Le harcèlement moral : un manquement à la dignité de la profession - La Semaine Vétérinaire n° 1809 du 04/05/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1809 du 04/05/2019

JUSTICE ORDINALE

ACTU

Auteur(s) : MICHAELLA IGOHO-MORADEL  

La Chambre nationale de discipline de l’Ordre des vétérinaires a sanctionné en appel un vétérinaire, accusé de harcèlement moral, d’une suspension d’exercice de la profession sur tout le territoire national.

Dans une décision récente, la Chambre nationale de discipline a estimé que constitue un manque flagrant de dignité envers la profession de nombreux actes de harcèlement moral à l’encontre du personnel salarié. L’affaire a été auditionnée en septembre dernier. Devant la chambre, se faisaient face les docteurs vétérinaires A, B et C, ainsi que le docteur vétérinaire E. Les premiers ont adressé à ce dernier une lettre recommandée avec accusé de réception lui imputant des faits de harcèlement moral auprès des membres du personnel de la clinique. Dans sa décision, la Chambre nationale de discipline considère que cette attitude manifeste une incompréhension des exigences auxquelles sont tenus les employeurs dans la relation de travail avec leurs salariés. Elle prononce à l’encontre du Dr E la peine de la suspension de l’exercice de la profession de vétérinaire pendant une durée de un an, dont dix mois assortis du sursis, sur tout le territoire national.

Des propos inappropriés

Il s’agit d’une affaire dans l’affaire d’abord auditionnée par la chambre régionale de discipline de l’Ordre des vétérinaires de Picardie. Le Dr E a été sanctionné en première instance d’une suspension temporaire du droit d’exercer la profession vétérinaire pendant une durée de un mois sur tout le territoire français. En appel, ce 20 septembre 2018, plusieurs manquements ont été soulevés devant la juridiction disciplinaire. Lors de son audition, le Dr E a reconnu avoir tenu un seul propos à connotation sexuelle incriminé et souligne que ce dernier était « inapproprié bien que proféré dans un moment de détente qui ne prêtait à aucune équivoque ». Cette affaire n’était pas si simple. Une enquête interne diligentée par un cabinet d’avocats a permis de relever des faits qui accablent le Dr E. La chambre note en effet que son comportement envers « les salariées était ressenti par celles-ci comme blessant et humiliant pour certaines d’entre elles qu’il n’hésitait pas à abaisser notamment devant les clients ; qu’il manifestait publiquement qu’il préférait travailler avec les unes plus qu’avec les autres ; que l’expression des reproches adressés aux salariées était brutale même s’il pouvait, par ailleurs, les féliciter ». Mais pour les membres de la Chambre nationale de discipline, ces conclusions doivent être relativisées.

Une incompréhension des exigences du rôle d’employeur

Ils retiennent que les manquements ont été observés à la période où les salariés étaient témoins de rapports très tendus entre les associés. « Leur appréciation de la situation, qui voyait se poursuivre l’activité de leur employeur avec les autres associés, a pu influencer l’expression de ce qu’elles ressentaient », souligne la chambre dans sa décision. Mais la juridiction disciplinaire ajoute que « si, en agissant ainsi, le docteur vétérinaire E a institué une relation pesante avec l’équipe des salariées dont certaines ont réellement souffert, il y a lieu de relever qu’il se sentait tenu d’assurer un rôle de direction et de contrôle de la qualité du travail de celles-ci en sa qualité de cogérant plus spécialement chargé de la gestion du personnel ». Elle indique par ailleurs que cette attitude manifestant une incompréhension des exigences auxquelles sont tenus les employeurs dans la relation de travail avec leurs salariés, surtout en présence des clients, caractérise un manquement à la dignité de la profession contrevenant aux dispositions de l’article R.242-33 alinéa X du Code rural et de la pêche maritime.

EN QUELQUES MOTS…

Dans une décision rendue le 22 octobre 2018, la chambre nationale de discipline de l’Ordre des vétérinaires considère, entre autres, que le harcèlement moral auprès de salarié(e)s constitue un manquement d’une gravité certaine en ce qu’il est de nature à affecter la nécessaire confiance qui doit présider à la relation des clients et des membres de la profession, laquelle impose un comportement digne et loyal du docteur vétérinaire.

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