Usage des antiparasitaires : pensez aux insectes - La Semaine Vétérinaire n° 1808 du 27/04/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1808 du 27/04/2019

ÉLEVAGE

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : BAPTISTE MORINIAUX  

Au cours de la soirée thématique du 18 avril, à l’ENVT, sur la toxicité des molécules utilisées en médecine vétérinaire, quatre intervenants se sont relayés pour faire un état des lieux de l’utilisation des antiparasitaires en élevage et de son impact sur notre écosystème.

Quels sont les impacts sur l’environnement des antiparasitaires utilisés en pratique vétérinaire ? Cette question était posée lors d’une soirée à thème organisée le 18 avril par Bee Api, club d’apiculture de l’École nationale vétérinaire de Toulouse, devant la cinquantaine de participants rassemblés pour l’occasion (étudiants, professeurs, apiculteurs et vétérinaires praticiens). La réponse des intervenants ne prête pas à confusion. D’une part, les abeilles peuvent rapidement être en contact avec des doses létales d’antiparasitaires lorsqu’elles sont à proximité de troupeaux traités : « Notre utilisation actuelle des antiparasitaires représente une véritable menace pour le milieu apicole », a ainsi souligné Cyril Vidau, chercheur en écotoxicologie à l’Institut technique et scientifique de l’apiculture et de la pollinisation (Itsap). D’autre part, elles ne sont pas les seuls insectes non cibles touchés, comme l’a expliqué Jean-Pierre Lumaret, professeur émérite à l’université Paul-Valéry Montpellier 3. Face à ces menaces, des initiatives locales, ainsi que des travaux de recherche émergent, visant à améliorer les pratiques d’utilisation des antiparasitaires.

Des insectes non cibles menacés

Au cours de l’hiver 2008-2009, de nombreux apiculteurs ariégeois ont déploré une mortalité importante dans leurs ruchers, avec plus de 4 000 colonies mortes. Compte tenu des bonnes réserves, de l’absence de signes cliniques de maladie et de la grande diversité de profil des ruchers atteint, une intoxication a été suspectée. « Mais comment les abeilles ont-elles pu entrer en contact avec ces substances ? », s’est interrogé Cyril Vidau. La réponse : via la contamination des eaux et des excréments du bétail où les abeilles viennent s’abreuver, par les antiparasitaires1 utilisés dans le cadre de la lutte antivectorielle obligatoire contre la fièvre catarrhale ovine (FCO). Ainsi, des analyses réalisées dans des ruchers à forte mortalité et situés à proximité de troupeaux ovins traités ont révélé la présence de résidus de pyréthrinoïdes. La menace des antiparasitaires, maintenant bien identifiée pour les abeilles, est valable aussi pour tout le reste des écosystèmes. En effet, comme l’a rappelé Jean-Pierre Lumaret, les résidus issus de ces traitements vont se retrouver dans les pâtures, que ce soit par épandage de lisier, déjections des animaux traités ou par lessivage des traitements pour on. Or ces terres accueillent une biomasse extrêmement riche et variée, notamment en espèces coprophages. En enfouissant les résidus d’antiparasitaires se retrouvant dans les pâtures, ces espèces, en premier lieu les diptères et coléoptères, contaminent et condamnent les sols, et au fur et à mesure des traitements, favorisent l’accumulation de résidus néfaste pour elles et toute la biomasse.

Favoriser la lutte intégrée

Face à ce constat alarmant, Christophe Roy et Philippe Jacquiet ont présenté quelques pistes pour envisager autrement l’usage des antiparasitaires. Le premier, vétérinaire praticien dans le Cantal et membre de la commission apicole de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV), est très impliqué dans le projet EleVE, fondé en 2014, qui vise à promouvoir la démarche de « conseil en parasitologie bovine ». Pour ce faire, il s’appuie sur des audits avant la mise à l’herbe, des examens et des analyses au retour en stabulation (coproscopies, sérologies individuelles, etc.) et « un traitement de l’animal parasité et non du lot ». Le projet implique 28 cabinets vétérinaires et 60 exploitants volontaires dans toute l’Auvergne. Les premiers résultats sont attendus pour 2019-2020. La recherche aussi s’active. Philippe Jacquiet, professeur de parasitologie à l’ENVT, a ainsi présenté trois pistes qui tentent de trouver un compromis « qui allie efficacité du contrôle parasitaire et santé des écosystèmes, des animaux et du consommateur » pour les troupeaux ovins. Par exemple, les anthelminthiques pourraient être réduits au profit de l’utilisation de fourrages “bio-actifs” (tannins en grande quantité dans le lotier, le sainfoin, etc.), le découpage parcellaire (ou pâturage cellulaire) ou encore l’augmentation de la résistance génétique du troupeau par l’identification et l’exclusion des individus “hypersensibles”. « L’utilisation d’antiparasitaires nécessite une démarche rigoureuse et réfléchie, dans laquelle la visite sanitaire tient un rôle prépondérant, a finalement rappelé le professeur. La lutte intégrée est un message a priori simple et cohérent, mais il est à adapter à chaque filière, à chaque élevage, et c’est là que le vétérinaire joue un rôle central. »

1 Molécules pas ou peu métabolisées ou métabolites toujours insecticides.

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