Tracer la viande : Où en est-ON ? - La Semaine Vétérinaire n° 1810 du 11/05/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1810 du 11/05/2019

DOSSIER

Auteur(s) : TANIT HALFON  

Renforcée avec le paquet “hygiène”, la traçabilité doit permettre de suivre le parcours d’un produit tout au long de la chaîne alimentaire, mais aussi d’apporter des garanties au consommateur. Pour cela, elle s’appuie sur deux piliers que sont la responsabilité du professionnel et les contrôles officiels. En filière viande, elle se dote de nouveaux outils innovants : en plus d’améliorer les process, ils accompagnent les stratégies marketing des entreprises.

En mars 2018, Carrefour annonçait le lancement de sa première blockchain, pour sa filière qualité poulet d’Auvergne. Un « système innovant », selon le communiqué de presse, garantissant aux consommateurs « une traçabilité complète des produits. » Derrière cette annonce se cache un panel d’enjeux relatifs à la traçabilité. En Europe, celle-ci est véritablement renforcée pour la viande après la crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine, et arrive à son apogée avec la législation alimentaire du paquet “hygiène”. Dans la General Food Law (règlement CE n° 178/2002) entrée en vigueur en 2005, la traçabilité est définie comme « la capacité de retracer, à travers toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution, le cheminement d’une denrée alimentaire, d’un aliment pour animaux, d’un animal producteur de denrées alimentaires ou d’une substance destinée à être incorporée ou susceptible d’être incorporée dans une denrée alimentaire ou un aliment pour animaux. » Son objectif, comme l’explique la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) : « Permettre la mise en œuvre de procédures de retrait/rappel des produits en cas de risque avéré, et la justification des mentions communiquées aux acheteurs ». Aujourd’hui, la traçabilité évolue avec les attentes sociétales. En effet, dans les sondages, le consommateur se montre de plus en plus exigeant. Pour exemple, une étude de l’Institut français d’opinion publique (Ifop)1 de 2014 sur les critères d’achat de la viande au rayon boucherie de la grande distribution a révélé que les attentes principales sont l’information sur l’origine de la viande et les pratiques d’élevage, plus particulièrement sur l’alimentation des animaux (pas d’OGM, pas d’antibiotiques). En 2016, une autre2 a montré que les Français faisaient partie des « Européens les plus exigeants » sur la qualité des produits alimentaires, toujours à la recherche de « facteurs de rassurance ». Un message bien reçu, notamment par les distributeurs. Aujourd’hui, que recouvre la traçabilité ?

Une responsabilité du professionnel

La réglementation européenne désigne l’exploitant comme responsable de la traçabilité des produits qu’ils commercialisent3. « À chaque stade d’élaboration du produit, des règles relatives à la création et à l’apposition d’identifiants, ainsi qu’à leur enregistrement dans une base de données, doivent être respectées, explique la DGCCRF. De nombreux logiciels sont proposés aux entreprises du secteur afin de leur permettre de répondre aux exigences de traçabilité. » Par exemple, l’abatteur doit être en mesure de relier l’animal à l’élevage duquel il est issu. « Ces outils de traçabilité sont laissés au libre choix des professionnels », souligne, de plus, la Direction générale de l’alimentation (DGAL), à condition « que ceux-ci permettent une identification rapide et satisfaisante au regard des exigences réglementaires, des fournisseurs et des clients par les services de contrôle, notamment en cas d’alertes sanitaires. » « Aujourd’hui, les professionnels de la viande sont bien conscients des enjeux de la traçabilité, souligne Sophie Green, vétérinaire consultante auprès des entreprises agroalimentaires. Preuve en est, par exemple, avec les industriels de la viande hachée qui ont tendance à réduire la taille des lots pour aboutir à une traçabilité plus fine. La réduction de la taille des lots peut toutefois avoir pour conséquence l’augmentation du coût de production 4 . » Une responsabilité assumée donc, permettant d’aboutir, et ce depuis de nombreuses années, à des systèmes de traçabilité ultraperformants, notamment en filière bovine où, en moins de 2 heures, « les professionnels sont capables de connaître le nombre de barquettes de viande présent en supermarché ». Elle mentionne aussi le fait que, depuis 2011, aucun cas groupé de contamination par Escherichia coli pathogènes n’a pu être rattaché à un lot de viande bovine hachée, car « les industriels ont notamment mis en place un système de traçabilité très fine permettant de gérer les alertes avant toute mise sur le marché ». Si théoriquement, chaque opérateur est seul en charge de sa propre traçabilité, certains vont plus loin comme le distributeur Carrefour. Séverine Fontaine, directrice qualité PLS/PFT5 au sein du groupe, explique : « Pour nos filières qualité, nous avons souhaité mettre en place des audits réalisés par une tierce partie afin de contrôler l’application du cahier des charges et la bonne application de la traçabilité. »

