La mycologie à l’honneur du congrès européen de l’ISFM - La Semaine Vétérinaire n° 1824 du 04/10/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1824 du 04/10/2019

INFECTIOLOGIE

PRATIQUE CANINE

L'ACTU

Auteur(s) : ANNE-CLAIRE GAGNON  

Souvent déroutantes d’un point de vue clinique, les affections dues à des champignons ne sont pas si rares chez le chat. Leur guérison reste aléatoire dans la plupart des cas.

Le congrès de l’International Society of Feline Medicine (ISFM) a réuni plus de 500 participants, venus de 42 pays, fin juin à Cavtat en Croatie, pour cinq journées autour de la pathologie infectieuse féline.

Des champignons cosmopolites

Souvent apyrétiques, certains champignons pathogènes sont particulièrement bien adaptés aux mammifères et aux nouvelles conditions climatiques, puisqu’elles se développent à des températures comprises entre 25 et 37 °C. Les champignons affectionnent l’appareil respiratoire supérieur, la peau, les ganglions, le système nerveux, les yeux. La non-réponse à une antibiothérapie ou un antécédent d’utilisation d’immunosuppresseurs sont évocateurs de la survenue d’une mycose. Jane Sykes (université de Davis, États-Unis) a souligné l’urgence que constituerait une infection à Candida auris, mortelle et récemment décrite en médecine humaine. Les candidoses restent rares chez le chat et provoquent souvent une déviation de la cloison nasale, avec atteinte de la gueule et des extrémités. Comme pour les mycoses systémiques, les molécules de choix sont le fluconazole et l’itraconazole, dont la posologie et la durée de traitement varient selon les individus (en fonction de la réponse inflammatoire de chacun).

Nouveaux tests de dépistage pour la cryptococcose

La cryptococcose est six fois plus fréquente chez le chat que chez le chien, et l’infection par l’herpèsvirus félin la favorise. Richard Malik (Sydney, Australie) décrit le tableau clinique comme un iceberg, discret en surface. Les chats (comme les chiens) filtrent dans leurs cavités rhino-sinusales les particules qu’ils inhalent, raison pour laquelle les spores de Cryptococcus neoformans et gattii s’y développent (alors que, chez l’humain, les formes sont souvent pulmonaires). Le diagnostic peut se faire simplement depuis la commercialisation de deux tests rapides, Crypto PS1 et Immy2, les positifs étant à confirmer cependant avec un test au latex3 ou par coloration avec la méthode de Ziehl-Neelsen. L’atteinte de la rétine et du nerf optique peut donner des mydriases bilatérales avec perte de réflexe photomoteur, sans hypertension, qui rétrocèdent après traitement (flucytosine et amphotéricine B, les deux molécules agissant de façon synergique). Lors de rhinosinusite, le traitement au fluconazole seul peut suffire (10 mg/kg per os, deux fois par jour pendant 6 à 12 mois, voire plus).

Vigilance sur les germes atypiques

Parmi les mycobactérioses cutanées, plusieurs formes sévissent chez l’humain, les rongeurs, l’écureuil roux en Grande-Bretagne, les vaches et les chèvres (avec une thélite et scrotite nodulaire due à Mycobacterium uberis), et les chats. Pour ces derniers, la voie d’entrée est une morsure par un rongeur. Actuellement, trois agents sont décrits chez le chat, dont un exclusivement en Australie. Les lésions nodulaires apparaissent sur la tête ou les antérieurs, siège de la morsure. Le traitement est chirurgical, par exérèse des lésions cutanées, et médical, avec de la clarithromycine et de la rifampicine. Au moins un cas a été décrit et traité avec succès en France, sur un chat importé de Grèce4.

L’émergence de la tuberculose chez le chat, notamment en Grande-Bretagne, semble plus le fait d’une alimentation à base de venaison crue, mais les morsures par les blaireaux et les musaraignes sont également incriminées. Une tuberculose nosocomiale, avec pour seuls symptômes des plaies, a même été décrite dans une structure britannique vétérinaire5. Le traitement des animaux atteints est interdit en France, et toute suspicion de tuberculose doit faire l’objet d’une déclaration à la direction départementale de la protection des populations (DDPP), avec réalisation d’une culture et d’une polymerase chain reaction (PCR), pour confirmation.

La panniculite inguinale due à des bactéries Mycobacterium à croissance rapide (présentes dans le sol) se traduit par de multiples lésions punctiformes (photo), sans retentissement sur l’état général. Le pannicule adipeux, n’ayant aucune défense immunitaire, constitue donc un milieu à risque. La procédure diagnostique inclut une recherche d’agent pathogène par culture et PCR, en lien avec la DDPP et/ou le service dermatologie des écoles nationales vétérinaires. Le traitement est autorisé (chirurgical et antibiothérapie ciblée : pradofloxacine, doxycycline, clarithromycine), en prenant toute précaution nécessaire pour la santé publique.

