La résistance à Varroa se dévoile - La Semaine Vétérinaire n° 1816 du 05/07/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1816 du 05/07/2019

ENTRETIEN

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR TANIT HALFON 

Une équipe de chercheurs européens a annoncé avoir identifié huit variants génétiques impliqués dans la résistance SMR à Varroa destructor . Le D r Dirk de Graaf, directeur du centre de recherche Honeybee Valley, de l’université de Gand, qui a participé à l’étude, nous decrypte les résultats obtenus.

Quels étaient les objectifs de l’étude1 ?

Nous souhaitions identifier les bases génétiques de la résistance à Varroa destructor, plus particulièrement celles liées au caractère SMR (en anglais, suppressed mite reproduction). Ce dernier est intéressant car il n’implique pas de pertes en matières biologiques, à la différence du comportement hygiénique2. Ainsi, dans notre expérience, les cellules operculées étaient placées en incubation, afin d’exclure les abeilles adultes et de ne se focaliser que sur les liens entre pupes et acariens.

Comment avez-vous procédé ?

Nous avons travaillé avec des populations d’abeilles issues de quatre colonies qui avaient déjà démontré une capacité de résistance. Trois d’entre elles, en provenance de France, de Norvège et des Pays-Bas, n’ont pas été traitées contre le parasite pendant plusieurs années, permettant une sélection naturelle de la résistance. Pour la dernière, de Belgique, l’apiculteur avait procédé à un travail de sélection reposant principalement sur le comportement hygiénique de ses colonies. Nous avons ensuite effectué deux croisements successifs entre nos abeilles résistantes et des mâles issus d’une population sensible. Ainsi, les mâles de deuxième génération possédaient soit un allèle de résistance hérité de leur grand-mère, soit un allèle sensible hérité de leur grand-père. Le score maximal a été obtenu pour les populations d’abeilles des Pays-Bas, avec 50 % des acariens qui ne reproduisaient pas. Ces souches d’abeilles sont ainsi apparues comme les plus pertinentes pour déterminer les bases génétiques de la résistance. Aussi, nous avons divisé le couvain hollandais en deux groupes : un avec des pupes SMR et un autre témoin. Nous avons ensuite procédé au séquençage de l’exome3 à partir d’un échantillon de 32 individus de chaque groupe.

Quels résultats avez-vous obtenus ?

Nous avons identifié huit variants, sur six gènes. Cela signifie que la différence entre la résistance et la sensibilité à Varroa dépend d’un faible nombre de gènes. En outre, nous avons développé un modèle permettant de prédire, à partir du génotype, le phénotype d’une colonie, avec une fiabilité de l’ordre de 88 %. Ce résultat remarquable doit être maintenant conforté sur le terrain, afin de savoir s’il sera possible de l’appliquer en pratique apicole et à la diversité génétique du terrain. Il conviendra, en plus, de bien définir l’ensemble des variants génétiques conférant une capacité de résistance ; il est certain qu’il en existe d’autres. Il faudra également vérifier la faisabilité de partir de données moléculaires pour caractériser la génétique.

Quelles sont les perspectives d’avenir, pour les apiculteurs ?

Ces travaux de recherche pourraient permettre de connaître, seulement quelques semaines après la ponte, la valeur génétique d’une reine, simplement à partir de l’analyse génétique du couvain. Aujourd’hui, les apiculteurs doivent attendre deux à trois années afin d’identifier et de reproduire les colonies intéressantes en matière de résistance. La première année, une jeune population d’abeilles issue d’une nouvelle reine est élevée. Elle sera testée la deuxième année pour envisager, l’année suivante, une reproduction sélective. De plus, un grand avantage réside dans le fait que l’on pourra garantir la diversité génétique des abeilles, car le travail de sélection ne concernera que huit loci.

1 bit.ly/31Y9HUV.

2 Selon une étude, les abeilles présentant un comportement hygiénique ouvrent et évacuent jusqu’à 32,4 % des pupes malades du couvain.

3 L’exome correspond aux parties codantes du génome. L’exome de l’abeille comporte 26 millions de paires de base, soit moins de 1/10 du génome total (325 millions de paires de base).

UN DIFFICILE TRAVAIL DE SÉLECTION

Benjamin Basso, coordinateur sélection et élevage à l’Itsap1, Institut de l’abeille, précise que la sélection sur la résistance à Varroa est peu pratiquée, faute de critère de sélection pertinent. « L’interaction dynamique de colonie/dynamique de population varroa est tellement complexe qu’il est difficile de connaître le niveau de résistance d’une colonie.Pour l’instant, les tests qui le permettent sont très chronophages et demandent des compétences spécifiques, peu accessibles ». Aussi, comme Honeybee Valley, l’Itsap mène actuellement des travaux de recherches de marqueurs génétiques2. « Le phénotypage est fini et le génotypage bien avancé », précise Benjamin Basso. En attendant, l’Institut a mis en ligne trois fiches techniques3 d’aide à la sélection à destination des apiculteurs .
1 Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation.
2 Programmes Beestrong et Mosar.
3 bit.ly/2KIeGnd.
Pour en savoir plus : bit.ly/2JdDK29.

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