Les contrôles officiels, l’autre bras de la traçabilité

Si l’exploitant est responsable, l’État doit s’assurer du respect des exigences réglementaires. Il intervient à plusieurs stades. D’abord à l’abattoir avec l’estampille vétérinaire qui est apposée sur chaque carcasse par les services d’inspection vétérinaire en abattoir, confirmant que la viande est apte à la consommation. Ensuite, « lors des contrôles officiels des établissements, les agents des services vétérinaires vérifient notamment que le professionnel dispose d’outils adéquats 6 pour assurer sa traçabilité, précise Fany Molin, sous-directrice de la sécurité sanitaire des aliments à la DGAL. Ces contrôles ont lieu au moins une fois tous les deux ans si l’établissement est soumis à agrément. Pour les établissements de remise directe, les contrôles sont moins systématiques et dépendent d’une analyse de risque locale. » Le détail des méthodes d’inspection est consultable en ligne7 : ce vade-mecum rappelle notamment les exigences attendues en matière de traçabilité, ainsi que les modalités de contrôle. Les agents de la DGCCRF effectuent également des contrôles sur les règles d’étiquetage et de traçabilité de l’origine de la viande auprès de tous les acteurs de la filière. « Les enquêtes de la DGCCRF mettent en lumière des dysfonctionnements pouvant être liés à des erreurs de saisie, lorsque celles-ci sont manuelles, et à la formation du personnel qui les utilisent, en lien avec des systèmes contraignants et chronophages nécessitant un investissement des agents et des responsables d’entreprise », souligne la direction.

De nouvelles garanties pour le consommateur

La traçabilité a profité de la révolution numérique pour se renforcer, en abandonnant progressivement les documents papiers. Elle semble aujourd’hui passer une nouvelle étape avec l’utilisation de la blockchain, ou chaîne de blocs (encadré page 44), dans le domaine alimentaire. C’est l’enseigne Carrefour qui a ouvert le bal au début de l’année 2018 en déployant la technologie pour sa filière qualité poulet8. « L’idée était d’apporter à nos clients des garanties et des preuves des informations figurant sur l’étiquette de nos produits, explique Séverine Fontaine. Dans l’ancien système, on ne pouvait disposer que de données partielles, car issues d’audits reposant sur un processus d’échantillonnage des lots. Avec la blockchain, il nous est désormais possible de récupérer les données pour chaque lot. » Par exemple, le vétérinaire praticien peut maintenant participer à la chaîne de blocs, pour garantir un certain nombre d’informations, comme l’absence de traitements antibiotiques sur un lot. Si elle confirme bien que cet outil a une utilité marketing, la traçabilité étant « une attente forte du consommateur qui a besoin d’être rassuré », la vraie valeur ajoutée se trouve du côté du sanitaire. « En cas de crises sanitaires, je peux savoir instantanément dans quelles enseignes un lot a été livré, je n’ai plus besoin d’appeler différents interlocuteurs ». Sur le long terme, Séverine Fontaine imagine aussi pouvoir étendre cette technologie au client. « Actuellement, il nous est impossible de relier précisément un consommateur à un lot de production, cette information n’étant pas enregistrée informatiquement. En cas de problème, qui nous demande de bloquer un lot en caisse, nous ne pouvons le faire que globalement, à l’EAN (European article numbering, le code-barres du produit). Demain, nous souhaitons pouvoir intégrer le consommateur dans la blockchain, avec son accord, lors de son passage en caisse. Cela nous permettra d’envoyer des e-mailings cibles en cas de rappels de lots, beaucoup plus précis et rapides ». Cette technologie pourrait-elle être utile aux contrôles officiels ? À voir. « Si cet outil permet une meilleure information au consommateur, il ne change pas fondamentalement le niveau de sécurisation, vu que la blockchain en soi ne correspond pas à un contrôle physique, souligne Olivier Lapôtre, président du Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire. Les contrôles restent nécessaires pour vérifier que ce qui est déclaré est exact. »

Trop d’informations ?

