« Désormais, le Comité d’éthique des abattoirs est une structure pérenne » - La Semaine Vétérinaire n° 1812 du 25/05/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1812 du 25/05/2019

ENTRETIEN AVECJEAN-LUC ANGOT

ACTU

Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR TANIT HALFON 

Le ministre en charge de l’agriculture, Didier Guillaume, a annoncé le 24 mai le maintien du Comité national d’éthique des abattoirs. Jean-Luc Angot, inspecteur général de santé publique vétérinaire, en assure toujours la présidence, avec à ses côtés Pierre Le Neindre, vice-président, directeur de recherche honoraire de l’Inra, éthologue et zootechnicien. Il fait le point sur les missions dévolues au comité.

Le comité avait été mis en place en juillet 2017 pour une mission précise (encadré ci-dessous) (encadré ci-dessous) . Dorénavant, quel sera son rôle et pour combien de temps ?

Rattaché au Conseil national de l’alimentation, le Comité national d’éthique des abattoirs (CNEAb) avait pour objectif de produire un avis. Ce dernier, assez ambitieux, regroupe un noyau dur de recommandations, au nombre de 12, dont la première demandait la pérennisation du comité, aucune autre structure ne réunissant toutes les parties prenantes1. Désormais, le comité est une structure pérenne. Plusieurs sujets prioritaires ont été définis, à savoir un travail sur l’harmonisation des grilles d’évaluation du bien-être animal en abattoir, un accompagnement de la mise en place des décrets sur l’expérimentation vidéo et l’abattage mobile, l’élaboration d’un plan de communication à destination du grand public, notamment des jeunes, ainsi qu’une réflexion sur l’information à délivrer au consommateur, que ce soit via un étiquetage ou par tout autre moyen possible. Le comité, dont les membres ont été élargis à des représentants des régions, des départements et des collectivités territoriales, se réunira en tant que de besoin afin d’éclairer le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation. Ce nouveau mandat doit être encore validé par le Conseil national de l’alimentation, qui se réunira le 5 juin.

D’autres é tats membres de l’Union européenne disposent-ils de leur comité d’éthique pour les abattoirs ou d’un équivalent ?

Non, le CNEAb est unique en Europe et certainement dans le monde.

Pourquoi un tel comité est-il nécessaire alors qu’il existe déjà des services vétérinaires fixes en abattoir, ainsi que des contrôles ponctuels des directions départementales de la protection des populations ?

Les services vétérinaires assurent une mission de contrôle ; le comité, lui, a l’avantage de réunir toutes les parties prenantes autour de la table. Nous échangeons de manière constructive sur des sujets extrêmement sensibles, notre ambition à tous étant de continuer à travailler ensemble, afin d’aboutir à l’élaboration de mesures concrètes, et non d’un énième règlement (encadré ci-dessus).

Les recommandations clés de l’avis seront-elles suivies d’effet ?

Des annonces sont prévues par le ministre à ce sujet. Elles concerneront notamment la formation et le renforcement des services de contrôle dans les abattoirs.

Dans le contexte actuel où des images de maltraitance animale en abattoir ont circulé sur les réseaux sociaux, pensez-vous que le contrôle vidéo soit accepté par les personnels des abattoirs ?

Les syndicats au niveau national y sont opposés, mais certains établissements d’abattage le mettent en œuvre. Peut-être que le renforcement des services vétérinaires impliquera une moins grande nécessité de recourir à la vidéosurveillance.

La question de l’abattage rituel fait également l’objet de vifs débats. Sera-t-elle abordée par le comité ?

Oui, il est prévu un dialogue avec les représentants des cultes afin de faire évoluer les pratiques et d’envisager au moins un soulagement post-jugulation. Il est vraisemblable par ailleurs que la question de l'étiquetage permettant de différencier abattage rituel et non rituel reviendra sur la table.

Avez-vous connaissance de dispositifs innovants qui améliorent les conditions d’abattage ?

L’Allemagne et les pays du Nord utilisent des technologies permettant d’alléger le travail physique des salariés en abattoir [NDLR : et donc le risque de développer des troubles musculo-squelettiques], comme les exosquelettes ou encore des machines de découpe des carcasses. Le développement de la recherche en abattoir fait d’ailleurs partie des recommandations de l’avis du CNEAb2.

En conclusion, pensez-vous possible de réconcilier le consommateur à l’abattoir ?

C’est notre ambition. Il ne faut pas nier la finalité de l’élevage, la mort des animaux devant être réalisée dans d’excellentes conditions. Notre tâche sera de l’expliquer simplement et calmement au consommateur. Au Danemark, par exemple, le ministère de la Santé a édité un fascicule à destination des élèves des écoles primaires et de collèges qui explique la réalité de l’élevage et de l’abattoir. Aujourd’hui, il y a matière à progresser.

