Le Brexit omniprésent à Birmingham - La Semaine Vétérinaire n° 1808 du 27/04/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1808 du 27/04/2019

CONGRÈS DE LA BSAVA

PRATIQUE CANINE

L'ACTU

Auteur(s) : KARIN DE LANGE 

La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne était sur toutes les lèvres lors du congrès de la British Small Animal Veterinary Association (BSAVA), début avril, tant son impact sera grand pour la profession vétérinaire outre-Manche.

J’hésite à utiliser le “mot en B”, regrettait Philip Lhermette, président sortant de la British Small Animal Veterinary Association (BSAVA) lors de la séance d’ouverture du congrès de l’association qui s’est déroulé du 3 au 7 avril à Birmingham. Notre exode de la communauté européenne a créé de nombreuses incertitudes, non seulement en matière de recrutement et de rétention un peu plus de 50   % des inscriptions annuelles au RCVS, l’Ordre vétérinaire britannique, sont européennes , mais également en matière de disponibilité de médicaments, de financement de la recherche et des modalités de voyage outre-Manche pour les animaux de compagnie.   »

Pourtant, le sujet “B” était omniprésent lors du congrès, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des amphithéâtres, la grande majorité des confrères étant désolée à l’idée de quitter l’Europe. Lors d’une session consacrée au « Brexit, défis et réalisations », Lord Trees, seul représentant de la profession vétérinaire au Parlement britannique, a décrit l’ampleur de la tâche consistant à réécrire et à adapter la législation pour protéger la santé humaine et animale avant le Brexit– quelle qu’en soit l’issue. Il a ajouté que l’incertitude quant à la nature des relations futures entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE) constituait un « fardeau particulier », alors que les gardiens de la santé et du bien-être des animaux se préparent à la possibilité d’un Brexit sans transaction.

Médicaments vétérinaires : prêts à tout scénario

En cas d’un accord, ce sera “facile”. «   Mais même en cas d’un Brexit “dur”, nous sommes dans une position assez solide   », se sont félicités Peter Borriello, directeur général de la Direction des médicaments vétérinaires (Veterinary Medicines Directorate, ou VMD), et Dawn Howard, directrice générale de l’Office national de la santé animale (National Office of Animal Health, ou Noah, équivalent britannique du Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires, ou SIMV). Ils ont confirmé que la préparation du Brexit a permis au VMD et à l’industrie d’établir des liens plus étroits avec les ayants droit et de créer des plans d’urgence communs. Grâce à la pression de leurs instances, les médicaments vétérinaires ont été classés comme produits prioritaires de catégorie 1, tandis que pour chaque médicament vétérinaire agréé, deux alternatives ont été identifiées dans le monde entier afin de pouvoir en importer en cas de rupture. Peter Borriello a admis que le Brexit les avait «   obligés à examiner de plus près la chaîne d’approvisionnement et les alternatives possibles pour une flexibilité accrue   ». Ce qui «   est un bon exercice quoi qu’il arrive   ».

Crise de main-d’œuvre

«   Un problème sans lien direct avec le Brexit, mais qui s’est aggravé depuis son annonce, est la crise actuelle de main-d’œuvre vétérinaire   », a alerté Lord Trees. En effet, le pays dépend fortement des ressortissants de l’Union européenne : 27 % de tous les vétérinaires au Royaume-Uni sont des diplômés non-britanniques de l’UE, non seulement en clientèle, mais également dans l’inspection alimentaire (plus de 90 %) et au ministère de l’Agriculture (Department for Environment, Food and Rural Affairs, ou Defra, environ 40 %). «   Nous avons fait appel au gouvernement pour que la profession vétérinaire soit inscrite sur la soi-disant liste des métiers en pénurie [Shortage Occupation List, NDLR], mais nous sommes toujours en attente d’une réponse du comité consultatif sur les migrations.   » Pour combler cette pénurie, l’enseignement vétérinaire a changé de vitesse : alors que l’école vétérinaire de Nottingham (ouverte en 2006) a annoncé qu’elle accueillera deux fois plus d’étudiants à partir d’avril 2020, l’école vétérinaire de Surrey (2015) verra sa première promotion de jeunes diplômés sortir cet été et la toute nouvelle école vétérinaire Harper & Keele commencera à accueillir des étudiants dès 2020 – en collaboration avec la chaîne des cliniques CVS.