Avec le nouveau système de blockchain de Carrefour, un code QR (quick response) permet au client d’avoir accès à un nombre considérable d’informations. Par exemple, pour le poulet, il s’agit, entre autres, du nom du couvoir, de la date de départ du couvoir, du lieu et du mode d’élevage, du nom de l’éleveur, de l’alimentation reçue, de l’absence de traitement antibiotique, du label, du lieu d’abattage, du transport vers la plateforme de livraison, etc. À terme, d’autres informations pourraient y figurer comme le temps de transport, ou encore la qualité de l’abattoir. Mais à trop vouloir jouer la carte de la transparence, ne risque-t-on pas de perdre le consommateur ? Pour Sophie Green, il faut se poser la question de l’utilité des informations. « Ont-elles toutes un intérêt pour le consommateur ? Par exemple, un steak haché peut être constitué de viandes issues de plusieurs dizaines d’animaux. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne dispose pas d’un très bon système de traçabilité. » Elle ajoute : « On a davantage intérêt à expliquer que l’on fait les choses bien. » Pour autant, le consommateur est demandeur, ce qui a récemment amené le gouvernement à saisir le Conseil national de l’alimentation (CNA) afin qu’il mène une réflexion sur une expérimentation d’étiquetage des modes d’élevage. « Est-ce que l’on crée quelque chose ? Est-ce que l’on fait évoluer l’existant ? sont des exemples de questions auxquelles nous allons tenter de répondre, précise Karine Boquet, cheffe du secrétariat interministériel du CNA. En outre, la question des modes d’élevage n’est pas limitée à la notion de bien-être animal. Pour certains, cela peut représenter plutôt l’alimentation ou les traitements vétérinaires. Il faudra se mettre d’accord sur une définition, et prioriser les informations. »

1 bit.ly/2WXs6hu.

2 Enquête crédoc n° 283, consommation et modes de vie, juin 2016.

3 L’article 18 du règlement CE n° 178/2002 indique qu’ils doivent disposer « de systèmes et de procédures permettant de mettre l’information en question à la disposition des autorités compétentes ».

4 La viande hachée est constituée d’un mélange de viandes issues de plusieurs d’animaux, tous abattus au même endroit.

5 Produits libre service, produits frais transformés.

6 Les agents de l’État disposent d’une grille précise pour les inspections d’établissements de production de denrées alimentaires. Un point est spécifiquement dédié au système de traçabilité et à l’archivage des documents (item D1).

7 bit.ly/2QbGS1J.

