La résistance du virus en question - La Semaine Vétérinaire n° 1813 du 14/06/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1813 du 14/06/2019

PESTE PORCINE AFRICAINE

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : TANIT HALFON 

Une autosaisine de l’Anses fait le point sur la résistance du virus de la peste porcine africaine et les méthodes d’inactivation. Elle met en évidence l’existence de nombreuses incertitudes.

Face au risque d’introduction de la peste porcine africaine (PPA), l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) s’est autosaisie1 sur la question de la résistance du virus. L’objectif était de dresser un état des lieux des connaissances sur les méthodes et procédés d’inactivation du virus, ainsi que sur sa résistance dans différentes matrices potentiellement contaminées. Les produits biocides ont également été passés en revue, que ce soit ceux utilisables en laboratoire, au clos d’équarrissage ou lors de dépeuplement des élevages. Présentation des principaux résultats du rapport publié en avril dernier.

Une résistance accrue dans la matière organique

Le virus peut persister longtemps dans des environnements protéiques, comme la viande. Une étude a, par exemple, montré que sa demi-vie oscillait entre 1,7 et 7,4 jours dans des tissus stockés à 20 °C, la rate étant l’organe où le virus infectieux persistait le plus longtemps. Une autre indique que le virus resterait viable 81 jours dans un cadavre enfoui en été-automne, et jusqu’à 192 jours s’il est laissé en surface. De plus, le virus pourrait être isolé jusqu’à 18 mois dans du sérum ou du sang conservé à température ambiante, voire il serait viable dans du sang putréfié jusqu’à 15 mois. Pour les fèces, les durées de résistance sont variables suivant les conditions environnementales, mais surtout, les études révèlent des résultats parfois contradictoires. Le problème, de plus, est qu’elles s’intéressent à la présence d’ADN viral, qui ne correspond pas au potentiel infectieux. Le virus résisterait mieux dans les urines. L’isolement de particules virales infectieuses est rare dans la salive.

Une résistance plus faible par ailleurs

La transmission virale est possible via les aérosols, mais seulement sur de courtes distances et dans un même élevage. Le virus ne survivrait que 5 minutes dans les aérosols avec un taux de 30 % d’humidité relative, et serait inactivé à un taux supérieur à 50 %. Les données manquent, en revanche, en ce qui concerne la résistance du virus dans l’eau. Enfin, les supports inertes peuvent être contaminés s’ils sont souillés. Par exemple, une étude parle d’une persistance virale de 70 jours sur une surface en bois souillé par du sang. à noter que les auteurs du rapport soulignent que les études relatives à la persistance du virus sont « anciennes et parfois difficilement exploitables du fait de la langue originale de l’article ». En outre, d’autres études plus récentes peuvent s’y référer « sans pour autant questionner leur validité ». Les auteurs précisent que « dans tous les cas, la demi-vie de l’ADN viral est beaucoup plus longue que celle du virus infectieux ».

Une inactivation possible par des procédés physico-chimiques

La chaleur apparaît comme le principal procédé pour inactiver le virus. Plusieurs modalités sont décrites, variables selon les matrices biologiques, la plus souvent mentionnée étant 30 minutes à 60 °C. à noter qu’une seule étude a indiqué que la chaleur est utilisable pour décontaminer les lisiers. De fait, pour les auteurs, « l’inactivation du virus dans les lisiers doit donc être f orcément suivie d’une vérification de son efficacité compte tenu des variations liées au titre viral, à la souche virale, à la nature de la matière organique présente, etc. » Au contraire, le virus pourrait survivre plusieurs mois ou années dans de la viande congelée. Pour le reste, les données sont moins concluantes. Par exemple, il semblerait que le virus supporte une large gamme de pH (4 à 13). D’autres études évoquent la possibilité d’irradiation gamma. En revanche, l’efficacité de l’irradiation par rayons ultraviolets reste encore à explorer.

Les biocides EN 14675 utilisables

Les données manquent sur l’efficacité de substances actives biocides sur le virus. En outre, elles proviennent uniquement de tests effectués en laboratoire. Le chlore, les aldéhydes, l’ortho-phénylphénol, le péroxymonosulfate de potassium, l’iode, le peroxyde d’hydrogène et/ou l’acide peracétique ou encore les ammoniums quaternaires sont cités par plusieurs sources, mais dans des conditions variables d’utilisation et surtout pas toujours représentatives des conditions de terrain. Dans ce contexte, les auteurs recommandent pour la désinfection de foyer les produits biocides associés à la norme européenne d’évaluation de l’activité virucide EN 14675, une liste ayant été élaborée par les autorités belges2. Néanmoins, ils soulignent la nécessité de prévoir un test de surface « afin d’intégrer des supports représentatifs des substrats de terrain [NDLR : bois, bétons poreux, etc.] plus difficiles à désinfecter et confirmer ainsi l’efficacité de ces produits dans des conditions plus représentatives du terrain ».

1 bit.ly/2KcBMlO.

2 bit.ly/2WvIQM4.

UNE EXCRÉTION QUI DURE ?

La capacité de résistance du virus n’est pas la seule à poser problème. Les références bibliographiques montrent ainsi que les porcs survivant à une infection virale peuvent continuer à excréter du virus, de 1 mois après la disparition des signes cliniques jusqu’à 3 mois après le début de l’infection. Par exemple, des études ont décrit l’existence de formes chroniques de la maladie, ou d’infections persistantes, dans certaines populations de suidés sauvages en Afrique, dans des zones où la maladie est désormais enzootique. D’autres études expérimentales ont émis l’hypothèse que l’excrétion était possible en l’absence de signes cliniques et de virémie détectable par isolement viral. à suivre.
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