Avocat en droit animalier : des liens étroits avec les vétérinaires - La Semaine Vétérinaire n° 1824 du 04/10/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1824 du 04/10/2019

JURIDIQUE

ÉCO GESTION

Auteur(s) : LORENZA RICHARD  

Le droit animalier concerne la protection animale, mais traite également divers litiges entre particuliers et professionnels, dont les vétérinaires, qui peuvent également aider les juristes.

De plus en plus d’avocats ajoutent le droit animalier à leurs domaines d’intervention. Le nombre de ceux qui travaillent exclusivement dans celui-ci reste cependant limité. Entretien avec trois avocates qui ont fait le choix de consacrer leur exercice au droit des animaux : des parcours différents mais un même engagement par conviction personnelle.

Me Céline Peccavy s’est engagée dès sa première année d’études dans ce domaine. « Issue d’une famille de vétérinaires, je n’ai pas réussi le concours d’entrée dans les écoles vétérinaires. Je me suis alors orientée vers la faculté de droit dans le but de devenir avocate pour animaux », explique-t-elle. C’était il y a une vingtaine d’années, et cette voie était nouvelle. « J’ai dû faire ma place. J’ai publié des articles et un livre sur le droit de la vente d’animaux quand j’ai prêté serment, ce qui m’a fait connaître, puis le bouche-à-oreille a fonctionné grâce à de bons résultats en procédures. C’est une voie qui me convient très bien et dans laquelle je me sens totalement à ma place. » Pour Me Arielle Moreau, l’activité de droit animalier était au départ majoritairement bénévole. Sa vocation était née à la suite d’un traitement qu’elle avait trouvé cruel et injuste : « À mon adolescence, mon meilleur ami fut un cheval du nom de Moulin Veigné, confie-t-elle. Mes parents n’ayant pas les moyens de l’acheter, il est parti à l’abattoir après avoir travaillé toute sa vie dans un club. » Des particuliers et des associations de protection animale et/ou de l’environnement lui ont ensuite confié des dossiers. « Depuis 2016, j’ai eu l’opportunité d’être détachée au sein de l’association One Voice pour me consacrer exclusivement à l’exercice de ce droit », déclare l’avocate. Enfin, c’est pour s’investir davantage pour la cause animale qu’après plusieurs années d’exercice pluridisciplinaire, Me Olivia Symniacos a récemment créé un cabinet d’avocat exclusivement dévolu au droit animalier.

Monothématique, mais pas spécialisé

« Je dis qu’il est monothématique ou “dédié” au droit animalier, et non spécialisé, car actuellement, aucun avocat ne peut se prévaloir d’être “spécialiste” en droit animalier », ajoute-t-elle. En effet, « cette spécialité n’est pas encore reconnue en tant que telle par le Conseil national des barreaux qui gère notamment les formations, explique Arielle Moreau. Cette activité est rattachée au droit de l’environnement. » Ainsi, l’exercice exclusif du droit animalier reste à part. Au début, l’engagement de Céline Peccavy n’a pas été compris. « J’ai été beaucoup raillée par certains de mes confrères, mais leur avis ne m’a jamais importé, affirme-t-elle. Désormais, beaucoup changent d’avis, car la demande se développe, et ils tentent même de se mettre sur le créneau, mais leur engagement n’est la plupart du temps pas total dans cette voie. » « Les choses s’améliorent, mais on entend toujours des remarques du genre : “Ce n’est qu’un animal”, alors que ce sont des êtres qui souffrent, tout comme nous », constate Arielle Moreau. Pour Olivia Symniacos, « un avocat en droit animalier n’est pas un sous-avocat, et le droit animalier n’est pas une sous-matière. Il recouvre plusieurs domaines (droit civil, pénal, public, etc.) et se plaide devant diverses juridictions. Il convient donc de le valoriser, notamment par la création d’une spécialisation. »

