Recommandations pour une meilleure performance des bovins laitiers - La Semaine Vétérinaire n° 1808 du 27/04/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1808 du 27/04/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE 

Les pratiques zootechniques mises en œuvre dans les élevages de bovins laitiers pour les veaux, futures génisses de remplacement, ont des conséquences 2 ans plus tard sur les performances des vaches laitières et sur l’économie de l’élevage1. C’est pourquoi, lors de cette conférence, Alex Bach a souhaité réunir les connaissances actuelles sur les pratiques d’élevage à suivre pour atteindre ces objectifs.

Un comportement social naturel

Les veaux laitiers sont encore généralement élevés dans des niches seuls pour prévenir la diffusion de maladies dans l’élevage. Pourtant, des études ont montré que les interactions sociales permettent d’améliorer les conditions de sevrage des veaux élevés avec des lactoremplaceurs, car ils stimulent la prise (fréquence et quantité) d’aliments de croissance en pré- et post-sevrage2, 3. Par ailleurs, plus ces contacts sont faits précocement, plus les effets obtenus sont importants. Dans ces conditions, les veaux répondent aussi mieux aux nouvelles situations auxquelles ils sont confrontés (moins de peur4, plus de réactivité), leurs niveaux de production laitière5 ultérieurs sont meilleurs et la sévérité des maladies respiratoires qu’ils pourraient contracter6 est moindre. Enfin, ils ont montré un intérêt réel à être élevé au contact d’autres individus, ce qui suggère que cela contribue à leur bien-être7. Toutefois, comme l’a indiqué le conférencier, au-delà de 6 à 10 animaux, il existe une compétition pour l’accès à l’alimentation lactée, ce qui limite la prise alimentaire, réduit la croissance de l’animal à cette période8 et a un impact négatif sur son développement comportemental. Ainsi, ces comportements de compétition peuvent ensuite persister au cours de la période de post-sevrage9. Il est donc conseillé de laisser aux veaux élevés en groupes un accès à plusieurs stations d’alimentation, afin d’encourager la prise alimentaire et de réduire les interactions de compétition, tout en tenant compte de leur comportement social naturel.

Une transition alimentaire réussie

De fortes consommations d’aliment de croissance avant le sevrage permettent d’assurer une croissance optimale du veau et de maintenir un taux de croissance optimal en post-sevrage10. Ainsi, si l’objectif est que le veau ait un taux de croissance de 1,2 kg/j en postsevrage, les veaux ne devraient pas être sevrés avant d’avoir consommé un minimum de 2 kg/j d’aliment de croissance. Avec un schéma nutritionnel adapté, pendant la période de transition (quelques jours avant le sevrage et après), les veaux peuvent facilement atteindre un taux de croissance de 1,2 à 1,3 kg/j, avec une efficacité alimentaire forte de 40 % environ pendant toute la période de croissance de l’animal. En post-sevrage, il est recommandé de changer progressivement la ration en réduisant l’apport d’aliment de croissance et en augmentant la quantité de fibres (de 50 g/kg à 150-200 g/kg à 6 mois) du fourrage haché. Par ailleurs, pour diminuer l’incidence des affections respiratoires sévères durant la transition, il convient de ne pas dépasser 6 à 10 individus11 et de réunir les animaux dès le présevrage. Enfin, les résultats d’une autre étude12 ont permis de montrer que si l’on regroupe les veaux en fonction de leurs origines et du risque de survenue de maladies respiratoires, le taux de mortalité des veaux de l’élevage est réduit. Par conséquent, comme l’a précisé le conférencier, l’impact de ces regroupements des veaux de l’élevage ne sera pas seulement immédiat (croissance, économies), mais aussi sur le long terme.

