Exposition aux anticancéreux : des précautions accrues jugées indispensables - La Semaine Vétérinaire n° 1825 du 11/10/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1825 du 11/10/2019

SÉCURITÉ

PRATIQUE CANINE

L'ACTU

Auteur(s) : MYLÈNE PANIZO 

Les structures vétérinaires pratiquant la chimiothérapie devraient évaluer l’exposition aux médicaments cytotoxiques, respecter les mesures de prévention, former le personnel et vérifier régulièrement l’efficacité de leur protocole d’hygiène. Exemple avec les dispositions prises par le Chuva.

La cancérologie se développe en médecine vétérinaire du fait d’une médicalisation croissante et de l’allongement de l’espérance de vie des animaux de compagnie. Le centre hospitalier universitaire vétérinaire d’Alfort (Chuva) réalise, par exemple, une quinzaine de séances de chimiothérapie par mois. Les médicaments employés sont cytotoxiques de par leurs propriétés cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques. Leur utilisation est reconnue depuis la fin des années 1970 comme un risque professionnel. Les risques de contamination surviennent par voie cutanée ou par inhalation de ces molécules lors de leur préparation, de leur administration et de leur élimination. L’emploi en médecine vétérinaire de ces spécialités est réglementé par l’arrêté du 18 juin 2009, complété par celui du 29 octobre 2009. Le Chuva a mené une étude de terrain concernant l’exposition du personnel hospitalier aux médicaments utilisés en cancérologie1.

Évaluation de la contamination

Des prélèvements de surface (plus de 50 échantillons) ont été effectués au Chuva dans la salle de réalisation de la chimiothérapie, dans le chenil d’hospitalisation, puis dans ces deux salles après nettoyage des locaux. La présence de plusieurs molécules cytotoxiques (vincristine et cyclophosphamide) a été mesurée, révélant une contamination de l’environnement de travail et donc une exposition du vétérinaire et du personnel hospitalier. Une quantité non négligeable de ces substances a en effet été retrouvée sur la face externe des gants du vétérinaire, la table d’examen, la paillasse et le sol. Après nettoyage des locaux, des traces de molécules cytotoxiques ont été relevées sur le sol, le clavier de commande de la table d’examen et le pied de perfusion. Dans le chenil de chimiothérapie, après nettoyage, des quantités faibles ont été mises en évidence sur les caillebotis, les parois et le sol des cages, ainsi que sur certaines surfaces (robinet, chariot, gamelle).

Mise en place de mesures correctrices et évaluation de leur efficacité

Face à ces résultats, des actions visant à diminuer le risque d’exposition aux molécules anticancéreuses ont été prises, en plus de celles qui étaient déjà adoptées (port d’un équipement de protection individuel complet et élimination de tout le matériel spécifique dans un container réservé à ces déchets) : réalisation de la chimiothérapie et de l’hospitalisation dans une salle affectée à cette prise en charge, port de deux paires de gants en nitrile (et non une seule), utilisation d’un nouveau système clos d’injection (PhaSeal®), formation et sensibilisation des agents de nettoyage aux risques de l’exposition aux molécules cytotoxiques.

L’efficacité de ces mesures a été démontrée par une nouvelle série de prélèvements. Elles ont révélé l’absence de contamination sur les gants du vétérinaire et sur l’environnement de travail. Après nettoyage du chenil, seules des traces (concentrations proches de la limite de quantification) ont été mises en évidence dans 10 % des prélèvements effectués sur le sol et les parois des cages.

Les structures vétérinaires pratiquant la chimiothérapie doivent donc évaluer l’exposition aux médicaments cytotoxiques, respecter les mesures de prévention, former le personnel, et vérifier régulièrement l’efficacité de leur protocole d’hygiène. Des guides de bonnes pratiques existent2, mais les mesures doivent être adaptées à chaque structure.

1 Beguin J., Maurey C., Salvetat R. et coll. Médicaments anticancéreux et médecine vétérinaire. Retour d’expérience du centre hospitalier universitaire vétérinaire d’Alfort. Références en santé au travail. Septembre 2017. n° 151, pages 35 à 42.

2 Guide réglementaire - Bonnes pratiques d’emploi des médicaments anticancéreux en médecine vétérinaire. Ordre national des vétérinaires, 2009. bit.ly/2mB3nB7.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr