Physiopathologie des différents types de douleur : l’arthrose en exemple - La Semaine Vétérinaire n° 1811 du 17/05/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1811 du 17/05/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : AMANDINE CLÉMENT 

L’arthrose est une affection dégénérative progressive irréversible qui touche les articulations synoviales diarthrodiales. C’est une maladie pluritissulaire qui concerne l’ensemble des structures articulaires (le cartilage, l’os sous-chondral et la membrane synoviale), ainsi que les tissus périphériques (tendons, muscles, ligaments). Deux populations cellulaires, les chondrocytes et les synoviocytes, participent à l’équilibre articulaire, instable, par le biais de leurs propriétés anaboliques et cataboliques.

Deux phénotypes prédisposant à l’arthrose, intimement liés, sont reconnus. Le phénotype prodégradatif se rapporte à la théorie mécanique de l’arthrose : des contraintes articulaires anormales en intensité, en fréquence et/ou en répartition des forces sont à l’origine de stress mécaniques chroniques sur un cartilage sain. Dans le phénotype pro-inflammatoire, malgré des contraintes normales, le cartilage est altéré et la libération excessive des composants matriciels et des cytokines induit des stress biologiques inflammatoires. Les modifications histologiques, biochimiques et cellulaires résultantes sont à l’origine de l’altération progressive du cartilage, avec une réorganisation de la plaque sous-chondrale (ostéocondensation) et la formation d’ostéophytes.

La genèse de la douleur

Tissu rigide hautement spécialisé, le cartilage n’est ni vascularisé ni innervé. Lorsque sa structure est atteinte, différents canaux ioniques (qui assument la conversion des stimuli mécaniques, thermiques ou chimiques en réponses électriques), répartis dans les divers tissus (membrane synoviale, capsule, ligaments), sont à l’origine de la transduction de l’information douloureuse. La douleur de l’animal est alors la résultante de quatre composantes : mécanique, inflammatoire, centrale et neuropathique.

Les douleurs aiguës nociceptives sont générées par une activation brève des nocicepteurs lorsqu’il y a une atteinte tissulaire brutale. Ce système d’alarme peut se déréguler et un excès de nociception (activation soutenue des nocicepteurs) devient alors la source de douleurs inflammatoires.

Lors de douleurs neuropathiques, contrairement aux douleurs nociceptives et inflammatoires, c’est le support même de la transmission de l’information qui présente un dysfonctionnement. La sensation se trouve perturbée dans sa genèse, son transport, son intégration et sa modulation. Les lésions neuropathiques relèvent de mécanismes périphériques ou centraux (moelle épinière, tronc cérébral, hémisphères cérébraux).

« La douleur est une perception fluctuante, émotionnelle et cognitive, d’une sensation nociceptive, explique Thierry Poitte, fondateur de CAP douleur. La complexité du ressenti de la douleur est liée à la multitude de projections descendantes inhibitrices, sous la dépendance du vécu douloureux et de l’environnement propres à chaque individu, venant interpréter sans fidélité les projections ascendantes de la nociception. Alors que la nociception est mesurable objectivement, la douleur ne peut être évaluée que subjectivement. Comprendre cela permet de réfléchir sur le bien-fondé de certaines thérapeutiques actuelles injustement et sectairement rejetées (tramadol, cellules souches, plasma riche en plaquette, laser, etc.). »

De nombreux contextes étiologiques

Tout comme l’arthrose, il existe de nombreux autres contextes favorisant la survenue de douleurs qui, lorsqu’elles deviennent persistantes ou récurrentes, provoquent une détérioration fonctionnelle associée à des perturbations émotionnelles. Le comportement et la qualité de vie de l’animal s’en retrouvent altérés de manière significative et progressive. Kirsten Gnirs, spécialiste en neurologie, a ainsi donné l’exemple de la démarche diagnostique face aux douleurs neuropathiques d’origine nerveuse. Les affections propices à ces douleurs sont les hernies discales extrusives et foraminales, l’instabilité atlanto-axiale congénitale, la syringomyélie, les traumatismes vertébraux (fractures et luxations), les tumeurs intradurales et vertébrales (les tumeurs intramédullaires occasionnent peu de douleurs), les inflammations du système nerveux central (spondylodiscite, méningite ou méningomyélite dysimmunitaire ou infectieuse).

Thierry Poitte DIU douleur, praticien à l’île de Ré (Charente-Maritime) .

Kirsten Gnirs Spécialiste en neurologie au CHV Advetia (Yvelines).

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