Du diagnostic et de l’indépendance d’exercice - La Semaine Vétérinaire n° 1814 du 21/06/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1814 du 21/06/2019

JUSTICE ORDINALE

ACTU

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL 

La Chambre nationale de discipline rappelle, lors d’un jugement rendu le 18 avril, qu’un vétérinaire ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit.

La presse grand public en a fait ses choux gras. L’audition en appel de la vétérinaire X, accusée d’avoir pratiqué en 2013 des euthanasies massives sur des chiens et des chats pour la Société protectrice des animaux (SPA) de Pau-Berlanne (aujourd’hui démantelée), dans les Pyrénées-Atlantique, s’est déroulée à Paris le 22 mars 2019 devant la Chambre nationale de discipline de l’Ordre des vétérinaires. L’association de protection animale B, à l’origine de la plainte en première instance et de l’appel, a estimé que « le simple avertissement » prononcé par la chambre régionale de discipline d’Aquitaine en mai 2017 n’était pas proportionné aux faits reprochés au Dr X. Outre le grief portant la pratique d’« euthanasies massives », celle-ci lui reproche en effet de nombreux manquements : l’euthanasie d’animaux avant le délai légal, l’injection d’un produit mortel en intracardiaque sans anesthésie préalable, afin de diminuer les coûts pour la SPA, et la couverture de l’utilisation de l’éther par les responsables du refuge pour tuer chiots et chatons. La Chambre nationale de discipline a confirmé le 18 avril le jugement rendu en première instance en tenant compte des circonstances dans lesquelles ces manquements ont été commis.

Une vétérinaire fraîchement diplômée

Le manque d’expérience du Dr X aura pesé dans la décision en appel. La Chambre nationale de discipline rappelle que la praticienne était diplômée à peine un an avant la survenance des faits qui lui étaient reprochés. Mais il ne s’agit pas là de l’unique argument de la juridiction disciplinaire. Ainsi, sur le grief d’avoir « injecté un produit mortel en intracardiaque sans anesthésie préalable », méthode dénoncée par l’association B comme n’étant pas recommandée, la Chambre nationale de discipline indique qu’il n’est pas caractérisé. Elle souligne « qu’aucune méthode de référence s’imposant au praticien n’a été définie en la matière de sorte que celle employée relève du libre choix du docteur vétérinaire et de son indépendance d’exercice ». Elle ajoute par ailleurs qu’en médecine vétérinaire il est légitime de prendre en considération les préoccupations économiques du détenteur des animaux. Cet argument fera-t-il mouche auprès de la partie plaignante ? Autre grief, le grand nombre d’animaux euthanasiés qui, selon l’association B, ne pouvait être ignoré par le Dr X. La juridiction disciplinaire d’appel s’intéresse à la justification de ces euthanasies et surtout à la légitimité de l’association B à invoquer cet argument.

Trop d’animaux euthanasiés ?

Ces pratiques étaient-elles nécessaires ? Selon la chambre, l’appréciation de cette nécessité relève du seul diagnostic du praticien. Ce dernier demeure libre de ce diagnostic et peut prendre en considération des raisons sanitaires. « Son acte ne relève donc pas, en lui-même, d’un contrôle déontologique », argue-t-elle. Même son de cloche de la chambre en ce qui concerne le respect du délai légal de garde de huit jours francs ouvrés avant l’euthanasie. « Il apparaît que le docteur vétérinaire X n’avait pas les moyens, dans le temps qui lui était imparti, de contrôler l’expiration de ce délai avant de prendre sa décision et s’en remettait à la présentation des animaux par le personnel du refuge en qui elle avait confiance », estime la chambre. La juridiction disciplinaire d’appel retient toutefois, dans ce cas, que le Dr X a aliéné son indépendance professionnelle et méconnu les dispositions de l’article R.242-33 alinéa II du Code rural et de la pêche maritime. Ce dernier prévoit qu’un vétérinaire ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit. Par ailleurs, un conseiller de la chambre s’est, quant à lui, étonné du « défaut de surveillance » du donneur d’ordre de la fourrière. Un point à relever dans le cas d’un recours en cassation devant le Conseil d’état ? Cette hypothèse n’est pas à exclure.

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