Vétérinaire : quelles orientations d’avenir ? - La Semaine Vétérinaire n° 1806 du 06/04/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1806 du 06/04/2019

PROFESSION

ACTU

Auteur(s) : JEAN-PAUL DELHOM 

Le 17 avril, l’OMPL a présenté deux études : l’une sur les modalités d’entrée dans la vie active des étudiants vétérinaires et des auxiliaires vétérinaires, l’autre sur les perspectives des cliniques vétérinaires de demain. Le SNVEL a conjointement exposé ses objectifs et méthodes de réflexion sur la délégation de soins aux ASV.

Modalités d’entrée dans la vie active des étudiants vétérinaires et des auxiliaires vétérinaires en formation, quelles sont les priorités ? » Telle a été la première question posée. Jean-Joseph Kuperholc (cabinet Média.T) présente cette étude longitudinale réalisée auprès des étudiants vétérinaires et des auxiliaires vétérinaires en formation. Il s’agit d’un suivi sur trois ans de l’insertion dans la vie active des étudiants et des auxiliaires vétérinaires.

L’entrée dans la vie active des étudiants vétérinaires

En 2018, terme de cette étude, la grande majorité des étudiants ont un emploi en clinique vétérinaire (71 %), dont 66 % un CDI. Une très grande majorité d’entre eux (94 %) estime être en adéquation avec leur projet d’origine. Les gardes de nuit ne sont pas un obstacle à l’embauche dans une clinique, puisque 79 % en font. La moitié a déjà effectué plusieurs contrats. Pour trois étudiants sur quatre en emploi hors d’une clinique vétérinaire (abattoirs, recherche, thèse etc.), il s’agit d’un choix de ne pas avoir une activité à but lucratif.

Dans leur immense majorité, les étudiants vétérinaires réalisent leur projet annoncé en 5e année. Les trois motivations principales énoncées qui justifient le maintien ou non dans l’emploi ou le changement de lieu d’exercice sont la bonne ambiance, la conciliation vie familiale/vie professionnelle, les bonnes conditions de travail. Les étudiants ayant effectué un stage en 5e année sont le plus souvent en CDI. Certains utilisent le CDD comme processus de découverte du métier.

Côté auxiliaires vétérinaires

Les auxiliaires vétérinaires, au terme de cette étude, travaillent majoritairement en clinique vétérinaire (86 %), ce qui correspond à leur projet d’origine. La taille de la clinique semble être un critère de choix (52 % exercent dans une clinique de deux à quatre vétérinaires). La recherche d’un CDI à temps plein est une priorité (92 % occupent un poste en CDI, dont 84 % à temps plein) et la plupart (56 %) travaillent dans la clinique de leur formation. Les raisons de rester dans la clinique sont essentiellement le cadre de travail et l’ambiance (82 %), celles de la quitter, le temps de trajet (75 %). Pour les auxiliaires qui estiment ne pas vouloir faire toute leur carrière en tant qu’ASV, 59 % avancent l’insuffisance de salaires et 38 % le manque de perspectives. Pour les auxiliaires, la clinique idéale comporterait quatre à huit vétérinaires, avec un plateau technique conséquent, et ne serait pas trop éloignée d’une grande ville.

La majorité des ASV concrétisent leur projet et la plupart le font dans la structure qui les a formés. La bonne ambiance est la motivation principale pour le maintien ou non dans l’emploi. Le projet d’être ASV durant toute sa carrière évolue après un ou deux ans d’exercice et les raisons d’un changement sont le manque de reconnaissance (salaires) et l’absence de perspectives d’évolution.

Équipe des cliniques vétérinaires de demain, quelles perspectives ?

Alix de Galbert et Justine Sobieck (cabinet KYU Lab) sont consultantes en charge de l’étude statistique et prospective de branche qu’elles présentent conjointement. Cette étude a pour but de réaliser un état des lieux statistique des cliniques vétérinaires pour comprendre et anticiper les évolutions. Un plan d’action pour la branche est établi. L’analyse des données statistiques a été enrichie par 57 entretiens avec des professionnels, deux visites de congrès, une large analyse documentaire (Insee, Eurostat, synthèses Vetfuturs, rapport VeTerrA, etc.) et un sondage en ligne auprès des vétérinaires et des auxiliaires ayant reçu plus de 2 000 réponses.

L’activité, majoritairement canine (83 %) est en croissance continue (+ 5 % d’entreprises et + 27 % de salariés de 2008 à 2016). Les entreprises augmentent en taille depuis 2009. Deux métiers (les vétérinaires et les auxiliaires) structurent cette branche jeune et féminine (89 % de femmes, dont 56 % de moins de 35 ans). La rotation de personnel est importante quoiqu’en diminution. De plus en plus d’emplois pérennes sont occupés à temps partiel (43 %). La tendance au salariat chez les vétérinaires se confirme.

Pour les auxiliaires, le profil est stable, avec une majorité de femmes (97 %) en CDI (87 %). Seulement 36 % des ASV travaillent à temps partiel. Les formations continues sont moins centrées sur le soin, ce qui montre une meilleure prise en compte de la relation client, du numérique et du management. Les formations “non médicales” sont en augmentation de 14 points quel que soit le métier depuis 2012.

On assiste à une fragilisation économique des structures vétérinaires : revenu moyen en baisse (- 1,53 % de 2015 à 2016), concurrence nouvelle (pharmacies, vente en ligne) et davantage extraprofessionnelle.

En parallèle, un contexte juridique en transformation favorise les regroupements, les mutualisations et une forme de “capitalisation” des structures, même si elle reste très réglementée.

