Vaccination : un scepticisme contagieux ? - La Semaine Vétérinaire n° 1810 du 11/05/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1810 du 11/05/2019

SANTÉ PUBLIQUE

ACTU

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL 

Comme en santé humaine, la baisse de la couverture vaccinale des animaux de compagnie en Europe inquiète. Face au scepticisme de certains propriétaires, des organisations professionnelles européennes de vétérinaires et d’industriels de la santé animale montent au créneau.

L’hésitation sur la vaccination des animaux pourrait être une erreur mortelle », alertent1 trois organisations européennes de vétérinaires et d’industriels de la santé animale à l’occasion de la Journée mondiale de la vaccination animale du 20 avril. La Fédération des associations européennes vétérinaires pour animaux de compagnie (Fecava), la Fédération vétérinaire européenne (FVE) et Animalhealth Europe constatent en effet que le scepticisme des “antivaccins” en santé humaine est contagieux. Le mouvement “antivax” se répand en santé animale. Certains propriétaires doutent et choisissent parfois de ne pas faire vacciner leur animal. Comme le remarquent des vétérinaires britanniques qui signalent une baisse de 7 % des taux de vaccination pour les chiens et les chats entre 2011 et 2017. « Des croyances erronées sur la nécessité des vaccins pour animaux de compagnie et une hésitation croissante à la vaccination rapportée par les propriétaires d’animaux de compagnie en Europe pourraient donner lieu à des maladies mortelles qui affectent non seulement les chiens et les chats, mais également les humains », indiquent les organisations européennes.

Une baisse de la couverture vaccinale

La British Veterinary Association (BVA) s’inquiète du scepticisme suscité par la vaccination en ce qui concerne la santé humaine et les soins aux animaux domestiques. Elle signale que, selon un récent sondage2, 98 % des vétérinaires ont été interrogés par leurs clients sur la nécessité de la vaccination. Les vétérinaires britanniques notent aussi une baisse de la couverture vaccinale. « La majorité des propriétaires d’animaux de compagnie sont conscients de l’importance des vaccinations et suivent les conseils des vétéri naires. Mais la désinformation, les inquiétudes relatives aux coûts, l’influence de non-spécialistes et l’essor des traitements homéopathiques ” sont tous des facteurs contribuant à la baisse des taux de vaccination dans de nombreux pays européens au cours des dernières années », précise Wolfgang Dohne, président de la Fecava. De son côté, Rafael Laguens, président de la FVE, encourage les propriétaires d’animaux de compagnie à préserver la santé de leurs amis à fourrure. « Les animaux de compagnie font partie de notre famille. Leur possession est une énorme responsabilité et donner des soins de santé adéquats est vital », souligne-t-il. Roxane Feller, secrétaire générale d’Animalhealth Europe, constate, quant à elle, que la vaccination est devenue victime de son propre succès. « En Europe, on ne parle quasiment plus de la rage, par exemple. Pour certains, cette maladie est totalement inconnue, donc pourquoi vacciner son animal ? Mais c’est précisément grâce aux efforts de vaccination antérieurs que la rage a été éradiquée, un succès tombé dans les oubliettes », regrette-t-elle.

Comprendre la vaccination

La World Small Animal Veterinary Association (WSAVA) note que dans les pays développés, comme en Europe, seulement 30 à 50 % de la population d’animaux domestiques sont vaccinés. Ce chiffre est beaucoup plus bas dans les pays moins développés. Les organisations rappellent qu’en Europe la vaccination a permis de lutter contre certaines maladies animales en entraînant une diminution importante du risque. Elles sensibilisent les propriétaires à ce sujet. « Nous ne pouvons pas arrêter de vacciner car nous pensons que la maladie a disparu », poursuivent-elles dans un communiqué de presse conjoint. Les organisations européennes soulignent par ailleurs l’importance du rôle du praticien dans la compréhension du principe même de cette technique. « La vaccination est l’un des outils les plus puissants de prévention des maladies potentiellement mortelles. Ne négligez jamais votre visite annuelle chez le vétérinaire et suivez toujours les conseils donnés pour empêcher la maladie de pénétrer chez vous. Votre vétérinaire veillera à ce que votre animal soit à jour de tous ses vaccins », conseille Rafael Laguens aux propriétaires d’animaux. Même son de cloche pour Wolfgang Dohne qui martèle qu’il est primordial que les vétérinaires et les propriétaires d’animaux se souviennent de la gravité de maladies telles que la parvovirose. « Nous pouvons désormais la contrôler si les taux de vaccination restent suffisamment élevés pour continuer à protéger nos populations de chiens et de chats », a-t-il déclaré.

1 bit.ly/2HxMuAR.

2 bit.ly/2wf7END.

