Usutu : une menace méconnue - La Semaine Vétérinaire n° 1813 du 14/06/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1813 du 14/06/2019

ZOONOSE

ACTU

Auteur(s) : THÉO PORCHERON-GEORGET, NORIN CHAÏ 6FRÉDÉRIC JIGUET 7, CÉCILE BECK 8 

Un premier cas humain signalé en France il y a un an a ravivé l’intérêt pour le virus Usutu. La période actuelle est particulièrement à risque pour les oiseaux, qui en constituent le réservoir. Les points à connaître pour une vigilance accrue.

Un cas d’infection humaine au virus Usutu (Usuv) a été pour la première fois rapporté en France en 2018, par des équipes de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), du centre hospitalier universitaire et de l’université de Montpellier (Hérault)1. Le patient, un homme de 39 ans, avait été hospitalisé en 2016 à la suite d’une paralysie de la moitié du visage et avait récupéré en quelques semaines, sans garder de séquelle. Cet événement rappelle la vigilance à avoir vis-à-vis de cette zoonose méconnue.

Un flaviviridé qui circule chez des oiseaux

Le virus Usutu est un flaviviridé d’origine africaine qui émerge en Europe depuis la fin des années 1990. Il circule chez des oiseaux, passeriformes et strigiformes, qui en constituent le réservoir, et se transmet par des arthropodes vecteurs, principalement des moustiques. Il peut être rarement et sporadiquement pathogène pour les chevaux et l’espèce humaine, mais ces hôtes sont accidentels et constituent des impasses épidémiologiques1.

Chez les oiseaux infectés, il entraîne des troubles nerveux centraux (prostration, désorientation et ataxie), ainsi qu’une perte de poids2. À l’autopsie, une taille augmentée et une inflammation du foie et de la rate sont fréquemment observées, associées à des lésions diverses de ces organes, du cœur, des reins et du cerveau : encéphalite, nécrose du cœur, du foie, de la rate et des reins, avec inflammation lymphoplasmocytaire. La mortalité est élevée. Les oiseaux sont particulièrement sensibles de juin à septembre, période à laquelle les moustiques sont plus nombreux et plus actifs2.

Une maladie vectorielle

Régulièrement introduit en Europe dès la fin des années 1960 par les migrations des oiseaux, il profite aussi du dérèglement climatique à l’origine d’hivers moins froids permettant à davantage de moustiques vecteurs d’hiverner1. Il a ainsi causé plusieurs épizooties qui ont été rapportées, dans plusieurs pays européens, sur des oiseaux sauvages (merles noirs, principalement) et de parcs zoologiques3. Durant l’été 2018, de nombreux strigiformes de parcs zoologiques français, essentiellement des chouettes lapones, sont morts, probablement des suites de cette infection, comme le suggèrent les examens par polymerase chain reaction (PCR) réalisés4.

à la ménagerie du Jardin des Plantes de Paris, deux chouettes lapones ont ainsi été retrouvées mortes ou agonisantes à quelques jours d’intervalle, sans qu’aucun signe précurseur ne soit observé. L’autopsie réalisée a permis de mettre en évidence une hépatomégalie et une splénomégalie modérée, tandis que la PCR conduite par le laboratoire Anses de santé animale de Maisons-Alfort a confirmé la présence du virus Usutu. Après dépistage sérologique, il est possible d’affirmer que de nombreux autres strigiformes ont été en contact avec le virus.

L’imputabilité de la mort à Usutu est difficile à affirmer avec certitude dans la mesure où son tableau clinique est proche de celui des hémosporidioses, maladies causées par des protozoaires parasites des hématies, courantes chez les oiseaux et véhiculés par les mêmes vecteurs2. La co-infection avec Plasmodium est de plus fréquemment décrite5 et pourrait être un facteur accroissant la mortalité des oiseaux infectés2.

1 Simonin et coll. Human Usutu virus Infection with atypical neurologic presentation, Montpellier, France, 2016. Emerg. Infect. Dis. 2018;24(5):875-878.

2 Rijks et coll. Widespread Usutu virus outbreak in birds in the Netherlands, 2016. Euro. Surveill. 2016;21(45):30391.

3 Michel et coll. West Nile virus and Usutu virus monitoring of wild birds in Germany. Int. J. Environ Res. Public Health. 2018;15(1).

4 Beck et coll. Bilan de la circulation du virus Usutu en France au 27 août 2018. Plateforme ESA, 2018.

5 Rouffaer et coll. Usutu Virus epizootic and plasmodium coinfection in Eurasian blackbirds (Turdus merula) in Flanders, Belgium. J. Wildl. Dis. 2018;54(4):859-862.

6 Ménagerie du Jardin des Plantes de Paris, Muséum national d’histoire naturelle.

7 Centre d’écologie et des sciences de la conservation (Cesco), unité mixte de recherche (UMR) 7204, Muséum national d’histoire naturelle.

8 Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, Maisons-Alfort (Anses).

UN NOMBRE DE CAS SOUS-ESTIMÉ

Encore assez méconnu en raison de la rareté des cas humains (seuls 26 cas européens rapportés à ce jour)1, il semble entraîner surtout des atteintes de gravité modérée, sans occasionner de décès. Le nombre de cas est cependant sous-estimé, pâtissant de l’absence de test diagnostique de routine, et quelques atteintes neurologiques sévères ont malgré tout été rapportées. L’absence d’infection clinique chez la poule et l’oie après inoculation laisse penser que le virus ne pourrait atteindre les élevages et que ces oiseaux ne pourraient servir d’hôtes amplificateurs, limitant ainsi un risque zoonotique qui reste cependant à caractériser de manière rigoureuse par davantage d’études2.
Une analyse du sérum de 18 corneilles noires sauvages du Jardin des Plantes de Paris, visant à évaluer la prévalence du virus dans cette population qui pourrait éventuellement jouer un rôle d’amplificateur, a révelé un seul individu séropositif aux flaviviridés, famille dont fait partie Usutu. Suivi par un programme du Centre de recherches sur la biologie des populations d'oiseaux (CRBPO) du Muséum national d'histoire naturelle (MNHN), l’individu est rapporté vivant et bien portant plus de 5 mois après.
1 Beck et coll. Bilan de la circulation du virus Usutu en France au 27 août 2018. Plateforme ESA, 2018.
2 Cauchard et coll. Poursuite de la propagation du virus Usutu dans l’avifaune en Europe. Plateforme ESA, 2017.

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