Il existe une tension sur les recrutements (stagnation du nombre de diplômés, besoin croissant en gestion administrative dans les structures, désert vétérinaire en zone rurale). Cette difficulté implique la nécessité de fidéliser les salariés pour éviter le recrutement.

De nouvelles attentes professionnelles se font jour : recherche d’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle ; les auxiliaires attendent une meilleure valorisation de leur métier ; pour les vétérinaires, il existe un décalage entre le métier rêvé et celui exercé. Ainsi, de plus en plus de vétérinaires quittent de plus en plus jeunes la profession, aggravant le problème de recrutement.

La nécessité de développer de nouveaux services

Les comportements et les besoins des clients exigent une meilleure disponibilité, une prise en compte du bien-être animal et induisent une augmentation des dépenses pour les animaux de compagnie.

Il apparaît donc nécessaire de développer de nouveaux services (rendez-vous et ventes en ligne, consultations spécialisées) et de combler le retard actuel des cliniques en matière de numérique. Le matériel de haute technologie indispensable, la généralisation du laboratoire connecté, les différents outils de gestion ont un impact sur l’organisation du travail et les compétences à acquérir.

Dans l’avenir, la profession devrait assister à une perte de vitesse des activités rurales, à une reconfiguration de l’organisation (accueil, radios, soin), à une spécialisation accrue et à un recrutement de personnel de gestion.

Les astreintes et gardes devraient se mutualiser, les chaînes de cliniques se généraliser, permettant la mise en réseau des structures. De nouvelles activités devraient apparaître (télémédecine, gestion de données liées à l’animal connecté, intelligence artificielle comme assistance au diagnostic). Tout ceci implique des besoins en formation accrus pour développer de nouvelles compétences : techniques, relationnelles, commerciales (vente des prestations, respect des objectifs et des protocoles contraignants d’utilisation du matériel), encadrement des juniors pour les faire évoluer vers un poste de manager ou libéral.

Pour les ASV, cela implique une amélioration des compétences médicales, des relations clients, des techniques commerciales et numériques.

Les enjeux de demain sont d’attirer et de fidéliser les salariés, de préparer les professionnels à l’évolution de l’offre de services. Il sera primordial de mettre la relation client au cœur de la stratégie de développement.

Ces études confirment que la profession vétérinaire vit un grand changement. Si les fondements du métier restent le socle de l’activité, de nombreux paramètres évoluent, auxquels il sera nécessaire de s’adapter rapidement (transformation digitale, monté en compétences des différents acteurs, etc.).

DÉLÉGATION DES SOINS, QUELLE ORIENTATION ?

Dans cette optique d’évolution, le SNVEL, en concertation avec l’ensemble des organisations professionnelles vétérinaires (OPV), se propose d’accompagner la profession vétérinaire et de légaliser certaines pratiques comme la délégation de soins aux ASV. Comme exposé par Véronique Luddeni, vice-présidente du SNVEL, et Jérôme Frasson, président de la CPNE-FP, le but est la recherche d’un consensus autour d’une délégation de soins encadrée par un contrat de travail, inscrite dans une modification du Code rural et de la pêche maritime. Il convient d’établir un dispositif de reconnaissance/validation des compétences liées à la délégation de soins en cohérence avec le système de formation/certification des ASV en France et dans le cadre européen.
Le pilotage des qualifications de la branche vétérinaire se fait par le CPNE-FP (par ses décisions politiques emploi-formation, la création des qualifications, l’inscription sur les conventions collectives, etc.) et par le Gipsa (organisme de certification du SNVEL et du ministère de l’Agriculture) qui définit et supervise les processus d’évaluation, désigne les membres du jury, délivre les certificats de compétence, gère la liste des diplômés, etc. Il existe un engagement historique de l’état et du SNVEL dans le pilotage de la certification et de la formation du personnel auxiliaire vétérinaire. La branche professionnelle et les acteurs Gipsa/Apform ont un rôle majeur dans la mise en œuvre des dispositifs de formation et la délivrance des certifications (titre ASV et CQF).


CRÉER UN NOUVEAU BLOC DE COMPÉTENCES


POST-TITRE ASV

Aujourd’hui, les compétences accessibles aux ASV, reconnues et déjà valorisées par les conventions collectives sont : le conseil à la clientèle, la gestion administrative, l’hygiène, l’assistance aux vétérinaires.
Le but serait de créer un nouveau bloc de compétences post-titre ASV (certification ASV soins). Deux populations sont visées : les auxiliaires salariés diplômés ASV et les futurs diplômés ASV par la validation des acquis de l’expérience (VAE) ou la formation après deux ans en alternance. L’accès à cette nouvelle compétence serait réservé aux diplômés ASV du Gipsa. L’obtention, dont les modalités seraient a préciser, se ferait à l’issue d’un processus de formation, d’une évaluation et d’une certification Gipsa.
D’autres pistes seront à étudier pour d’autres certifications relatives à la délégation de soins (pratique équine, aide chirurgicale, anesthésie, physiothérapie).
Les objectifs dans un horizon de deux ans sont la validation du scénario, du cadre de mise en œuvre et des modalités d’évaluation par la profession vétérinaire de la modification de l’article 243-3 et de l’arrêté du 5 octobre 2011 fixant la liste des actes de médecine et de chirurgie des animaux que peuvent réaliser certaines personnes non vétérinaires, la mise en place opérationnelle du dispositif par les acteurs Gipsa et Apform.

Jean-Paul Delhom
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr