L’Académie vétérinaire se prononce sur l’insensibilisation du pied du cheval - La Semaine Vétérinaire n° 1816 du 05/07/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1816 du 05/07/2019

ÉQUIDÉS

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : MARINE NEVEUX  

L’Académie vétérinaire de France a rendu un avis clair et étayé sur l’insensibilisation de la région palmaire/plantaire du pied du cheval, par névrectomie ou neurolyse digitée.

L’insensibilisation du pied (par chirurgie ou injection de substance) soulève nombre de problématiques : d’ordre éthique, en matière de dopage, de dol lors de vente, mais aussi de responsabilité du vétérinaire. La Fédération européenne des associations de vétérinaires équins (Feeva) avait d’ailleurs déjà souhaité, en 2018, que la névrectomie figure obligatoirement sur le passeport équin.

Sujet relancé il y a un an en France par la députée Martine Leguille-Balloy, présidente du groupe cheval à l’Assemblée nationale, attirant l’attention du ministre de l’Agriculture sur les risques inhérents à l’absence d’obligation de déclarer les chevaux ayant subi une opération de névrectomie. Des praticiens équins avaient fait part de leur inquiétude liée à la difficulté de détecter a posteriori cette opération. « Des chevaux névrectomisés peuvent donc se retrouver sur des circuits de compétition, malgré les contrôles vétérinaires mis en place par les organismes officiels. En outre, l’absence de connaissance d’un acte de névrectomie pose un sérieux problème de responsabilité et de transparence dans les transactions. Le nouvel acquéreur, qui n’aurait pas été informé de l’historique du cheval, ne sera pas conscient du risque induit et ne pourra pas prendre les précautions nécessaires pour prévenir d’éventuels accidents. » Une plus grande transparence dans cette pratique est ainsi nécessaire. La députée avait demandé au ministre s’il envisageait d’imposer au vétérinaire exécutant un acte de névrectomie d’en faire mention sur le livret du cheval.

Les obligations du vétérinaire

L’Académie vétérinaire de France a ainsi apporté, le 20 juin, un regard éclairé sur cette question qui touche la filière équine et a formulé des recommandations claires (encadré). Elle a rappellé les obligations déontologiques du vétérinaire, seule personne habilitée à pratiquer ces traitements. En outre, il existe une réglementation applicable aux chevaux de sports et de course, et la vente d’un cheval dont le pied a été insensibilisé, sans le signaler et sans informer des conséquences de l’intervention serait un dol.

L’avis de l’académie est étayé par la synthèse scientifique sur le sujet1. Outre la technique (de la guillotine, et sa version dite “pull through” qui est une référence), l’imagerie médicale permet aujourd’hui d’appuyer les indications et contre-indications. « La névrectomie n’est en général pas le traitement initial et est utilisée lorsque ce dernier ne suffit plus », précise l’académie. Mention importante aussi : « Aucune technique de détection de la névrectomie chirurgicale n’a été validée et publiée ».

1 Voir aussi Pratique Vétérinaire Équine n° 202 (avril-mai-juin 2019), « La névrectomie chirurgicale des nerfs digités : que disent les données publiées ? », page 50.

LES RECOMMANDATIONS

L’Académie recommande que :

• la décision d’insensibilisation du pied, comme de tout autre traitement, lors de boiterie due à une douleur de pied, soit prise de façon éclairée par le vétérinaire en fonction des connaissances scientifiques, de son expérience et du contexte de l’animal à traiter ;

• le consentement éclairé du propriétaire de l’animal soit obtenu notamment sur le suivi médical renforcé à la suite de cette insensibilisation du pied, qu’elle soit définitive ou temporaire ;

• les techniques d’imagerie médicale moderne, comme l’IRM, soient conseillées par le vétérinaire au propriétaire pour vérifier l’absence de contre-indication au moment de l’intervention, et pour surveiller l’absence de détérioration des tissus après le traitement ;

• tous les acteurs de la filière équine, notamment les maréchaux ferrants, et les propriétaires de chevaux, soient informés des conséquences des techniques d’insensibilisation du pied ;

• les organismes techniques vétérinaires rédigent un guide pratique de la névrectomie chirurgicale du nerf digité palmaire/plantaire ;

• les pieds d’un cheval névrectomisé fassent l’objet d’une hygiène quotidienne et d’un suivi médical renforcé ;

• l’injection de substances à effet neuromodulateur ou neurotoxique, en dehors de soins sous contrôle vétérinaire, étant éthiquement inacceptable, soit dénoncée et combattue par tous moyens légaux ;

• L’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) encourage la traçabilité de la névrectomie chirurgicale ou de la neurolyse par des moyens modernes applicables au moins dans toute l’Europe ;

• la mention de névrectomie figure dans le document d’accompagnement relatif à l’identification des équidés, pour autant qu’une harmonisation européenne soit mise en place ;

• des techniques soient développées pour détecter l’utilisation non déclarée de traitements visant à masquer une douleur du pied, qu’il s’agisse de névrectomie chirurgicale, chimique, physique, ou médicamenteuse, et qu’elles soient financièrement soutenues par les fonds de la filière ;

• les fédérations sportives équestres nationales et internationales œuvrent pour la détection et la traçabilité de l’insensibilisation du pied.
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