Diagnostic de l’hypertension pulmonaire - La Semaine Vétérinaire n° 1815 du 28/06/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1815 du 28/06/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS 

L’hypertension pulmonaire (HTP) est définie par une pression artérielle pulmonaire systolique supérieure à 30 mmHg et/ou diastolique supérieure à 19 mmHg. La pression artérielle pulmonaire (PAP) est estimée à l’échocardiographie par la mesure des gradients de pression obtenus à partir des régurgitations tricuspidienne (PAP systolique) et pulmonaire (PAP diastolique). En cas d’impossibilité de quantification (absence d’insuffisances), la détection de modifications cliniques ou morphologiques cardiaques secondaires à l’HTP peuvent permettre de suspecter sa présence. La PAP moyenne normale est de 14 mmHg.

Quelle que soit la cause de l’HTP, la surcharge barométrique dans l’artère pulmonaire se répercute sur le ventricule droit, qui va s’hypertrophier (forme chronique) et/ou se dilater (forme aiguë). Ceci s’accompagne d’une dilatation de l’atrium droit et, par augmentation de la pression, d’une surcharge de la veine cave, ce qui entraîne une dysfonction ventriculaire droite et une insuffisance cardiaque droite congestive avec épanchement pleural et/ou abdominal.

Quantification de la pression artérielle pulmonaire

La mesure invasive (cathéter placé dans le ventricule droit à partir d’une voie veineuse), peu pratiquée en médecine vétérinaire, est le gold standard en humaine. L’échocardiographie présente une corrélation modérée par rapport aux mesures invasives permettant de se passer de cet examen invasif en routine. Cependant, plus la PAP est élevée, plus l’écart entre les deux types de mesure est important.

Mesure en systole lors d’insuffisance tricuspidienne

L’insuffisance tricuspidienne survient en systole lorsque les feuillets se ferment. La vitesse de cette insuffisance est mesurable pour connaître la PAP en systole (PAPs) (coupe 4 ou 5 cavités par la vue parasternale gauche). Elle est physiologique chez plus de 80 % des chiens et 65 % des chats. Lors d’HTP, la prévalence et la vitesse de l’insuffisance tricuspidienne augmente (en humaine, la prévalence atteint 100 % si PAPs > 100 mmHg). La PAPs correspond à la pression artérielle dans le ventricule droit en systole (PVDs), car les sigmoïdes pulmonaires sont ouvertes, les cavités communiquent et les pressions sont donc identiques. Elle se calcule en mesurant le gradient de l'insuffisance tricuspidienne additionné à la pression dans l’atrium droit (PAD). Le gradient de l’insuffisance tricuspidienne (ΔP) s’obtient en mesurant la vitesse de l’insuffisance tricuspidienne grâce au Doppler continu en regard de la valve tricuspide. Le gradient de pression est obtenu avec l’équation de Bernoulli (ΔP = 4 x vitesse²). La PAD est déterminée de façon arbitraire selon le diamètre atrial droit à l’échocardiographie : atrium normal + 5 mmHg, dilaté + 10 mmHg ou accompagné d’insuffisance cardiaque congestive droite + 15 mmHg.

Mesure en diastole lors d’insuffisance pulmonaire

L’insuffisance pulmonaire survient quand les sigmoïdes pulmonaires sont fermées, en diastole. Elle est physiologique si sa vitesse n’est pas augmentée (chez 93 % des chiens et 2 % des chats). En cas d’HTP, son extension colorimétrique et sa vélocité augmentent (coupe transaortique modifiée obtenue par voie parasternale droite). Toute mesure de l’insuffisance pulmonaire en fin de diastole supérieure à 2 m/s est considérée comme une HTP diastolique. La PAPd est mesurée à partir de la vitesse de l’insuffisance pulmonaire (ΔP = 4 x v²). Une PAPd normale s’élève entre 5 et 10 mmHg. En pratique, la mesure de la PAPd est beaucoup moins facile, car l’apparition de l’hypertension diastolique est plus rare et plus tardive que l’hypertension systolique.

Évaluation des conséquences de l’HTP

En raison de l’absence d’insuffisance tricuspidienne et/ou pulmonaire chez certains animaux, la quantifiation de la pression pulmonaire n’est pas possible, il convient donc de s’appuyer sur les altérations morphologiques et fonctionnelles secondaires à l’HTP.

Signes cliniques

Certains signes sont évocateurs d’une HTP : souffle apexien droit1 (insuffisance tricuspidienne), dédoublement du deuxième bruit cardiaque (les sigmoïdes pulmonaires et aortiques ne se ferment plus en même temps), syncopes, tachycardie, hépatomégalie palpable, souffle plus audible à droite qu’à gauche, ascite, épanchement pleural, distension de la veine jugulaire.

Modifications cardiaques radiologiques

Sur la vue de profil, une cardiomégalie droite est évaluée par le rapport cœur droit/cœur gauche, matérialisé par la ligne depuis la bifurcation trachéobronchique jusqu’à l’apex ventriculaire (norme : deux tiers-un tiers). Sur la vue dorso-ventrale, deux indices orientent vers une HTP : forme du cœur droit en D inversé (associée dans 95 % des cas à une HTP) et bombement du tronc pulmonaire situé entre 13 et 14 h. Enfin, la dilatation des artères pulmonaires est visible au niveau de la triade artère-bronche-veine en regard du troisième espace intercostal et des artères pulmonaires caudales. En pratique, les lésions pulmonaires et pleurales associées à l’HTP gênent souvent l’évaluation de la silhouette cardiaque, cependant, la radiographie reste nécessaire pour la recherche des causes respiratoires d’HTP.

