« Pour prévenir le suicide, libérer la parole » - La Semaine Vétérinaire n° 1824 du 04/10/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1824 du 04/10/2019

ENTRETIEN AVEC JOËLLE THIESSET

ACTU

Plusieurs études ont montré que les vétérinaires praticiens présentaient un risque élevé de suicide par rapport à la population générale. Mais les solutions existent pour prévenir le passage à l’acte. Le point avec Joëlle Thiesset, présidente de l’association Vétos-entraide.

Pourquoi la profession est-elle plus touchée par le suicide ?

D’une part, le vétérinaire est soumis, de par son métier, à un certain nombre de facteurs de risques dits psychosociaux. Les exemples sont nombreux : surcharge de travail, manque de contrôle sur son planning, tensions avec les clients, isolement social des praticiens solos, exposition à la mort, à l’euthanasie… D’autre part, certains traits de caractère, que l’on rencontre chez les vétérinaires, accentuent ce risque, notamment le perfectionnisme et l’anxiété. Je constate aussi que la permanence et la continuité des soins pèse davantage : c’est une charge mentale permanente ! à la différence d’autres pays, nous ne disposons pas de données chiffrées en France. Néanmoins, en association avec le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV) et l’association Soins aux professionnels en santé (SPS), nous allons mener en 2020 une grande enquête sur la souffrance des vétérinaires1. L’objectif sera de mieux en appréhender les causes et d’évaluer le poids des unes par rapport aux autres, afin d’identifier les actions à mener en priorité. Cette enquête sera ouverte à tous, pas seulement aux praticiens.

Face à un de nos confrères ou à une de nos consœurs en grande situation de détresse psychologique, que faire pour l’aider et éviter tout passage à l’acte ?

La première chose, même si cela apparaît contre-instinctif, est de libérer la parole. Cela permet de favoriser le lien social et d’éviter tout isolement. Tout dépend bien sûr du degré de proximité, mais on peut déjà manifester des gestes de solidarité, parler des associations… Il ne faut pas hésiter non plus à effectuer un signalement à l’Ordre, qui met à disposition des praticiens, des délégués sociaux. Une personne en souffrance a souvent honte de ses difficultés et évite d’en parler, même à sa famille. Elle va ressasser ses problèmes, ce qui peut l’amener à penser que la seule issue possible est le suicide. Il faut lui faire sentir qu’elle n’est pas seule, mais sans être trop intrusif. à Vétos-entraide, outre nos principes de bienfaisance et de non-malfaisance, nous mettons en avant le principe d’autonomie, le fait que toute personne, même en souffrance, garde une capacité d’agir. Pour cela, nous pratiquons l’écoute rogérienne, qui consiste à écouter tout en favorisant la réflexion personnelle. Orienter vers une solution ferme tous les autres chemins possibles qui pouvaient être mieux adaptés pour la personne en souffrance. Enfin, n’oublions pas que la prévention du suicide passe aussi par la promotion du bien-être au travail.

Y a-t-il des signes qui peuvent nous alerter sur l’imminence d’un passage à l’acte ?

Si la souffrance est facile à détecter, le moment du passage à la crise suicidaire l’est beaucoup moins. Il n’existe pas de schéma classique. Néanmoins, un signe qui revient régulièrement est l’impression que la personne en souffrance va mieux. C’est difficile à appréhender, car le réflexe, dans ce cas, est le soulagement. Les comportements de préparation peuvent aussi alerter : la personne organise tout, met en ordre ses papiers…

Quand on est en souffrance, vers quelles instances se tourner ?

Plusieurs associations ont mis en place des lignes d’écoute (encadré). J’insiste bien sur le fait qu’il est normal d’avoir du mal à en parler, c’est pour cela que de telles structures existent. à Vétos-entraide, des vétérinaires sont au bout du fil, ce qui permet d’y trouver du soutien de confrères. Pour bénéficier d’un interlocuteur médical, l’association SPS est indiquée, car ce sont des médecins qui répondent et ils pourront orienter vers le service le plus adapté. L’avantage, de plus, est qu’ils sont formés à la souffrance des soignants. Enfin, il y a aussi les associations SOS amitiés et Suicide écoute.

1 Brève CNOV n° 102 de septembre 2019.

QUI CONTACTER ?


•Vétos-entraide : 09 72 22 43 44, ecouter@vetos-entraide.com.

•Soins aux professionnels en santé : 0 805 23 23 36.

•SOS amitiés : 09 72 39 40 50, 01 46 21 46 46.

•Suicide écoute : 01 45 39 40 00.
Les lignes d’écoute sont ouvertes 24 h/24 et 7 j/7.
D’autres liens sont disponibles sur le site : bit.ly/2nsQlre.
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