Une croissance optimale

Selon Alex Bach, une fois les objectifs d’âge et de poids corporels au premier vêlage fixés, les taux de croissance à différentes étapes du développement doivent être définis. Comme les veaux sont sevrés en moyenne à 63 jours (92 kg en moyenne), pour atteindre 650 kg à l’âge de 23 mois, le taux de croissance doit être de 870 kg/j en moyenne. Or, la prise de poids par le veau étant plus efficace aux premières étapes de la vie de l’animal, il semble donc intéressant économiquement de favoriser un développement plus rapide à ces stades de croissance. C’est pourquoi, même si certaines études anciennes13 ont montré qu’une croissance excessive (à partir de 700 g/j) pendant la période prépubertaire pouvait compromettre le développement mammaire et le potentiel laitier, le conférencier se repose sur les dernières données pour recommander de chercher à atteindre un taux de croissance de 900 g/j entre le sevrage (63 jours) et le premier vêlage (400 jours).

Comment nourrir les génisses gestantes ?

Enfin, pendant la gestation, contrairement aux observations précédentes faites pour la période prépubertaire, un taux de croissance journalier trop important est associé à une diminution de la production laitière pendant la première moitié de la lactation, a indiqué le conférencier. Une étude14, faite sur un troupeau de génisses dont la ration alimentaire était limitée, a révélé que les performances laitières de celles qui ont une croissance de 1,1 kg/j étaient moins bonnes que celles des sujets dont la croissance est de 1 kg/j entre 360 jours et le vêlage. Or, les retards de croissance (poids corporels à la mise à la reproduction inférieurs aux valeurs cibles) sont très difficiles à corriger et conduisent à une augmentation des risques de survenue de troubles métaboliques après le premier vêlage. Par conséquent, il convient de privilégier un apport nutritionnel adapté à un fort taux de croissance jusqu’à l’âge de 400 jours, puis de s’assurer de croissances modérées et d’éviter le surpoids après la mise à la reproduction.

1 Voir La Semaine Vétérinaire nos 1806-1807 des 26/4/2019 et 3/5/2019.

2 Costa J. H. C., Meagher R. K., Stockhofe N. et coll. Early pair housing increases solid feed intake and weight gains in dairy calves. J. Dairy Sci., 2015.

3 Bach A., Ahedo J., Ferrer A. Optimizing weaning strategies of dairy replacement calves. J. Dairy Sci., 2010.

4 De Paula Vieira A., de Passillé A. M., Weary D. M. Effects of the early social environment on behavioral responses of dairy calves to novel events. J. Dairy Sci., 2012.

5 Chua B., Coenen E., Van Delen J., Weary D. M. Effects of pair versus individual housing on behavior and performance of dairy calves to novel events. J. Dairy Sci., 2002.

6 Jensen M. B., Duve L. R., Weary D. M. Pair housing and enhanced milk allowance increase play behavior and improve performance in dairy calves. J. Dairy Sci., 2015.

7 Holm L. Calves’ motivation for access to two different types of social contact measured by operant conditioning. Appl. Anim. Behav. Sci., 2002.

8 Bach A., Ahedo J. Record keeping and economics for dairy heifers. Vet. Clin. North. Am. Food Anim. Pract., 2008.

9 Miller Cushon E. K., Bergeron R., Leslie K. E. et coll. Competition during the milk feeding stages influences the development of feeding behavior of pair-housed dairy calves. J. Dairy Sci., 2014.

10 Kertz A. F., Prewitt L. R., Everett J. P. An early weaning calf program : summarization and review. J. Dairy Sci., 1979.

11 Svensson C., Liberg P. The effect of group size on health and growth rate of Swedish dairy cales housed in pens with automatic milkfeeders. Prev. Vet. Med., 2006.

12 Bach et coll.

13 Sejrsen K., Huber J. T., Tucker H. A., Akers R. M. Influence of nutrition of mammary development in pre and post pubertal heifers. J. Dairy Sci., 1982.

14 Lascano et coll.

Alex Bach Professeur à l’Icrea et au département de production des ruminants Irta (Catalogne). Article rédigé d’après une présentation faite lors de l’ International Summit on Dairy Cattle, organisé par le laboratoire Bayer, du 5 au 7 mars.

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