« Nous alertons les pouvoirs publics face au cyberharcèlement » - La Semaine Vétérinaire n° 1806 du 06/04/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1806 du 06/04/2019

ENTRETIEN AVEC ALAIN SCHONBRODT

ACTU

Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR MICHAELLA IGOHO-MORADEL 

Les injures et la diffamation sur les réseaux sociaux sont une préoccupation croissante pour les vétérinaires. En Belgique, face à ce phénomène, l’Union professionnelle vétérinaire monte au créneau. Entretien avec son secrétaire.

L’Union professionnelle vétérinaire (UPV) signalait, dans un communiqué de presse publié en janvier 20191, que, de plus en plus souvent, les médecins vétérinaires se faisaient agresser. À l’origine de cette alerte, le refus de certains d’entre eux de soigner des animaux errants trouvés blessés sur la voie publique et qu’ils choisissent parfois d’euthanasier.« De véritables lynchages médiatiques s’organisent vis-à-vis de collègues irréprochables, mettant leur probité en doute et menaçant leur pratique » , dénonce l’UPV. Alain Schonbrodt, son secrétaire, revient sur les conséquences de ce phénomène que certains ont qualifié de “véto bashing”.

Votre communiqué de presse dénonçant des agressions de vétérinaires est perçu comme un signal fort. Vous considérez-vous comme des lanceurs d’alerte pour sensibiliser le plus grand nombre à ce sujet ?

C’est un fait, nous sommes de plus en plus obligés d’euthanasier les animaux errants blessés qui nous sont présentés. Nous avons eu à gérer des réactions violentes de particuliers qui ne comprenaient pas ce choix. Les réseaux sociaux ont particulièrement été des vecteurs d’accusations graves à l’encontre de la profession. Ils créent des espèces de niches dans lesquelles les gens s’influencent les uns les autres. Mais pour beaucoup de mes confrères, les agressions ont vite dépassé le virtuel. J’ai été moi-même menacé directement à mon domicile. D’autres collègues ont été agressés physiquement. L’un d’entre eux a été menacé avec un nunchaku en pleine consultation. Ce fut la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Nous avons alerté les pouvoirs publics. Nous avons aussi tenté de faire comprendre à ce public très particulier qu’il n’était pas possible pour les vétérinaires de prester sans contrepartie. Cela a été difficile à faire admettre. Cette situation a finalement été une opportunité de sensibiliser sur ce “vétérinaire bashing”, car cette affaire a été très médiatisée. Je dois dire que la polémique s’est vite calmée.

Êtes-vous de plus en plus sollicités par les membres de l’UPV pour traiter cette problématique ?

Tout à fait. Nous avons encore reçu une déclaration cette semaine. Un groupe de personnes mène une campagne de dénigrement sur Internet à l’encontre de vétérinaires. En cause : une différence de diagnostic rendu par des praticiens. Il s’agit d’un problème relativement chronique. Un client mécontent consulte un autre vétérinaire pour avoir un second diagnostic.

Mettez-vous en place des actions pour aider les praticiens à affronter ces situations ?

Nous proposons à nos membres des formations afin de mieux faire face à ces situations et de soigner leur e-réputation. Nous avons récemment reçu Anne Daumas, directrice du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL). Son intervention avait pour but de sensibiliser les vétérinaires aux enjeux qui gravitent autour de la réputation numérique. Par ailleurs, nous leur proposons des solutions concrètes à appliquer lors de conflit en ligne avec un client. Dans ce cas, nous leur préconisons de ne pas refuser le dialogue. Il faut l’engager d’une façon sereine en exposant raisonnablement son avis, sans oublier que tout propos pourrait servir dans le cadre d’une procédure judiciaire. Il est conseillé de répondre sereinement, objectivement et avec convivialité. Dans un second temps, il faut faire preuve de patience. En général, les personnes accusatrices dont nous parlons n’ont pas de constance dans leur comportement et se fatiguent très vite. Il suffit qu’un autre événement attire leur attention pour qu’elles passent à autre chose. Si le cyberharcèlement émane d’une nébuleuse composée de profils anonymes, je leur conseille de ne pas s’impliquer ou interagir avec eux. Sauf si les menaces sont sérieuses et portent atteinte à leur considération. Enfin, je constate que les jeunes confrères sont plus affectés par ces situations. Selon moi, cela explique aussi la reconversion de certains d’entre eux, qui ne parviennent pas à gérer cet aspect de notre métier. Il faut s’armer de patience. L’expérience permet de prendre plus de recul.

1 bit.ly/2VeqJxD.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr