Diagnostic différentiel des lésions pigmentées de l’œil - La Semaine Vétérinaire n° 1825 du 11/10/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1825 du 11/10/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS  

Une mélanose est un envahissement d’un tissu par des cellules pigmentées. Un mélanome est une tumeur des cellules mélanocytaires. La distinction entre les deux est délicate et les répercussions cliniques et pronostiques sont différentes de l’une à l’autre, ainsi que les situations selon qu’il s’agit d’un chien ou d’un chat.

Lésions pigmentées oculaires chez le chien

Lésions palpébrales

Les lésions pigmentées bénignes (mélanocytomes) représentent 13 % des tumeurs palpébrales et les lésions cancéreuses (mélanomes), 8 %. Macroscopiquement, il est impossible de les différencier ; il convient de réaliser une exérèse en pleine paupière à envoyer en anatomo-pathologie.

Lésions conjonctivales

Les lésions pigmentées conjonctivales sont rares (2,6 % des tumeurs oculaires), avec des prédispositions raciales (retriever, rottweiler, cocker spaniel). 81 % sont cancéreuses (mélanome) et 19 % sont des mélanocytomes. Ces lésions pigmentées tumorales se situent préférentiellement sur la membrane nictitante (31 % des cas), sur la conjonctive bulbaire ou sur la conjonctive palpébrale.

Mélanome épibulbaire

Le mélanome épibulbaire est une lésion tumorale pigmentée bénigne de la jonction scléro-cornéenne avec une prédisposition raciale nette chez le berger allemand et les retrievers, atteignant des animaux assez jeunes. Cette lésion est néanmoins envahissante, en particulier sur la cornée et les corps ciliaires. Il est donc nécessaire de la prendre en charge rapidement (exérèse chirurgicale, cryothérapie ou laser diode).

Mélanose cornéenne

La mélanose cornéenne, aussi appelée “kératite pigmentaire”, est un envahissement du stroma cornéen par des mélanocytes, fréquemment rencontrée, en particulier chez le carlin et les brachycéphales. Cette affection, non tumorale, est souvent associée à une malposition palpébrale ou à une sécheresse cornéenne, qui devront être traitées en amont des lésions de pigmentation. Celles-ci peuvent être prises en charge par de la cryothérapie.

Kyste uvéal

Les kystes uvéaux proviennent de l’épithélium postérieur de l’iris ou des corps ciliaires. Ce sont des lésions non tumorales pigmentées, qui se présentent sous la forme de “boules” qui flottent dans l’humeur aqueuse après s’être détachées de l’iris puis tombent dans la chambre antérieure. Chez le dogue allemand ou le bouledogue français, ils peuvent être nombreux et engendrer un glaucome dans de rares cas. En général, ils sont anodins et n’ont aucune conséquence fonctionnelle. Si le propriétaire le désire, il est possible de les ponctionner par paracenthèse (ou en utilisant le laser).

Mélanose et mélanome iriens

La mélanose irienne, bénigne, est une pigmentation du stroma de l’iris, sans surélévation, dans le plan de l’iris. Le mélanome irien est une lésion en relief, de forme nodulaire, déformant l’iris (dyscorie), parfois achromique (blanc). L’examen échographique permet de visualiser l’extension de la lésion. Chez le chien, ces lésions sont dans la grande majorité des cas bénignes, localisées à l’œil et, même si elles vont justifier à terme une énucléation, ne mettent pas en jeu la vie de l’animal. Dans des cas avancés, il peut y avoir une effraction cornéo-sclérale avec écoulement oculaire.

Glaucome pigmentaire

Le glaucome pigmentaire est une maladie héréditaire du cairn terrier, sans caractère cancéreux. Ces animaux développent, dans tous les tissus oculaires, un dépôt de mélanocytes, bilatéral, extrêmement important, à l’origine d’un glaucome difficile à maîtriser. Ces lésions entraînent à court ou moyen terme une cécité irréversible.

Lésions pigmentées oculaires chez le chat

Mélanome conjonctival

Le mélanome conjonctival est une tumeur extrêmement rare avec une atteinte préférentielle de la conjonctive bulbaire. Son pouvoir métastasique est très élevé et son extension importante. Certains auteurs rapportent cependant une survie de 2 ans après chirurgie.

Mélanome épibulbaire

Le mélanome épibulbaire est une tumeur bénigne, moins fréquente chez le chat que chez le chien. Un geste chirurgical précoce permet de résoudre le problème.

Kystes iriens

À la différence des kystes iriens du chien, ceux du chat restent souvent attachés au bord pupillaire, avec une forme différente pouvant déformer la pupille. Ils restent néanmoins des formations kystiques bénignes de l’épithélium postérieur de l’iris. Le birman serait prédisposé. Comme chez le chien, il est possible de les aspirer ou de les traiter au laser, si le propriétaire le désire.

Mélanose irienne

La mélanose de l’iris chez le chat est bilatérale, extrêmement fréquente, liée à l’âge (plus de 8 ans). Ce nævus est une lésion pigmentée sans relief, parfois relativement focalisée ou intéressant l’ensemble de l’iris, parfois avec des tâches plus denses. L’évolution est variable, avec possible transformation en mélanome, ce qui nécessite un suivi. En lampe à fente, la lésion est pigmentée, plane, dans le plan de l’iris. Toute surélévation laisse présager une évolution vers le mélanome.

Mélanome diffus

Le mélanome diffus de l’iris est typiquement en surélévation, bosselé, en relief, visible en se mettant sur le côté, même sans lampe à fente. L’énucléation est recommandée d’emblée, accompagnée d’un bilan d’extension. Le risque métastasique est élevé (dans plus de 63 % des cas, parfois tardivement, jusqu’à 3 ans après l’énucléation). Le diagnostic différentiel est à réaliser avec les lésions inflammatoires (uvéite chronique) et pigmentaires iriennes secondaires. Il reste néanmoins des cas litigieux. Pour confirmer ou infirmer une suspicion de mélanome, il peut être nécessaire de réaliser :

- une gonioscopie, à l’aide d’une lentille de Barkan ou d’une lentille de Koeppe de petit diamètre (14 mm). L’examen de l’angle irido-cornéen à la recherche d’un envahissement pigmentaire doit être réalisé sous anesthésie générale chez le chat. La présence de pigments en plus ou moins grande quantité sur le ligament pectiné doit motiver une énucléation, qu’il y ait ou non une hypertension oculaire.

- une biopsie de l’iris. Il s’agit de l’examen de choix en cas de doute.

Charles Cassagnes Praticien à Nice (Alpes-Maritimes). Article rédigé d’après une conférence présentée au congrès de l’Afvac 2018 à Marseille (Bouches-du-Rhône).

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