Samuel Sauvaget : « En filières, les outils d’exploration du métabolisme sont peu employés » - La Semaine Vétérinaire n° 1809 du 04/05/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1809 du 04/05/2019

ENTRETIEN

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR TANIT HALFON 

Après 10 années de pratique en nouveaux animaux de compagnie (NAC), Samuel Sauvaget exerce désormais en filières avicole et cunicole au sein du réseau Cristal. Dans sa réorientation, il a conservé des outils de médecine individuelle, et propose ainsi des bilans biochimiques et des examens échographiques à ses éleveurs depuis plus d’un an. Il nous explique le sens de sa démarche.

Proposer des analyses biochimiques à des éleveurs de volailles ou de lapins n’est pas commun. En quoi cela vous est apparu intéressant ?

Au début de ma pratique en filières, j’ai pu observer que le plus important est d’identifier le nom d’un germe, ce que la biochimie sanguine ne permet évidemment pas. Pourtant, la cause d’une maladie n’est pas toujours infectieuse, de même qu’une maladie infectieuse peut être responsable de désordres métaboliques. Par exemple, on peut rencontrer des problématiques de stéatose hépatique chez les poules pondeuses, à l’origine d’une hausse de la mortalité ou d’une baisse de ponte à 50-60 semaines. Habituellement, le vétérinaire détecte cela lors d’une autopsie, dans laquelle le foie est décoloré et peut présenter des lésions hémorragiques. C’est à ce moment-là qu’il prescrit des hépatoprotecteurs. Certains élevages mettent aussi en place des programmes avec des hépato-protecteurs, mais sans que cela ne soit systématiquement justifié par un constat métabolique. L’intérêt du suivi biochimique est donc de prescrire de façon objective un traitement, et ainsi d’anticiper toute mortalité. Ajoutons à cela les aspects de démédication et de bien-être animal, auxquels le bilan sanguin répond parfaitement. Aujourd’hui, une grande part des désordres métaboliques est probablement sous-investiguée.

Quels paramètres sanguins dosez-vous ?

En poule pondeuse, le bilan de base inclut le dosage des protéines totales, des aspartates aminotransférases (ASAT), ainsi que la mesure de l’hématocrite. Il est possible de rajouter un dosage de cholestérol mais aussi de calcium et de phosphore, en cas de baisse de ponte ou de fragilité de la coquille.

Dispose-t-on de références bibliographiques ?

De quelques-unes, mais globalement, la littérature est peu abondante. Certains travaux existent mais restent généralement confidentiels du fait qu’ils sont commandés par des organisations de production.

Comment procédez-vous sur le terrain, vu que vous ne disposez pas de références ?

Nous comparons les résultats d’analyses de sujets malades à ceux d’individus non malades, ou témoins, élevés dans les mêmes conditions, dans le même bâtiment. Nous sommes également en train d’établir notre propre tableau de références. Par exemple, en élevage de poulets de chair standard, j’ai profité de la visite dédiée aux examens parasitaires que l’on effectue en cours d’élevage sur des individus sains pour réaliser des prélèvements sanguins. Dans ce cas, il m’a suffi de trois mois pour récolter suffisamment de données. En poules pondeuses, nous avons suivi de notre propre chef trois élevages toutes les 10 semaines. Nous avons aussi appliqué cette méthode à la filière palmipède foie gras sur demande des professionnels cette fois-ci. Dans d’autres productions, cela peut être plus compliqué, et les données sont accumulées de façon plus progressive.

Comment les éleveurs accueillent-ils ce nouveau service ?

Il faut prendre le temps de leur expliquer le but de l’analyse. Il faut également s’assurer que l’indication est bien la bonne, et proposer le bilan à l’issue d’une démarche diagnostique clinique rigoureuse. Je propose ce service depuis un an et demi. En 2018, une centaine d’élevages ont bénéficié d’analyses biochimiques, ce qui reste peu par rapport au nombre total d’éleveurs mais en très nette augmentation en comparaison avec les années précédentes.

Outre la biochimie, vous réalisez également des examens échographiques. Dans quels contextes les utilisez-vous ?

L’échographie nous permet de faire un suivi de l’évolution de la stéatose hépatique en filière foie gras, avec des implications sur l’itinérance technique. Par exemple, on peut adapter certains itinéraires alimentaires, en estimant le potentiel de foie par certaines mesures échographiques. En associant cet examen aux analyses biochimiques, nous proposons aujourd’hui une offre de service complète permettant un suivi métabolique du canard gras. L’examen d’imagerie sert aussi au suivi de la taille des testicules des oiseaux reproducteurs, celle-ci est corrélée avec la fertilité. En échographie, il existe encore moins de références qu’en biochimie, tout reste à faire, mais les implications sur la santé et les performances des animaux sont vastes.

Êtes-vous en contact avec des équipes de recherche pour développer l’usage de ces techniques ?

Oui, des contacts sont pris avec les écoles vétérinaires mais aussi avec d’autres organismes publics de recherche.

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