Modifications cardiaques échocardiographiques

- La dilatation du tronc pulmonaire est visible sur la coupe transaortique modifiée par voie parasternale droite. La taille du tronc pulmonaire est évaluée en télédiastole (entre le P et le QRS ou quand les sigmoïdes sont fermées) : sa taille est plus ou moins équivalente au diamètre de l’aorte. Plus l’HTP est importante, plus le tronc pulmonaire est dilaté. Le bombement des sigmoïdes pulmonaires (si PAPs > 40 mmHg, 61 % des chiens présentent un bombement des sigmoïdes pulmonaires) est un signe exploitable mais non spécifique d’HTP.

- L’hypertrophie-dilatation du ventricule droit est visible subjectivement à partir de la coupe transventriculaire par voie parasternale droite. Physiologiquement, la pression dans le ventricule gauche est supérieure à la pression ventriculaire droite (en systole : ± 120 mmHg et ± 25 mmHg pour le ventricule gauche et droit respectivement) entraînant un bombement du septum interventriculaire. Lors d’HTP importante, la pression dans le ventricule droit peut devenir supérieure à celle du ventricule gauche et provoquer un aplatissement du septum interventriculaire. Le mode temps-mouvement permet de mesurer le diamètre ventriculaire droit en diastole et la paroi libre du ventricule droit en systole. Chez un chien normal, ce diamètre est inférieur à environ un tiers du diamètre ventriculaire gauche en diastole et la paroi libre ventriculaire droite en systole est inférieure à environ 50 % de la paroi libre du ventricule gauche en systole.

- La dilation atriale droite se mesure sur la coupe 4 cavités par voie parasternale droite : physiologiquement, le septum atrial est bien rectiligne, le diamètre des atria droit et gauche est quasiment identique. Lors d’HTP, l’atrium droit est dilaté et le septum interatrial est bombé à cause de la surpression atriale droite.

- La diminution de l’excursion systolique de l’anneau tricuspidien (Tapse) est une conséquence fonctionnelle d’HTP pouvant être quantifiée sur une coupe 4 ou 5 cavités par voie parasternale gauche. L’anneau tricuspidien monte et descend en fonction de la diastole ou de la systole. Cette excursion donne un indice de fonction systolique ventriculaire droite. La norme, mesurée en mode temps-mouvement, est située entre 1,1 et 3,2 cm (en fonction du poids). Cette excursion diminue uniquement en cas d’HTP importante (> 75 mmHg).

1Corrélation souffle apexien droit-HTPs : souffle présent chez 61 % des chiens présentant une HTPs ; si souffle de grade 2/6 : probabilité d’environ 50 % d’avoir une HTPs ; si souffle de grade 5/6 : probabilité d’environ 90 % d’avoir une HTPs ; si souffle de grade 4-5/6 + ascite : 100 % de sensibilité et de spécificité d’avoir une HTPs.

Pour en savoir plus : Classification des causes d’hypertension pulmonaire : bit.ly/2XC0CSh

Bibliographie

- Borgarelli. Pulmonary Hypertension. Dans : Bonagura J. D., Twedt D. C., editors. Kirk’s Current Veterinary Therapy XV. Philadelphia, W. B. Saunders. 2014; 711-17.

- Chetboul V. et coll. Quantitative assessment of systolic and diastolic right ventricular function by echocardiography and speckle-tracking imaging : a prospective study in 104 dogs. J. Vet. Sci. 2018;19:683-692.

- Ohad D. G et coll. A loud right-apical systolic murmur is associated with the diagnosis of secondary pulmonary arterial hypertension: retrospective analysis of data from 201 consecutive client-owned dogs (2006-2007). Vet J. 2013;198(3):690-695.

- Serres F. et coll. Diagnostic value of echo-Doppler and tissue Doppler imaging in dogs with pulmonary arterial hypertension. J. Vet. Intern. Med. 2007;21(6):1280-1289.

- Soydan L. C. et coll. Accuracy of Doppler echocardiographic estimates of pulmonary artery pressures in a canine model of pulmonary hypertension. J. Vet. Cardiol. 2015;17(1):13-24.

- Pariaut R. et coll. Tricuspid annular plane systolic excursion (Tapse) in dogs: reference values and impact of pulmonary hypertension. J. Vet. Intern. Med. 2012;26(5):1148-54.

Cécile Damoiseaux Service de cardiologie, CHV Frégis à Arcueil (Val-de-Marne).

Détermination de la pression artérielle pulmonaire en systole (PAPs) par l’insuffisance tricuspidienne
PAPs = PVDs = ΔP insuffisance tricuspidienne (= 4 x v²) + PAD
Interprétation : valeur normale : < 30 mmHg ; HTPs modérée : < 50 mmHg ; HTPs significative : 51-75 mmHg ; HTPs sévère : > 75 mmHg.
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