Les parasitoses pulmonaires du hérisson européen - La Semaine Vétérinaire n° 1820 du 20/09/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1820 du 20/09/2019

SYNTHÈSE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : CÉCILE LE BARZIC 1

Les hérissons européens (Erinaceus europaeus) sont des animaux sauvages fréquemment recueillis en centre de sauvegarde (587 individus reçus en 2017 au Centre d’accueil de la faune sauvage, Cedaf) : cela s’explique en grande partie par leur réflexe de se rouler en boule plutôt que de fuir face à un danger, ce qui facilite leur capture. Les découvreurs peuvent alors facilement détecter un certain nombre d’anomalies : les difficultés respiratoires évidentes que présentent parfois les hérissons peuvent ainsi les conduire à consulter leur vétérinaire traitant. Deux agents pathogènes sont le plus souvent responsables des troubles respiratoires chez le hérisson européen : les nématodes Capillaria aerophila (désormais appelé Eucoleus aerophilus) et Crenosoma striatum.

Épidémiologie

Selon les études, jusqu’à 100 % des juvéniles de hérissons seraient porteurs de ces parasites à l’automne, en période de préhibernation. La mortalité peut alors être assez élevée, surtout en cas de surinfection bactérienne.

La transmission des parasites se fait essentiellement de manière indirecte, par un cycle impliquant des lombrics pour Capillaria aerophila, et des limaces ou des escargots pour Crenosoma striatum. Pour ce dernier, une transmission directe de larves (notamment transplacentaire) est suspectée étant donné la découverte de ce parasite chez des juvéniles non sevrés.

Une transmission zoonotique est possible pour Capillaria aerophila, entraînant également des symptômes respiratoires.

Aspects cliniques

Les symptômes sont essentiellement respiratoires : dyspnée, toux, jetage parfois purulent, bruits respiratoires augmentés, voire bruits surajoutés (crépitements, sifflements, râles parfois audibles sans auscultation) et éventuellement une respiration bouche ouverte (anormale dans cette espèce) et une cyanose. Des troubles généraux sont parfois notés, surtout chez les animaux débilités : la gêne respiratoire occasionnée entraîne dysorexie puis perte de poids, faiblesse, voire la mort.

Diagnostic

Le diagnostic est essentiellement clinique, l’auscultation des champs pulmonaires sous anesthésie générale (indispensable pour les animaux en bon état de vigilance) étant souvent révélatrice. Des examens complémentaires peuvent être entrepris. La coproscopie permet de réaliser le diagnostic étiologique (œufs bipolaires pour Capillaria aerophila, larves pour Crenosoma striatum). Un examen direct après étalement de selles sur lame est possible et souvent suffisant, mais l’excrétion pouvant être intermittente, l’examen le plus fiable reste une coproscopie par flottation sur prélèvement de selles pendant 3 jours consécutifs. La réalisation d’un lavage broncho-alvéolaire peut permettre d’observer directement les parasites après étalement, ainsi que la réalisation d’une bactériologie avec antibiogramme. La bactérie de surinfection la plus courante est Bordetella bronchiseptica. À l’autopsie, une trachéite est souvent notée. Les poumons présentent parfois divers degrés de réaction inflammatoire, voire des lésions de consolidation. Il est possible d’y retrouver des adultes de Crenosoma striatum et de Capillaria aerophila.

Traitement

Un portage de faible intensité est fréquent et ne nécessite pas forcément la mise en place d’un traitement, surtout s’il s’agit d’une découverte fortuite au cours d’un examen coproscopique de routine sans symptôme respiratoire associé. Effectivement, si l’animal est destiné à être rapidement relâché, il faut garder à l’esprit, avant toute prescription, que les produits administrés peuvent potentiellement être écotoxiques.

Le traitement spécifique implique l’utilisation d’un antiparasitaire. Le lévamisole est considéré comme le traitement de choix de par sa forme injectable pratique chez le hérisson, mais les doses utilisées sont variables dans les études. Au Cedaf, il est employé à la dose de 27 mg/kg une fois par jour, pendant trois jours. Le fenbendazole peut aussi être administré à la dose de 100 mg/kg une fois par jour, pendant 5 à 7 jours. Il présente l’avantage d’être ovicide, cependant, la forme orale rend son administration plus compliquée. Le traitement antiparasitaire peut être répété une, voire 2 semaines plus tard, en cas de persistance des parasites dans les selles.

Le traitement non spécifique comporte l’utilisation de corticoïdes pour limiter le risque allergique résultant de la présence de vers morts dans les bronches, ou à défaut d’un anti-inflammatoire non stéroïdien pour limiter l’inflammation bronchique. Il est parfois nécessaire d’ajouter des antibiotiques en cas de surinfection bactérienne : idéalement après réalisation d’un antibiogramme, sinon de manière probabiliste, l’association amoxicilline-acide clavulanique à la dose de 30 à 50 mg/kg deux fois par jour est souvent efficace et a l’avantage de pouvoir être employée par voie injectable. Lorsque du mucus est présent en abondance, traiter avec un mucolytique (acétylcystéine) peut être utile, notamment par nébulisation. Il est également possible de prescrire des bronchodilatateurs pour éviter le risque de mort subite consécutive à la présence de vers morts dans les bronches.

Des soins de support (réchauffement, fluidothérapie, nourrissage à la main) sont souvent d’une grande aide pour la survie d’individus fortement débilités.

1 Vétérinaire à Faune Alfort / CEDAF

Bibliographie :

- Bexton s., Robinson I. Hedgehogs in BSAVA Manual of Wildlife Casualties. 1st ed. Gloucester, British Small Animal Veterinary Association, 2003, 49-65.

- Robinson I., Routh A. Veterinary care of the hedgehog. In Practice, March, 1999, 128-137.

- Stocker L. Practical Wildlife Care. 2nd ed. Oxford, Blackwell Publishing Ltd, 2005, 335 p.

- Wildpro. Lungworm infection of hedgehogs (en-ligne : bit.ly/2kqH2qD, consulté le 15 février 2019).

POINT RÉGLEMENTAIRE

Le hérisson européen (Erinaceus europaeus) est une espèce protégée : sa détention par un particulier est illégale sous peine d’une condamnation à une amende de plusieurs milliers d’euros et à de la prison. Après consultation chez le praticien, si une hospitalisation est nécessaire, il est obligatoire qu’elle ne se fasse qu’à court terme à la clinique ou qu’un transfert dans les plus brefs délais soit organisé vers un centre de sauvegarde capacitaire pour cette espèce.
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