Le refus de vente - La Semaine Vétérinaire n° 1824 du 04/10/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1824 du 04/10/2019

DROIT

ÉCO GESTION

Auteur(s) : CÉLINE PECCAVY 

Dans le lien contractuel qui s’établit entre un vendeur professionnel et un acheteur consommateur, le refus de vente est interdit. Des exceptions existent à ce principe, dont une seule prévue explicitement par la loi : le motif légitime. Explications.

Dans le lien contractuel qui s’établit entre un vendeur professionnel et un acheteur consommateur, le refus de vente est parfaitement interdit (article L.121-11 du Code de la consommation) et sanctionnable, s’il est prouvé, par une amende pouvant aller jusqu’à 1 500 € pour une personne physique et 7 500 € pour une personne morale (articles 131-13 5° et 131-38 du Code pénal).

Le motif légitime

Des exceptions à ce principe ? Oui. Mais une seule prévue explicitement par la loi : le motif légitime. Une définition légale du motif légitime ? Malheureusement non. Le juge a ici tout pouvoir d’appréciation souveraine. Il faut de ce fait parcourir la jurisprudence pour avoir une idée plus précise de cette légitimité. Au fil des décisions, on peut ainsi affirmer qu’il y a légitimité si le demandeur ne dispose pas de l’espace suffisant pour accueillir l’animal. Il en va dès lors du devoir même de conseil du vendeur professionnel auquel on saura reprocher d’avoir vendu, par exemple, un chien de race terre-neuve à un particulier vivant dans un petit appartement au 5e étage sans ascenseur. Autre motif légitime : l’insolvabilité notoire de l’acquéreur. Enfin et de manière très logique : un comportement insultant ou impoli. Il existe aussi un motif particulier au refus de vente au consommateur. Cela concerne la vente aux mineurs. Sans le consentement des parents, le refus de vente, au-delà d’être autorisé, est obligatoire.

Exception non explicite, mais bien réelle

Quid d’une exception non explicite, mais bien réelle ? La réponse est à vrai dire positive si on est prêt à en payer le prix. Rappelons ainsi que le vendeur qui recourt aux arrhes comme paiement de réservation peut tout à fait, en vertu de l’article 1 590 du Code civil, changer d’avis postérieurement (mais avant de remettre l’animal) sans avoir à se justifier par un motif légitime. Pas de justification donc mais le remboursement du double des arrhes perçues. Celui qui pense refuser une vente pourrait donc parfaitement feindre l’accord dans un premier temps, encaisser un très faible montant d’arrhes, puis se rétracter de manière totalement légale. Pas d’infraction à la clé ici. Seulement un prix de dédit à payer qui peut rester très raisonnable si le dédit a été anticipé.

Que penser enfin du vendeur qui affirmerait faussement que l’animal réservé est mort alors que ce n’est pas le cas ? Un moyen très certainement de rembourser seulement la somme perçue pour la réservation afin de vendre l’animal à un acquéreur plus offrant. Si l’acquéreur initial se rendait compte ultérieurement que le chien est bien vivant et qu’il a été cédé à autrui, pourrait-il en revendiquer la propriété ? Dans le principe, on aurait tendance à penser que oui. Mais le droit français va mettre devant notre acheteur initial un obstacle de taille : celui de la bonne foi de l’acquéreur final. En effet et en vertu de l’article 2276 du Code civil, sauf à ce qu’un animal ait été perdu ou volé, celui qui en fait l’acquisition de bonne foi ne pourra pas voir sa propriété remise en question. Le droit français est ainsi protecteur du dernier possesseur de bonne foi. Mais la vente avait pourtant été conclue me direz-vous. Certes, mais il ne faut pas non plus perdre de vue qu’en droit français on ne peut pas, la plupart du temps, forcer une obligation en nature. Il n’est donc pas possible d’obliger quelqu’un à remettre un chiot. On peut, en revanche, le forcer à indemniser quant à l’équivalent monétaire de l’animal. Ainsi, si notre vendeur a menti sur le décès du chiot, mais a remboursé le premier acheteur de la somme versée pour réservation, il y a tout lieu de croire qu’un tribunal ne sanctionnerait pas du tout ou peu notre vendeur pécuniairement. Et le préjudice moral dans tout cela ? Le premier acheteur n’ayant jamais vécu avec le chiot et n’ayant donc pas eu le loisir de s’y attacher, le préjudice moral serait assurément ici inexistant.

En conclusion : si l’interdiction de refus de vente paraît au premier abord contraignante, il existe en réalité de multiples moyens de la contourner.

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