La loque européenne atypique pose toujours question - La Semaine Vétérinaire n° 1809 du 04/05/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1809 du 04/05/2019

APICULTURE

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : TANIT HALFON 

L’étude de potentiels cas de loque européenne atypique, menée par les équipes de l’Anses et de l’Itsap, Institut de l’abeille, met en évidence une atteinte et une récurrence variables suivant les ruchers. Elle montre aussi une confusion possible avec la loque américaine sur le terrain.

Àla suite des signalements de cas de loque européenne atypique1, l’Itsap, Institut de l’abeille, et le laboratoire national de référence santé des abeilles (Anses de Sophia Antipolis, Alpes-Maritimes) ont lancé en 2017 une étude exploratoire baptisée Eclea (étude des cas de loque européenne atypique), pour faire le point sur la maladie. Les apiculteurs ont ainsi été invités à remplir un questionnaire, et à envoyer leurs cadres de couvain lorsqu’ils observaient un couvain en mosaïque2 associé à des larves mortes dans les cellules. Les résultats viennent d’être transmis aux participants. Ainsi, en 2018, 10 apiculteurs ont adressé 17 échantillons issus de 12 ruchers différents. Seuls 13 échantillons, répartis sur 10 ruchers, étaient atteints spécifiquement de loque européenne (Melissococcus plutonius). Parmi eux, environ 85 % étaient également positifs à Paenibacillus alvei, un agent secondaire de la loque européenne. En outre, la bactérie Melissococcus plutonius a été retrouvée dans le couvain ouvert de tous les cadres, ainsi que dans la majorité du couvain operculé. « Classiquement, la loque européenne est décrite comme associée au couvain ouvert, tandis que la loque américaine touche le couvain fermé, souligne Laurianne Paris, chargée de recherche bactériologie de l’abeille au laboratoire Anses de Sophia Antipolis et qui a participé à l’étude. Toutefois, certaines descriptions parlent également de couvain operculé, ce que conforte cette analyse. »

Des lésions classiques et atypiques

L’observation des cadres a montré des lésions évocatrices de loque européenne avec : un couvain en mosaïque, une atteinte du couvain ouvert, des larves malades marron, gluantes et en position anormale dans l’alvéole. Ces lésions étaient associées à des réserves suffisantes en pain d’abeille et/ou miel. De plus, 70 % des colonies atteintes présentaient un test de l’allumette positif (larves filantes), et ce malgré un diagnostic de laboratoire négatif pour la loque américaine (Paenibacillus larvae). « Nous avons constaté au laboratoire que le couvain operculé était très souvent touché et que les larves présentaient souvent la caractéristique “filante”, aussi bien dans les cas de loque européenne persistante que dans ceux de loque européenne classique, précise Laurianne Paris. Ces deux caractéristiques principales peuvent engendrer un risque de confusion avec la loque américaine sur le terrain. » Ce constat confirme donc l’importance de l’examen du laboratoire pour le diagnostic. En outre, les niveaux d’atteinte des ruchers étaient variables. Pour près de 20 % d’entre eux, plus de la moitié des colonies étaient touchées. Le taux de colonies concernées oscillait entre 10 et 30 % pour un tiers des ruchers. De plus, seuls six ruchers présentaient une récurrence des signes cliniques d’une année sur l’autre, quand, pour les quatre autres, l’apiculteur observait ce genre de cas pour la première fois. « Ces six cas sont donc potentiellement atteints de loque européenne atypique. Pour les quatre autres, nous espérons pouvoir avoir un suivi auprès de ces apiculteurs. L’objectif est d’identifier les mesures qu’ils ont prises pour tenter de stopper la maladie, leur efficacité et la persistance de signes cliniques », précise Laurianne Paris. L’étude est relancée jusqu’à fin juillet 2019 pour la remontée des cas3.

1 La loque européenne atypique est caractérisée par une persistance des signes cliniques classiques de la loque européenne et/ou sa récurrence d’une année à l’autre.

2 Couvain avec des “trous”, conséquence du nettoyage des larves ou des nymphes mortes par les ouvrières.

3 Se rapprocher de l’Anses (lnr.abeille@anses.fr) ou de l’Itsap (julien.vallon@itsap.asso.fr) pour toute information.

PAS DE FACTEUR DE RISQUE IDENTIFIÉ

La recherche menée au cours de l’étude a porté sur six virus. Cinq ont été détectés : il s’agit des virus de la paralysie aiguë (ABPV), des ailes déformées de type B (DWV-B), de la paralysie chronique (CBPV), de la cellule royale noire (BQCV) et du couvain sacciforme (SBV). Leur présence, ainsi que leur charge virale étaient variables suivant les échantillons. Néanmoins, l’analyse n’a pas permis de conclure quant au rôle potentiel d’une co-infection virale dans les signes cliniques. Par ailleurs, l’analyse des données des questionnaires n’a pas mis en évidence la présence de facteurs de risque d’ordre environnemental et zootechnique, bien que des conditions froides et humides pourraient être un facteur aggravant de la maladie. Dans ces conditions, les conseils habituellement prodigués en cas de loque européenne restent valables.
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