1 Le CNEAb regroupe plus de 50 membres, dont des professionnels du secteur viande, des associations de protection animale, des organisations vétérinaires, des représentants des cultes, des chercheurs, etc.

2 Développer une approche transversale de la recherche sur les abattoirs (recommandation n° 12).

UN COMITÉ CRÉÉ DANS UN CONTEXTE TENDU

À la suite des vidéos chocs diffusées par l’association L214 montrant des actes de cruauté dans les abattoirs d’Alès et du Vigan (Gard), une commission d’enquête sur les conditions d’abattage des animaux dans les établissements français a été mise en place à l’Assemblée nationale en mars 2016. Présidée par le député Olivier Falorni, elle a rendu son rapport six mois plus tard, débouchant sur une proposition de loi relative au respect de l’animal en abattoir, dans laquelle la création d’un Comité national d’éthique des abattoirs était préconisée1. Si la loi n’a finalement pas été adoptée, le comité, lui, a été mis en place en juillet 2017. Son objectif : « Réaliser une analyse des attentes sociétales, donner un avis sur la politique publique, débattre de l'évolution de la législation et de la réglementation relatives à l'amélioration de la protection animale en abattoir et jouer un rôle dans le suivi de leur mise en œuvre ». Son avis a été publié en février dernier. Il comporte 53 recommandations, dont 12 recommandations clés consensuelles, qui visent à améliorer la protection animale, mais également les conditions de travail des salariés et des contrôleurs.

1 bit.ly/2HVy8u8.

LA PROTECTION ANIMALE EN ABATTOIR EST STRICTEMENT ENCADRÉE

Plusieurs textes législatifs encadrent la protection des animaux en abattoir. Entré en vigueur le 1er janvier 2013, le règlement européen n° 1099/20091 fixe les conditions requises pour la mise à mort des animaux. Il stipule notamment que des contrôles réguliers doivent s’assurer de l’absence de conscience ou de sensibilité des animaux étourdis « sur un échantillon d’animaux suffisamment représentatif ». En outre, il rend obligatoire la désignation d’un responsable protection animale (RPA)2, titulaire d’un certificat de compétence, qui doit tenir, pendant au moins un an, « un registre des mesures prises pour améliorer le bien-être des animaux », lequel sera mis à disposition de l’autorité compétence sur demande. Autre texte européen, la directive 2007/43/CE3 fixe les règles minimales relatives à la protection des poulets destinés à la production de viande. Pour la partie abattoir, il est noté que, si des signes de carence en matière de bien-être sont notés lors des inspections post-mortem,« l’exploitation et les autorités compétences sont tenues de prendre les mesures qui s’imposent ». Au niveau national, comme cela était préconisé dans le règlement n° 1099/2009, la France a élaboré des guides de bonnes pratiques pour la maîtrise de la protection animale en abattoir. Déjà disponibles pour les bovins, des guides pour les porcins, ovins et volailles sont encore en cours de validation par la Direction générale de l’alimentation. Enfin, les établissements d’abattoir sont soumis à agrément sanitaire, lequel demande notamment un plan de formation du personnel à la protection animale. Plus récemment, la loi issue des États généraux de l’alimentation (Egalim) a introduit deux nouveaux articles relatifs au respect du bien-être animal, à savoir la mise en place à titre expérimental et sur la base du volontariat d’un dispositif de contrôle par vidéo des postes de saignée et de mise à mort, ainsi que la possibilité d’expérimenter des dispositifs d’abattoirs mobiles. En outre, elle spécifie, comme cela était demandé dans la réglementation européenne, que les exploitants des établissements d’abattage sont tenus de désigner une personne responsable de la protection animale. à noter que si la réglementation européenne ne précise pas les règles minimales de mise en œuvre de l’abattage rituel, hormis le fait que la dérogation à l’étourdissement des animaux est possible, la France a défini un certain nombre de conditions à respecter4.
1 Ce règlement exclut les volailles, les lapins et les lièvres abattus en dehors d’un abattoir par leur propriétaire pour sa consommation domestique privée (bit.ly/2ENVhg4).
2 La nomination d’un responsable n’est pas obligatoire pour les établissements abattant moins de 1 000 unités de gros bétail et 150 000 oiseaux ou lapins par an.
3 bit.ly/2QLiR1R.
4 www.agriculture.gouv.fr/tout-savoir-sur-labattage-rituel.
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