ENTRETIEN AVEC  ROXANE FELLER 

« NOUS TRAVAILLONS EN PARTENARIAT AVEC LES VÉTÉRINAIRES »

Le mouvement antivaccin, connu en santé humaine, est-il à l’origine de cette baisse de la couverture vaccinale constatée chez les animaux en Europe ?
Je pense qu’il y a plusieurs raisons à l’origine de cette baisse de la couverture vaccinale chez les animaux en Europe. Les vétérinaires en Europe nous signalent effectivement une minorité, mais croissante, de propriétaires d’animaux de compagnie qui se méfie de la vaccination de manière générale.
Le premier facteur est généralement la conséquence du mouvement antivaccination observé chez les parents pour leurs enfants et qui se propage chez tous les membres de la famille, dont chiens et chats font de plus en plus partie intégrante.
Le deuxième facteur s’avère souvent être le prix des vaccins, considéré comme prohibitif. Sur ce point, je dirais que, par rapport au coût du traitement d’une maladie, le prix d’un vaccin est un investissement moindre, qui offre un retour sur investissement élevé et qui garantit la santé de l’animal. Il est également intéressant de noter que sur les quelque 38 milliards d’euros dépensés chaque année par les 80 millions de foyers en Europe (plus d’un sur trois), seuls 3 milliards le sont pour les soins de santé. Les 35 milliards restants étant répartis quasiment à égalité entre la nourriture et les autres soins.
Donc un conseil, à l’instar de la nourriture, de la literie et des jouets, etc., le coût lié aux soins de santé devrait toujours être pris en compte lorsqu’il s’agit de décider de l’adoption d’un animal de compagnie.
Enfin un troisième facteur que je souhaite mentionner est le succès souvent oublié des vaccins. Grâce à eux, certaines maladies sont devenues rares, voire ont totalement disparu (par exemple, la variole). De ce fait, certaines personnes commencent à croire que les vétérinaires – comme les médecins d’ailleurs – vaccinent de manière excessive, voire inutile. Beaucoup ne comprennent malheureusement pas que sans une vigilance continue et une vaccination régulière, ces maladies réapparaîtront tôt ou tard.

Selon vous, quels sont les risques liés à cette baisse de la couverture vaccinale ?
Je vois deux risques majeurs.
Le premier : la recrudescence de maladies aujourd’hui disparues. Une baisse de la couverture vaccinale est particulièrement inquiétante pour les vétérinaires, qui cherchent à contrôler la maladie en immunisant au moins 70 % de la population pour développer une “immunité collective” et pour limiter le potentiel de propagation de la maladie. Une baisse de couverture en deçà de 70 % signifie que des maladies que l’on retrouvait il y a des années, telles que la parvovirose contagieuse, pourraient refaire surface et réclamer à nouveau la vie de nos chiens – et ce tout en sachant que cela aurait pu être évité. En effet, le taux de mortalité dû à la parvovirose peut atteindre 90 % si les animaux ne sont pas traités.
Le deuxième risque et non des moindres : la transmission des maladies animales aux hommes. Les faibles taux de vaccination des animaux de compagnie posent également un risque pour l’homme sous la forme de zoonoses, maladies pouvant être transmises d’animaux à l’homme, telles que la leptospirose et la rage si elles ne sont plus éradiquées à la source, c’est-à-dire chez l’animal.

Certaines épidémies ont-elles refait surface ?
Une flambée épidémique de la parvovirose canine l’année dernière était probablement due à une immunité réduite contre une maladie qui était peu commune au Royaume-Uni, mais qui persiste encore en Europe orientale où les niveaux de vaccination sont plus bas. Douze cas ont été déclarés en moins de 48 heures dans le Lincolnshire l’année dernière et, par conséquent, les propriétaires ont payé jusqu’à 4 000
pour maintenir leurs chiens en vie.
Cette même maladie a également fait des ravages dans les régions de Liège, Charleroi et Mons en Belgique et dans le Vaucluse en France.

Quels sont les moyens à la disposition des vétérinaires pour rassurer les propriétaires ?
En tant que Animalhealth Europe, nous souhaitons sensibiliser les propriétaires via nos réseaux sociaux. Nous travaillons aussi en partenariat avec les vétérinaires, car ils sont en contact direct avec les propriétaires, donc c’est, bien sûr, en grande partie leur rôle de tirer la sonnette d’alarme et de prodiguer des conseils.
Je pense que les vétérinaires doivent beaucoup compter sur les bonnes relations qu’ils ont créées au fils des ans avec les propriétaires. S’agissant des propriétaires d’animaux qui ne sont toujours pas convaincus, il est possible de tester le niveau d’immunité à l’aide d’une analyse de sang et de déterminer si un vaccin est nécessaire ou non. Si l’immunité n’est pas constatée, alors un vaccin est le seul moyen de se protéger contre les maladies.
propos recueillis par Michaella Igoho-Moradel

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