8 Carrefour va progressivement étendre sa blockchain à l’ensemble de ses filières qualité.

UNE TRAÇABILITÉ À LA BÊTE OU PAR LOT

Comme le rappelle Olivier Lapôtre, président du Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire, pouvoir remonter jusqu’à l’élevage d’origine n’est pas systématique. « L’identification généralisée obligatoire des animaux d’élevage, avec enregistrement dans les bases de données des États de l’Union européenne, permet d’assurer une bonne traçabilité des animaux. Toutefois, après le stade de l’abattoir, pouvoir remonter jusqu’à l’élevage d’origine n’est pas systématique. Une fois que la carcasse est découpée, nous disposons d’informations plus ou moins précises. Par exemple, pour la viande utilisée comme matière première ou "minerai"1, seule l’origine des animaux2, ainsi que les lieux d’abattage et de découpe seront précisés. Pour le poulet Label rouge, en revanche, l’élevage sera connu. Dans les circuits courts, voire dans certaines boucheries, l’affichage peut aller jusqu’au numéro de boucle et au nom de l’éleveur qui sont affichés. » Sophie Green, vétérinaire consultante auprès des entreprises agroalimentaires, complète : « Pour la viande bovine, la traçabilité répond à des exigences réglementaires strictes. Associée à celles des cahiers des charges, elle pourra être réalisée à la bête ou par lot d’animaux homogènes, pour une même catégorie notamment. à l’achat, cela aboutit, par exemple, à un faux-filet de génisse charolaise. » Elle ajoute : « La connaissance des données d’élevage de chaque animal abattu n’est sans doute pas une nécessité pour le consommateur final. En cas de souci, on rappellera les 15 à 20 carcasses du lot incriminé. En viande bovine, le système de traçabilité est, depuis de nombreuses années, très pointu. Il est vrai qu’on peut toujours faire mieux : par exemple, certains sites ne disposent pas encore de systèmes automatisés. Il est toujours possible d’améliorer les contrôles, mais les moyens des services vétérinaires restent limités. Les professionnels travaillent en permanence sur l’amélioration des dispositions en place. »

1 Mélange de plusieurs carcasses.
2 Le pays d’élevage et celui de naissance doivent être indiqués pour la viande bovine.

LA BLOCKCHAIN, COMMENT ÇA MARCHE ?

Selon la mission d’information commune de l’Assemblée nationale sur la blockchain, il s’agit d’« un registre, une grande base de données qui a la particularité d’être partagée simultanément avec tous ses utilisateurs tous également détenteurs de ce registre, et qui ont aussi tous la capacité d’y inscrire des données, selon des règles spécifiques fixées par un protocole informatique très bien sécurisé grâce à la cryptographie. »
Cécile Chambrin, consultante en nouvelles technologies et communication digitale, décrypte pour nous le fonctionnement de cet outil : « Prenons l’exemple d’un vétérinaire qui prescrit un traitement contre le pou rouge. Une application lui permettra de rentrer ses données, comme le nom du produit utilisé et l’exploitation concernée. À partir de là, les données vont être cryptées et envoyées dans un bloc. Pour être acceptées, elles doivent passer une étape de vérification effectuée par deux programmes informatiques autonomes, le “smart contract” et le “consensus”, qui servent notamment à certifier l’absence d’incohérences. » Ces points de contrôle sont décidés en amont, par l’ensemble des utilisateurs de l’outil, de même que le niveau d’accès aux données. « Donc, en réalité, dans une chaîne de blocs, la transparence n’est pas totale, chaque opérateur n’ayant pas forcément accès à la totalité des informations. » En outre, « chaque bloc reprend quelques codes du bloc précédent. Cette codification permet d’assurer la sécurité de la chaîne, mais aussi de retrouver plus facilement les informations. » Au final, par rapport aux systèmes de stockage et de transmission d’informations déjà existants, les avantages sont nombreux. Le premier étant peut-être le caractère infalsifiable de l’outil. « Toutes les informations inscrites dans la blockchain sont infalsifiables grâce à des procédés cryptographiques innovants. Toute modification d’informations est visible par l’ensemble des contributeurs du système. Cela apporte une garantie supplémentaire et responsabilise par la même occasion chacun des acteurs du système », souligne ainsi Karine Correia, consultante innovation métier agroalimentaire KMC link. En clair, cela devrait restreindre les velléités de fraude. En outre, « la blockchain, étant un registre partagé par tous les acteurs de la filière, permet aussi de gagner en transparence, ajoute-t-elle. C’est un véritable changement culturel : on ne pense plus en silo, on partage les données en respectant bien entendu les degrés de confidentialité. Par exemple, un transformateur pourra connaître l’origine de la viande qu’il traite ». Comme l’explique la consultante, « au final, l’usage de la technologie permet de revaloriser la qualité des filières et d’améliorer certaines pratiques ». C’est également un avantage certain en cas de litiges. Par exemple, « si un lot de viande n’est pas conforme au cahier des charges du distributeur, la blockchain permettra d’établir très rapidement les responsabilités. » Dernier avantage, et pas des moindres, le système permet de gagner en rapidité dans la gestion des alertes sanitaires et de passer de quelques heures, voire des semaines… à quelques minutes ! À noter qu’en théorie les informations pourraient intégrer un système de blockchain de façon automatique, via les objets connectés, un garant de plus pour éviter toute tentative de fraude.

