Radiographie du thorax des animaux obèses et des brachycéphales - La Semaine Vétérinaire n° 1808 du 27/04/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1808 du 27/04/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS  

L’obtention d’une radiographie thoracique de qualité chez l’animal obèse est compliquée, tandis que la morphologie des races à face aplatie, brévilignes, au thorax court et large, est à l’origine de spécificités radiologiques.

Radiographie thoracique de l’animal obèse

En théorie, une bonne radiographie thoracique s’obtient en baissant les kilovolts (kV), ce qui diminue le contraste et contribue à l’obtention d’images pulmonaires lisibles. Cependant, cette manipulation lisse la différence entre le gras et les structures liquidiennes tissulaires également.

Le médiastin

La surcharge pondérale induit un élargissement rectiligne et régulier du médiastin cranial, plus marqué en région cranio-ventrale, plus évident chez le chien que chez le chat. Il dépasse alors, sur la vue de face, les structures vertébrales de la colonne (il est superposé dans le cas normal). Le médiastin moyen est également élargi, ce qui peut conduire à surinterpréter la silhouette cardiaque. Pour s’affranchir de cet artefact, il convient d’augmenter le différentiel entre les structures liquidiennes et la graisse (diminuer les kV et augmenter les milliampères-seconde [mAs]), en sachant que les structures pulmonaires ne seront pas interprétables, et de réaliser plusieurs incidences. La présence d’une masse médiastinale, d’opacité liquidienne, masque la crosse aortique. A contrario, le gras, d’opacité moindre, rend la crosse aortique visible sur la vue de profil.

La région pleurale

En région pleurale, la graisse décolle les lobes pulmonaires et augmente l’opacité pulmonaire. Cet effet est majoré en fonction de la conformation de l’animal (brachycéphales), de l’hypoventilation et de la phase respiratoire. Scissures et décollement du poumon de l’angle lombo-diaphragmatique sont des signes indirects de lésions pleurales à rechercher pour les différencier de la graisse.

Les poumons

Il convient d’obtenir des clichés en phase inspiratoire pour diminuer l’opacité pulmonaire, ce qui peut être difficile chez ces animaux présentant souvent une chondromalacie trachéale ou un défaut d’expansion pulmonaire. Malgré tout, l’image des poumons pour ces animaux est toujours de moindre qualité, empêchant parfois son interprétation.

La radiographie des brachycéphales

La conformation particulière des chiens brachycéphales est à l’origine de nombreuses différences à la radiographie thoracique. Ces images spécifiques doivent être connues pour ne pas être confondues avec des lésions.

Structures extrathoraciques

Le palais mou du chien brachycéphale est plus long, plus gros et plus rond que chez les autres races. Les masséters, particulièrement proéminents, peuvent mimer une masse sur la radiographie de profil et sont à l’origine d’un déplacement caudal et d’une verticalisation de l’appareil hyoïde. La colonne vertébrale présente de nombreuses anomalies : vertèbres cunéiformes, fusion des processus épineux, vertèbres en papillon (ces hémivertèbres sont visibles en vue de face et parfois difficiles à différencier d’une fracture vertébrale), scoliose, lordose et cyphose. Le pectus excavatum est plus fréquent chez les brachycéphales que chez les autres races. En ce qui concerne les structures abdominales craniales, chez le brachycéphale, de conformation en tonneau, le foie dépasse plus du cercle de l’hypochondre, a une position plus horizontale et un bord arrondi.

Structures médiastinales

Le médiastin, à cause d’une accumulation de graisse, est beaucoup plus large (la norme consistant en une largeur inférieure à deux fois celle de la colonne), mais il reste symétrique, aux contours réguliers, bien nets. La trachée est légèrement incurvée vers la droite sur la vue de face. Sur le profil, son diamètre à l’entrée de la poitrine est à comparer à la hauteur de l'entrée de la poitrine (pointe dorsale du manubrium, bord ventral-cranial de T1)1. Cependant, une trachée de diamètre diffusément diminué à la radiographie ne signifie pas forcément une hypoplasie trachéale : la clinique prime. Enfin, la minéralisation des anneaux trachéaux est normale chez les races chondrodystrophiques (ou les autres races chez des sujets âgés). Chez le jeune chien brachycéphale, une image en bulle d’air en région thoracique craniale ventralement à la trachée peut être notée ; elle correspond à une redondance œsophagienne, liée au fait que l’œsophage est plissé, complètement asymptomatique, particularité qui disparaît avec l’âge. Elle ne doit pas être confondue avec un jabot œsophagien, qui se traduit, sur une vue de profil, par une déviation ventrale de la trachée, souvent située juste cranialement au cœur et, sur une vue de face, par une déviation latérale à gauche de la trachée au niveau du troisième espace intercostal. Les chiens brachycéphales sont plus sujets aux hernies hiatales : en vue de face, une perte du contour du diaphragme et, en vue de profil, en région caudo-dorsale, une structure aérique délimitée par une grosse paroi, l’estomac, sont alors observées. Cette image peut être transitoire, exacerbée par un effort inspiratoire. Le cœur est plus couché (augmentation du contact sternal), plus globuleux, dans un thorax plus petit, la silhouette mesure souvent 3,5 espaces intercostaux sur la vue de profil (norme : 2,5), l’apex cardiaque est déplacé à gauche sur la vue de face, avec une image en “D” inversée.

Poumons

Les poumons présentent une augmentation globale de l’opacité (sensation de voile gris, comme chez les animaux obèses), due à un épaississement de la paroi thoracique (fausse opacité interstitielle). Le chien brachycéphale obèse cumule donc toutes les difficultés radiologiques…

1 Le rapport entre la hauteur de l’entrée de la poitrine et le diamètre de la trachée doit être supérieur à 0,21 (+/- 0,03) pour un chien méso-dolichocéphale, à 0,16 (+/- 0,03) pour un brachycéphale et à 0,11 (+/- 0,03) pour un bouledogue.

Delphine Rault Diplomate ECVDI, particienne à la clinique Azurvet à Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes). Juliette Sonet Praticienne hospitalière en imagerie médicale à VetAgro Sup. Article rédigé d’après une conférence présentée au congrès de l’Afvac à Nantes (Loire-Atlantique), en novembre 2017.

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