De plus, la clientèle des cabinets traitant de droit animalier est très variée. « Je travaille pour des individus de toute espèce, y compris humaine, quand il s’agit de défendre les droits des citoyens qui protègent les individus des espèces non humaines », déclare Arielle Moreau. Les avocats peuvent plaider, mais souvent, ils apportent une aide juridique et des conseils, aux particuliers comme aux professionnels. « Les litiges autour des ventes d’animaux entre particuliers et éleveurs sont les affaires les plus courantes que j’aie à traiter, souvent pour des problèmes de dysplasie ou d’ectopie testiculaire, explique Céline Peccavy. L’avocat intervient également pour des associations dans le cas de maltraitance animale, pour ma part essentiellement pour la Ligue française de protection du cheval. »

L’importance de sécuriser les procédures

Enfin, les vétérinaires peuvent les contacter dans les cas où leur responsabilité civile professionnelle est engagée ou quand ils sont convoqués devant le Conseil national de l’Ordre et veulent être assistés. Olivia Symniacos rappelle l’importance pour les vétérinaires de sécuriser leurs procédures. Pour elle, « les clients sont de plus en plus procéduriers, et pour les actes risqués ou les euthanasies, il convient d’obtenir un consentement éclairé écrit afin que sa responsabilité ne soit pas engagée. » De plus, Céline Peccavy conseille de « ne pas hésiter, en cas de doute sur une question de droit, à demander un conseil à un avocat compétent en droit animalier ou à lui envoyer le client. Les dos siers doi vent être bien étudiés dès le départ pour éviter tout problème. »

Les liens avec les vétérinaires ne s’arrêtent pas là. Dans de nombreuses affaires, l’importance du contact et des échanges avec eux est soulignée. « Ils m’apportent des connaissances scientifiques liées au comportement et aux besoins des animaux, et c’est primordial pour certaines plaidoiries », déclare Olivia Symniacos. De même, les praticiens « fournissent des attestations sur des situations d’animaux en souffrance dont j’ai besoin pour étayer mes plaintes », assure Arielle Moreau, tout en constatant que « les vétérinaires français sont souvent prêts à témoigner des souffrances que peuvent endurer les chiens et les chats maltraités par des particuliers. En re vanche, ils sont très frileux pour se positionner sur des cas concernant d’autres espèces ou même des chiens et des chats dans des fourrières ou des élevages ».

TÉMOIGNER DE LA MALTRAITANCE

Le vétérinaire pourrait également orienter vers des cas de maltraitance humaine. « Je ne cesse de plaider pour que soit reconnu ce lien évident entre toutes formes de violences, affirme Me Arielle Moreau. Ce qui est en cause, c'est la violence de l'auteur et non l'espèce à laquelle appartient la victime qui reçoit les coups. Les animaux et les enfants subissent souvent le même sort et les auteurs d’actes violents sur les humains ont souvent débuté par les animaux. » Ainsi, l’avocate propose que les violences aux animaux quittent le champ des infractions à l’environnement, et soient traitées par le procureur en charge des violences faites aux humains. « J'avais obtenu, en 2014, la signature d'une convention entre une association de protection animale et le parquet de Saint-Pierre de La Réunion pour créer des stages de sensibilisation au respect animal en cas de violence faite aux animaux. Ce type de peine alternative aux poursuites devrait être systématiquement appliqué au lieu de classer les affaires sans suite », suggère-t-elle. Elle demande également, pour le sort des animaux, « un traitement spécifique en cas de séparation du couple, notamment en cas de violences conjugales. » Une évolution de la législation est ainsi souhaitée. Me Olivia Symniacos s’étonne du succès de sa page Facebook : « 2 500 abonnés en 10 jours ! Cela prouve que les gens sont sensibilisés à la souffrance animale. On me signale régulièrement des cas de maltraitance, mais, en tant qu’avocate, je ne peux pas porter plainte en mon nom. J’oriente donc les gens vers un organisme de protection animale. » Pour Arielle Moreau, « les vétérinaires devraient pouvoir s'exprimer librement sur les questions de bien-être animal. Cela n'est pas incompatible avec les obligations déontologiques qui leur incombent dès lors qu'ils restent rigoureux et factuels. » Elle nous invite également à nous investir auprès des associations de protection animale en tant que vétérinaires spécialistes consultants, car « elles en manquent, notamment en faune sauvage. »
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