La médecine fondée sur les preuves

Les intervenants ont également abordé d’autres défis actuels, comme l’impact de la télémédecine et l’importance de la médecine factuelle (evidence-based medicine). Tandis que le RCVS consacrait une matinée aux connaissances et à l’importance des preuves, deux auteurs du renommé Journal of Small Animal Practice (JSAP) ont présenté leurs études sur la recherche en clientèle, dans le but de trouver des réponses à deux questions pratiques1 : l’ovariectomie par endoscopie est-elle mieux que la laparotomie en matière de risques d’infection ? Et : quelle est la meilleure mesure préventive pour la plaque dentaire chez le chien (après détartrage et polissage) : un régime alimentaire dentaire spécifique, des “os à mâcher” dentaires ou un brossage des dents ? «   De telles études aident les praticiens à faire des choix sur la base de preuves scientifiques   », s’est réjoui le rédacteur en chef du JSAP2.

Éthique et bien-être

Le congrès a également abordé l’éthique et le bien-être des animaux, avec une session d’une journée consacrée à ce thème. Par ailleurs, la chef des services vétérinaires écossais, Sheila Voas, a présenté sa nouvelle campagne contre le puppy farming 3, avec des amendes et peines plus dissuasives.

Pour sa part, Chris Laurence, président du groupe interprofessionnel canin et félin (Canine & Feline Sector Group), a annoncé une nouvelle législation sur la certification des animaleries, des éleveurs et d’autres entreprises aux activités animalières. Les nouvelles propositions préconisent que tout éleveur de chiens devrait être certifié et que les sites internet qui n’affichent pas de numéro de certificat dans les annonces pour chiots qu’ils publient pourraient être poursuivis en justice. Concernant les importations de chiots de l’étranger, il a suggéré de porter la règle actuelle d’un âge minimum de 15 semaines à 24 semaines. «   Même moi, je ne suis pas capable de toujours faire la différence entre un chiot de 12 et 16 semaines, comment voulons-nous que le personnel d’Eurotunnel le soit ?   », a-t-il souligné.

L’éthique et le bien-être animal étaient également présents dans des initiatives telles que Mission Rabies 4, qui a mentionné ses campagnes de vaccination et d’éducation antirabiques réussies au Ghana, et Street Vet 5 et Street Paws 6, qui proposent des soins vétérinaires gratuits aux sans-abri.

Du recyclage et du yoga

En plus d’un point fort autour de la “mindfulness”, les organisateurs du congrès ont également proposé la garde d’enfants pendant les heures de congrès et une session de yoga matinale, ouverte à tous ceux qui cherchaient à se détendre et à se ressourcer. Autre nouveauté bien-être : des bancs “pique-nique” en bois pour se retrouver, manger, discuter ou se poser entre deux conférences. Côté écologique et social, les mallettes et les cordons de badges de congrès avaient été fabriqués à partir de plastique recyclé, tout comme les gourdes d’eau en remplacement de quelque 14 000 bouteilles en plastique à usage unique. Du plastique et des frais de port ont également été économisés grâce à l’impression sur place des badges, tandis que les restes des repas ont été donnés à un refuge pour sans-abri. Les sacs de congrès restants ont été donnés à des œuvres de charité après l’événement.

Bien que le congrès BSAVA semble stagner dans sa croissance (6 787 participants), avec ses quelque 50 000 heures de formation permanente dont plus de 550 conférences, ateliers et “petits-déjeuners avec le spécialiste”, cet évènement reste le congrès vétérinaire canin le plus grand d’Europe, et l’un des plus grands du monde. L’année prochaine (du 2 au 5 avril 2020) sera la 30e et dernière édition à Birmingham avant de partir un peu plus au nord, à Manchester (du 25 au 28 mars 2021).

1 Charlesworth T. M. et coll. A comparison of the rates of postoperative complications between dogs undergoing laparoscopic and open ovariectomy ; Allan R. M. et coll. Prospective randomised blinded clinical trial assessing effectiveness of three dental plaque control methods in dogs.

2 Les résultats : la chirurgie “en trou de serrure” (par endoscopie) réduit les risques de complications de 50 %, tandis que le brossage des dents est trois fois plus efficace que toutes les autres mesures.

3 buyapuppysafely.org.

4 missionrabies.com.

5 streetvet.co.uk.

6 streetpaws.co.uk.

VU À L’EXPOSITION COMMERCIALE

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