Actualités sur l’antibiothérapie des mammites des vaches laitières (partie 2) - La Semaine Vétérinaire n° 1814 du 21/06/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1814 du 21/06/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE  

Face au défi majeur d’un point de vue sanitaire et économique que représentent les mammites dans les élevages de vaches laitières1, Guillaume Lequeux a délivré, lors de l’International Summit on Dairy Cattle,les dernières recommandations à suivre pour l’utilisation des tests de sensibilité aux antibiotiques (antibiogrammes) dans l’élaboration de programmes de gestion raisonnée des mammites.

Spécificités propres aux traitements des mammites

Les valeurs de référence des tests de sensibilité aux antibiotiques (AST) disponibles actuellement doivent être interprétées avec beaucoup de précaution, car leur validité in vivo n’a pas été établie, le lait présentant des particularités propres différentes de celles du sérum humain. En effet, le manque de données pharmacocinétiques concernant les antibiotiques utilisés dans les cas de mammites est considéré comme le premier facteur qui peut impacter la performance des tests de sensibilité2. Par ailleurs, certaines molécules antibiotiques peuvent altérer le mécanisme de défense immunitaire des neutrophiles in vivo 3. De plus, la fréquence de la traite peut aussi influencer la concentration des antibiotiques au sein des lésions intramammaires. Néanmoins, même si actuellement l’Institut de standards cliniques et de laboratoires (CLSI) nord-américain peut fournir des données validées pour le ceftiofur, la pirimycine, la pénicilline et la novobiocine avec de forte valeurs prédictives thérapeutiques, d’autres travaux de collecte de données vétérinaires sont en cours4.

Prédiction d’un échec thérapeutique

Après avoir identifié au préalable les pathogènes présents, les AST peuvent cependant être utiles pour déterminer la résistance de certaines souches pathogènes persistantes dans le troupeau. En effet, ils peuvent permettre d’indiquer quel antibiotique a moins de probabilité d’être efficace car la résistance in vitro donne une indication sur celle retrouvée in vivo, à l’inverse des données de sensibilité bactérienne. Par conséquent, la détermination de la sensibilité d’un agent pathogène à un antibiotique n’est pas une garantie de l’efficacité d’un traitement, tandis que celle de sa résistance pourrait permettre de prédire, en partie, la probabilité d’un échec thérapeutique5, a conclu le conférencier. Plusieurs études et publications ont ainsi permis de montrer que les tests AST pouvaient être utilisés de cette façon pour déterminer s’il convient de traiter ou non certaines mammites. Par exemple, en cas d’isolement de germes Staphylococcus aureus résistants à la pénicilline, le traitement antibiotique (quelle que soit la famille) ne devrait pas être mis en place6.

Comment interpréter les AST de la façon la plus pertinente possible ?

Enfin, quand il est nécessaire d’obtenir l’information rapidement, les décisions thérapeutiques doivent être prises grâce au diagnostic clinique seul. Le praticien devra alors tenir compte des objectifs spécifiques du troupeau pour élaborer les programmes de gestion des mammites. Pour cela, des cultures bactériologiques régulières peuvent, par exemple, être réalisées afin de définir et de réévaluer les protocoles de traitement. Une étude a ainsi montré que l’usage des antibiotiques pouvait être diminué7. S’il associe les AST aux données cliniques et à la bibliographie, le vétérinaire pourra améliorer la valeur prédictive limitée des AST dans un contexte de mammites. De plus, les données épidémiologiques françaises sur la résistance des souches permettent d’améliorer la sélection des antibiotiques à utiliser. Pour conclure, selon le conférencier, « il est important de noter que les AST, outre leurs intérêts dans les programmes de gestion des mammites peuvent être des outils efficaces pour améliorer la relation du vétérinaire avec l’éleveur » 8.

1 Hossain M. K., Paul S., Hossain M. M. et coll. Bovine mastitis and its therapeutic strategy doing antibiotic sensitivity test. Austin J. Vet. Sci & Anim. Husb. 2017;4(1):1030.

2 Apparao D., Oliveira L., Ruegg P. L. Relationship between results of in vitro susceptibility tests and outcomes following treatment with pirlimycin hydrochloride in cows with subclinical mastitis associated with gram-positive pathogens. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2009;234(11):1437-1446.

3 Mastitis therapy : a systematic approach. Nyschap.

4 Toutain P. L., Bousquet-Mélou A., Damborg P. et coll. En route towards European clinical breakpoints for veterinary antimicrobial susceptibility testing: a position paper explaining the vetcast approach. Front Microbiol. 2017;8:2344.

5 Mastitis therapy and antimicrobial susceptibility: a multispecies review with a focus on antibiotic treatment of mastitis in dairy cattle. J. Mammary Gland. Biol. Neoplasia. 2011;16(4):383-407.

6 Barkema et coll., 2006.

7 Lago et coll., 2011.

8 Bourely et coll., 2018.

Guillaume Lequeux Vétérinaire au Labocea, à Fougères (Ille-et-Vilaine), membre de la commission vaches laitières de la SNGTV. Article rédigé d’après une présentation faite lors de l’ International Summit on Dairy Cattle , organisé par le laboratoire Bayer à Nantes (Loire-Atlantique), du 5 au 7 mars.

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