Mettre en place une consultation douleur au sein de sa structure - La Semaine Vétérinaire n° 1814 du 21/06/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1814 du 21/06/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : AMANDINE CLÉMENT 

Notre confrère Thierry Poitte, fondateur du réseau CAP douleur, exhorte la profession à mettre en place une consultation douleur au sein des structures vétérinaires. Fort de son expérience de ce type de consultation depuis plus de huit ans, il témoigne du bien-fondé de cette démarche qualitative et valorisante.

Un regard nouveau

Thierry Poitte suggère d’apprendre à valoriser de nouveaux engagements avec une approche stratégique de développement. Plus la valeur perçue d’un acte est élevée (valeur = pertinence x résultat/coût), plus le coût peut être réestimé à la hausse (horloge de Bowman). Pour progresser dans cette voie et communiquer librement sur son implication et la qualité de son offre de service, le vétérinaire doit procéder à plusieurs changements de regards : sur l’arthrose, maladie pluritissulaire, sur la qualité mécanique, inflammatoire, neuropathique ou centrale des douleurs, sur ses pratiques évaluatives (médecine narrative, grilles multiparamétriques, application web Dolodog, CSOM1, actimétrie), pour une approche multimodale et pluridisciplinaire de la douleur. Son changement de regard doit porter aussi sur le propriétaire, personne sensibilisée à ce sujet (1 adulte sur 5 souffre de douleurs chroniques en France) et qui présente des revendications et des attentes : elle souhaite être responsabilisée, autonome et surtout être actrice dans les décisions à prendre concernant son compagnon. Pour mieux supporter le “fardeau de l’aidant”, elle désire s’adresser à un professionnel empathique, capable d’écouter son client, puis de lui expliquer sa démarche thérapeutique avant de lui assurer un suivi de qualité

Une médecine individualisée

Les douleurs chroniques sont le fruit de mécanismes physiopathologiques complexes dont résultent des syndromes cliniques hétérogènes aux expressions variables et à l’évolution incertaine et imprévisible. Pour y voir plus clair et pouvoir proposer une prise en charge adaptée en hiérarchisant les orientations thérapeutiques, il convient ensuite d’identifier des sous-groupes cliniques selon une approche phénotypique (dans le cas de l’arthrose)2.

Définir un objectif commun réaliste

« Il faut sans arrêt s’adapter à l’individu et à l’environnement qu’il partage avec son propriétaire », explique Thierry Poitte. En entretenant un dialogue attentif avec le propriétaire, le thérapeute accorde une préférence au tableau clinique de son compagnon, unique en son genre (patient-based medicine). La douleur est une expérience qui s’est construite en fonction d’un vécu douloureux propre à chaque animal et d’un contexte environnemental et émotionnel : sa prise en charge doit donc prendre en compte cette valence émotionnelle forte. « Plus la relation avec le propriétaire est qualitative et plus l’effet placebo inducteur est bon sur le binôme qu’il forme avec son compagnon », poursuit le conférencier. Ainsi, le propriétaire doit accepter le handicap fonctionnel de son animal, incompatible avec le “zéro douleur”. Puis, après avoir réalisé une évaluation fonctionnelle et comportementale rigoureuse (examen clinique, applications web Dolodog ou Dolocat), il revient au vétérinaire de motiver son client afin de définir un objectif commun réaliste et atteignable : il est possible d’améliorer la qualité de vie des animaux en mariant habilement les moyens pharmacologiques, les biothérapies et les méthodes non pharmacologiques.

Accompagner et donner des compétences de soin

La clé de l’observance du traitement réside dans l’alliance et l’éducation thérapeutique du vétérinaire avec le client (formation à l’évaluation de la douleur, à la physiothérapie manuelle, administration de rescue dose de tramadol par voie orale à domicile). Ce dernier est alors capable d’appréhender la notion de douleur chronique : c’est une maladie irréversible qui se caractérise par des rechutes imprévisibles vis-à-vis desquelles il peut être une sentinelle et un acteur compétent et autonome.

1 Client specific outcome measures.

2 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1710 du 10/3/2017, page 18.

Thierry Poitte DIU douleur, praticien à l’île de Ré (Charente-Maritime). Article rédigé d’après une conférence organisée par CAP douleur et le CHV Advetia à Vélizy-Villacoublay, en février 2019.

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