1 bit.ly/2npYHzU.

2 immy.com.

3 Test d’agglutination passive dans lequel l’antigène est absorbé sur les particules de latex qui ensuite s’agrègent dans la présence de l’anticorps spécifique de l’antigène absorbé.

4 Courtin F., Huerre M., Fyfe J. et coll. A case of feline leprosy caused by Mycobacterium lepraemurium originating from the island of Kythira (Greece) : diagnosis and treatment. J. Feline Med. Surg. 2007;9(3):238-241.

5 Murray A., Dineen A., Kelly P. et coll. Nosocomial spread of Mycobacterium bovis in domestic cats. J. Feline Med. Surg. 2015;17(2):173-180.

DE L’IMPORTANCE DE L’IDENTIFICATION DES GERMES

Une récente enquête a pointé du doigt la pratique qui consiste à ne pas réaliser de culture lors de suspicion d’infection urinaire (positive dans seulement 2 % des cas, selon nos confrères américains de Banfield : de quoi prescrire avant tout des antalgiques). Lors de cathétérisme, l’examen cytobactériologique des urines est réalisé à la clinique (Uricult®) à partir d’un prélèvement par cystocentèse et non dans la poche de recueil.
A contrario, sur des abcès ou des morsures, la prescription d’amoxicilline ou de doxycycline, sans prélèvement ni culture, semble possible. Cependant, la réalisation d’une simple lame permet de conforter le praticien dans sa démarche et d’identifier les rares cas de germes atypiques, pour agir en conséquence.


UNE TECHNIQUE RÉVOLUTIONNAIRE

Dans la jungle des moyens de dépistage, l’apparition du Matrix-assisted laser desorption/ionization-time of flight (Maldi-TOF) révolutionne l’identification spécifique des germes. Cette technique détruit les membranes cellulaires des bactéries pour en extraire les protéines, qu’elle sépare. Le Maldi-TOF est une technique beaucoup plus rapide que la culture, capable d’identifier complètement chaque bactérie, notamment son espèce, et de mettre en évidence celles qui sont rares, voire inconnues, en donnant le spectre unique de sensibilité aux antibiotiques pour chaque germe.





Pour en savoir plus :
Les recommandations de l’International Society for Companion Animal Infectious Diseases (Iscaid) sur la prise en charge des infections du tractus respiratoire et du tractus urinaire sont en libre accès : bit.ly/2nrBddH, bit.ly/2mPFxmN.

Anne-Claire Gagnon

ET AUSSI…


• Vingt et un posters étaient présentés lors du congrès, dont celui de notre confrère Julien Cheylan, de Bordeaux (Gironde), sur la présence d’un corps étranger végétal dans la vessie d’un chat.

• Pour la première fois, Evidensia et le groupe IVC étaient présents au sein de l’exposition commerciale.

• Saluons le succès de notre confrère Nicolas Layachi, premier vétérinaire français à avoir été reçu au Membership of the Australian and New Zealand College of Veterinary Scientists (MANZCVS), le seul examen international en médecine féline à ce jour.

• L’expérience, l’intelligence clinique et la curiosité de Richard Malik (Sydney, Australie) ont été honorées par la remise du prix du 20e anniversaire du Journal of Feline Medicine and Surgery. Auteur prolifique, il a produit pour cette revue 59 articles d’un éclectisme remarquable, qui a été souligné lors de la cérémonie. Il avait notamment cosigné un éditorial qui fit date, Brachycephalia : a bastardisation of what makes cats special1, suivi d’Understanding genetics : why should vets care ?2, ou d’articles sur les mycobactéries atypiques, qu’il affectionne et rencontre souvent en Australie, comme History and mysteries of leprosy3, ainsi qu’un article sur les morsures, Wound cat, et d’autres sur nos modes de pensée (Think about how you think about cases4, par exemple). Il définit souvent l’art du vétérinaire comme celui du parfait « vetective » ! Qualité qu’il cultive sur le forum de l’International Society of Feline Medicine (ISFM), en répondant aux interrogations des praticiens du monde entier.

1 Brachycéphalie, une dégradation de ce qui rend les chats uniques.
2 Comprendre la génétique : ce à quoi les vétérinaires doivent faire attention.
3 Histoire et mystères de la lèpre.
4 Réfléchir à la façon dont vous pensez à vos cas.
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