Les poissons ont aussi droit au bien-être - La Semaine Vétérinaire n° 1811 du 17/05/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1811 du 17/05/2019

AQUACULTURE

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : TANIT HALFON 

La filière piscicole française s’associe avec le Centre national de référence pour le bien-être des animaux pour créer une plateforme d’échanges sur le bien-être des poissons d’élevage.

Que ressentent les poissons ? Si la recherche scientifique n’a pas encore permis de répondre avec certitude à cette question1, la notion de bien-être des poissons d’aquaculture gagne progressivement du terrain, tant du point de vue réglementaire que professionnel, sans parler de la préoccupation croissante du grand public à ce sujet. Dernière avancée en date : un projet de création de la première plateforme française d’échanges et de pilotage sur cette question2, voulue par la filière piscicole française, en partenariat avec le Centre national de référence pour le bien-être des animaux (CNR BEA). Son lancement officiel a été acté le 7 mars lors d’une réunion regroupant une trentaine de parties prenantes, dont le Comité interprofessionnel des produits de l’aquaculture, des organismes de recherche, mais également la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV). «   Cette réunion fondatrice avait pour objectifs de présenter un état des lieux des travaux de recherche sur le bien-être des poissons d’élevage, mais aussi de solliciter l’avis de chaque participant quant à l’organisation des futurs travaux, explique Armand Lautraite, président de la commission aquacole de la SNGTV. Le transport et l’abattage des poissons ont évidemment été identifiés comme deux axes prioritaires.   » D’autres sujets ont été évoqués comme l’élaboration d’indicateurs de bien-être et de mal-être, la production, scientifiquement étayée, d’éléments de communication auprès du grand public, la définition des axes de recherche, etc. «   Ce projet, encore embryonnaire, vise à construire un réseau de ressources technico-scientifiques pour hiérarchiser et structurer l’acquisition de connaissances sur le bien-être des poissons d’élevage, et ce, afin d’accompagner le législateur mais aussi pour répondre sereinement aux interrogations de la société   », souligne notre confrère. Première décision “concrète” tout de même avec la nomination d’Alain Boissy, directeur du CNR BEA, comme président de cette future plateforme.

Une réglementation floue

«   Les travaux scientifiques récents sur la souffrance et la perception de la douleur semblent démontrer que les préoccupations appliquées aux vertébrés terrestres peuvent être transposées aux poissons   », précise Armand Lautraite. Or, pour le moment, le législateur ne semble pas avoir pensé à «   leurs spécificités physiologiques   ». «   Le règlement (CE) n°   1/2005, relatif au transport des animaux, révèle des incohérences comme l’accès à de l’eau et à de la nourriture pendant le transport, avoir des temps de repos… autant de règles inadaptées aux poissons, voire cocasses !, poursuit notre confrère. Pour l’instant, les bonnes pratiques réellement applicables par la filière s’appuient sur des guides ou parfois des cahiers des charges.   »

Pourtant, la question du bien-être des poissons d’aquaculture n’est pas nouvelle. L’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) avait, dès 2008, ajouté une section entière au Code aquatique (section 7) sur le bien-être des poissons d’élevage. Encore plus tôt, en 2004, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), sur demande de la Commission européenne, avait émis un avis sur le bien-être des animaux durant le transport et les poissons y étaient mentionnés. En 2005, le Conseil de l’Europe avait adopté des recommandations pour la protection des animaux d’élevage, dont les poissons. En 2008, l’Efsa avait publié six avis sur l’impact du système d’élevage sur le bien-être de plusieurs espèces de poissons, dont le saumon atlantique. Enfin, en 2009, elle avait publié un avis général sur le bien-être des animaux d’élevage, dont les poissons, et un deuxième sur les méthodes d’étourdissement et d’abattage des poissons d’élevage pour le thon rouge, la carpe commune, l’anguille européenne, le saumon atlantique, la truite arc-en-ciel, le turbot européen, le bar européen et la daurade royale. Plus récemment, l’association mondiale vétérinaire (WVA pour World veterinary association) a publié une fiche d’informations3 sur le bien-être des poissons d’élevage. De plus, l’OIE a mis en ligne un nouveau portail web dédié aux animaux aquatiques4.

1 Plusieurs études laissent supposer que les poissons sont capables de ressentir de la douleur (bit.ly/2WrTebv).

2 Cette plateforme était prévue dans l’action 9 du plan de filière des produits de la pêche maritime, de la pisciculture et de la conchyliculture (bit.ly/2WsorLD).

3 bit.ly/2EFPARc.

4 oie.int/animauxaquatiques.

TRANSPORT ET ABATTAGE : QUE DIT LA RÉGLEMENTATION ?

Rien. Le règlement (CE) n° 1/20051 relatif à la protection des animaux pendant le transport ne mentionne même pas les poissons. Quant au règlement (CE) n° 1099/20092 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort, il stipule que les poissons d’élevage ne sont pas inclus car « de plus amples avis scientifiques sont nécessaires et (...) une évaluation économique plus approfondie s’impose dans ce domaine ». Seul l’article 3, paragraphe 1, est théoriquement applicable : il stipule les conditions générales de mise à mort, notamment pour éviter toute douleur. Malgré tout, le règlement de 2009 avait indiqué que, d’ici fin 2014, serait rédigé un rapport spécifique à leur mise à mort. Il est toujours attendu.

1 bit.ly/30R0n4r.
2 bit.ly/2Kf6p9v.
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