du sérotype de Leptospira, mais également de l’âge, de l’état de santé et du statut immunitaire de l’individu. Les signes cliniques varient d’une maladie bénigne de type syndrome grippal à une infection grave avec insuffisance rénale et hépatique, détresse pulmonaire et, parfois, mort. Des contacts avec l’urine d’un animal infecté ou de l’eau et un sol contaminés constituent les principales voies de transmission. Le Center for Disease Control aux États-Unis répertorie les vétérinaires et les propriétaires d’animaux comme présentant un risque professionnel de contracter la leptospirose. À savoir : les bactéries du genre Leptospira sont facilement et rapidement tuées par les désinfectants courants et la chaleur.

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