Évaluation des douleurs arthrosiques - La Semaine Vétérinaire n° 1811 du 17/05/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1811 du 17/05/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : AMANDINE CLÉMENT 

L’évaluation des douleurs d’un animal est à la croisée des chemins entre plusieurs méthodes, objectives et subjectives, et différents regards, celui du propriétaire et celui du vétérinaire.

Une enquête minutieuse

Examen clinique

En présence d’un animal douloureux, le vétérinaire réalise un examen clinique orthopédique à distance (animal à l’arrêt et en mouvement) avant de pratiquer une inspection rapprochée (masses musculaires, goniométrie des angles articulaires, examen de la peau, etc.), complétée par une palpation-pression des différentes zones du corps, à la recherche de déformations, de chaleurs, d’ankylose, de crépitations, de douleurs, ainsi que des tests spécifiques (exemples : Campbell et dysplasie du coude). La présence d’un contexte clinique évocateur est validée (neurologique, dégénératif, infectieux… ; par exemple, arthrose, hernie discale, traumatisme, spondylodiscite, à la suite de chirurgie, de syringomyélie, de cancer, etc.) et la topographie des douleurs est mise en rapport avec le territoire d’innervation de la zone lésée. Les douleurs vécues par l’animal doivent ensuite être caractérisées : évoluent-elles sur un mode aigu ou sont-elles en voie de chronicisation ? Sont-elles d’origine inflammatoire, neuropathique ?

Médecine narrative

Le vétérinaire analyse le récit du propriétaire après lui avoir posé des questions ouvertes. Il valide la présence de douleurs neuropathiques et explore leurs comorbidités. Les douleurs neuropathiques ont une composante continue associée à des crises spontanées de fulgurance. Elles sont imprévisibles, déconnectées des stimuli, et décrites par le propriétaire avec un vocabulaire expressif : “décharges électriques”, “piqûres”… Ces douleurs installées favorisent l’expression d’anxiété qui peut dériver vers un comportement agressif, un état dépressif (cercle vicieux avec diminution du seuil de tolérance à la douleur) et/ou des troubles du sommeil (l’animal peut perdre les phases de sommeil lent profond et paradoxal, ce qui renforce les sensations douloureuses). Enfin, en présence de ce type de douleur, une situation d’échec thérapeutique avec les analgésiques conventionnels et/ou les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) est observée.

Des outils complémentaires d’évaluation

Imagerie médicale

La présence d’œdème osseux sous-chondral, de kyste osseux, de gonflement articulaire et de lésions associées des tissus mous (en cas de poussée aiguë) doit être recherchée lors de suspicion d’arthrose. Il convient de garder à l’esprit qu’il existe de nombreux pièges diagnostiques (par exemple, une souris articulaire cartilagineuse non visible à la radiographie est source de douleur tant qu’elle n’est pas extraite chirurgicalement ; une spondylarthrose majeure mais ancienne n’occasionne pas de douleur, elle peut néanmoins cacher une hernie discale foraminale, etc.).

Grilles multiparamétriques, téléconsultation et trackers d’activité

Les informations retenues lors de la consultation sont ensuite formalisées dans des grilles multiparamétriques validées pour l’arthrose (exemple : échelle d’Helsinki et Canine Brief Pain Inventory [CBPI]).

CAP douleur propose l’utilisation de l’application internet Dolodog®, dérivée de l’échelle d’Helsinki, mais enrichie des composantes neuropathiques et centrales de la douleur. Il s’agit d’un outil numérique, composé de 14 questions, permettant d’attribuer à chaque animal un score douleur divisé selon quatre composantes (comportementale, fonctionnelle, neuropathique, interactive). Cette évaluation qualitative et quantitative permet d’orienter la thérapeutique personnalisée de l’animal dont les données sont archivées au fur et à mesure de son suivi. « Ces outils connectés vont de pair avec la téléconsultation (Linkyvet), outil moderne de consultation à distance qui supprime certains biais de l’évaluation de la douleur hors du contexte familier de l’animal. L’évaluation de la douleur est d’autant plus pertinente qu’elle a lieu dans l’environnement habituel de l’animal », souligne Thierry Poitte, fondateur de CAP douleur. Enfin, les colliers d’activité permettent d’évaluer le traitement en traduisant ses effets sur les composantes fonctionnelle et émotionnelle de la douleur. Ce type de dispositif nécessite d’avoir une grande autonomie, des paramètres utiles et fiables, une interface simple. « Ce sont la valeur d’usage et la praticité du recueil et de l’interprétation des données qui feront, ou non, le succès de ces dispositifs. Ils devront toujours être utilisés en complément des moyens évoqués auparavant », précise Thierry Poitte.

Thierry Poitte DIU douleur, praticien à l’île de Ré (Charente-Maritime).

Yannick Ruel Spécialiste en imagerie médicale vétérinaire au CHV Advetia (Yvelines) .

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