LES CONTRÔLES OFFICIELS, LE NERF DE LA GUERRE

Les récentes affaires de la viande de cheval et de la viande polonaise avariée illustrent bien l’importance des contrôles officiels dans la traçabilité de la viande. Mais aussi peut-être la nécessité de les améliorer ? Clairement oui, selon un rapport du Sénat1 de 2013 sur la « traçabilité, compétitivité, durabilité : trois défis pour redresser la filière viande », les auteurs faisaient le constat d’un système « satisfaisant » de traçabilité à l’échelle européenne, car ayant permis de retrouver en moins de 24 heures l’origine de la fraude. Néanmoins, ils avaient souligné la « possibilité de falsification des informations accompagnant les viandes que les contrôles documentaires pratiqués par les autorités officielles comme par les opérateurs de la filière se sont révélés impuissants à mettre au jour ». Pour les auteurs, les autocontrôles et la certification privée ne peuvent remplacer les contrôles officiels. Oui, aussi pour la Cour des comptes2 qui avait récemment pointé du doigt les progrès qu’il restait encore à faire, notamment en matière de gouvernance, pour améliorer les contrôles. C’est dans ce contexte que l’État a annoncé, fin avril, le lancement d’une mission interinspections sur l’organisation du contrôle de la sécurité sanitaire des aliments3. Les conclusions iront-elles dans le sens d’un renforcement des contrôles, comme l’espère Olivier Lapôtre, président du Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire ? « Améliorer la traçabilité, c’est renforcer les contrôles, mais aussi les sanctions. Elles sont loin d’être totalement dissuasives. On pourrait, par exemple, interdire les fraudeurs condamnés, d’exercer des activités dans les filières alimentaires dans toute l’Europe. » Sans oublier les effectifs qui vont avec.

1 bit.ly/2YJM5RD.
2 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1796 du 15/2/2019, pages 13-14.
3 bit.ly/2HvB3Iw.

LA GÉNOMIQUE, UN OUTIL D’AVENIR ?

Si le numérique apparaît actuellement comme l’outil premier de progrès, d’autres méthodes de traçabilité se développent, notamment l’utilisation de la génomique. En France, cet usage est revendiqué par l’association Le Fin Gras du Mézenc (viande bovine ayant une appellation d’origine protégée)1. Regroupant les éleveurs qui commercialisent la viande, l’association prélève depuis 2001 du cartilage d’oreille lors de l’identification des animaux. Le principe : comparer, si besoin, l’ADN du cartilage à celui de viandes vendues en boucherie, afin de s’assurer de la provenance de l’animal. À ce jour, les contrôles ne sont pas du tout systématiques. Un pays voisin ambitionne, au contraire, de généraliser l’usage de la génomique : il s’agit de la Suisse. Ainsi, depuis juillet dernier, l’interprofession de la viande, Proviande, a commencé à mettre en place une banque d’échantillons ADN2. L’objectif : améliorer la traçabilité, et mieux lutter contre les fraudes. Contactée par nos soins, l’interprofession nous révèle qu’en 2018, 250 000 prélèvements issus de carcasses de bœufs et de veaux à l’abattoir ont été collectés. Pour 2019, 550 000 prélèvements sont visés, ce qui représente près de 90 % des bovins du pays. Le prélèvement des viandes du marché a également déjà commencé, avec 100 pièces prélevées par mois, en novembre et en décembre dernier, révélant la présence de quelques résultats non concordants. À terme, Proviande espère prélever 3 600 échantillons par an sur le marché. La génomique n’est pas le seul outil “non numérique“ en cours de développement, comme nous l’a signalé la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : « On peut mentionner que certaines sociétés développent l’addition de marqueurs chimiques dans l’alimentation des animaux qui peuvent être identifiés/retrouvés dans la viande commercialisée. » La traçabilité de demain n’est pas encore écrite.

1 bit.ly/2Q8FxJ7.
2 www.bit.ly/2w31foJ. À noter que l’initiative de Proviande n’est pas obligatoire pour les éleveurs.
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