Sélection génétique et résistance aux mammites des vaches laitières - La Semaine Vétérinaire n° 1805 du 06/04/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1805 du 06/04/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE  

Les mammites, avec une incidence moyenne de 40 % de vaches atteintes1, sont à l’origine de nombreux troubles de reproduction et de santé en élevage bovin, dus à la mobilisation excessive des réserves corporelles en début de lactation2. Or, bien que l’influence des conditions environnementales soit majeure, la génétique peut aussi jouer un rôle. D’ailleurs, des index génomiques sont actuellement disponibles en France pour sélectionner les animaux sur leur score cellulaire somatique (SCS), sur les mammites cliniques (MC) et sur l’état corporel (EC)3, toutefois, les mécanismes biologiques impliqués dans les différences génétiques entre individus restent peu connus. C’est pourquoi, pour tenter de les comprendre et vérifier l’efficacité de cette sélection génétique, une étude a été menée par une équipe de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) chez des vaches de races prim’holstein et normande (sélection divergente sur la résistance aux mammites et sur la note d’état corporel). Elle décrit les différences observées entre les lignées en réponse à la sélection génétique.

Étude de la divergence génétique sur la résistance aux mammites

Pour cela, une divergence génétique sur la résistance aux mammites (écart attendu de 0,75 point de SCS et environ 7 % d’incidence de MC) a été induite en créant deux lignées à partir de taureaux choisis sur leurs index SCS et MC. Les individus étaient considérés comme résistants (RES) avec un index ≥ 1 et ceux du groupe contrôle (CTL) avaient un index ≥ - 1,5 et ≤ - 0,5. De plus, chez les vaches de race prim’holstein, une divergence supplémentaire sur la mobilisation corporelle (différence attendue de 0,5 point de note d’état corporel [NEC]) a été introduite avec la même stratégie : EC + si index ≥ 1 et EC - si index ≤ - 1. Pour chacune des 268 vaches (161 prim’holsteins et 107 normandes) de l’étude, plusieurs paramètres ont été analysés régulièrement : production laitière et poids corporel à chaque traite, composition du lait, spectre MIR (moyen infrarouge), dosages de progestérone, métabolique, description de chaque mammite et identification bactériologique par polymerase chain reaction (PCR) dans le lait. Les vaches ont été génotypées et disposent de prédictions génomiques issues de l’évaluation nationale (gRES ou gCTL pour la résistance aux mammites ; gEC + ou gEC - pour l’état corporel).

Des lignées plus résistantes

Les résultats ont montré que les vaches des lignées RES présentent un SCS significativement plus faible que les lignées CTL dans les deux races (- 0,6 en prim’holstein et - 0,7 en normande). De plus, l’effet est encore plus prononcé en considérant les groupes génomiques, avec - 1,2 et - 1,4 point de SCS chez les prim’holsteins et les normandes gRES, respectivement. Cependant la sélection a eu un effet opposé sur les mammites intra-races. Ainsi, les vaches de race prim’holstein RES étaient, comme attendu, moins sujettes aux MC, avec - 11 % de vaches affectées alors que les normandes RES ont été plus atteintes (+ 15 %). Par ailleurs, la sélection sur la mobilisation corporelle en race prim’holstein a eu un effet significatif sur la NEC moyenne, avec + 0,3 point pour la lignée EC +, et l’effet est encore plus prononcé en considérant les groupes génomiques, avec + 0,5 point chez les vaches EC +. Enfin, un effet a été observé sur la résistance aux mammites, avec - 0,4 MC pour les vaches EC +.

Des index plus précis chez les prim’holsteins

Ces résultats de sélection ont permis aux auteurs de conclure que pour les vaches de race normande, les réponses observées sur les MC peuvent s’expliquer par la faible taille des groupes étudiés, mais aussi par la faible héritabilité des MC et par une précision des index plus faible par rapport à la race prim’holstein. Toutefois, de nouvelles données devraient permettre de confirmer ces résultats. En effet, d’autres phénotypes restent encore à explorer (spectre MIR, statut métabolique, conformation, etc.) et la différenciation entre lignées, notamment au niveau immunitaire, ainsi que la relation génétique entre résistance aux mammites et métabolisme énergétique restent encore à étudier.

1 Fourichon et coll., 2001.

2 Collard et coll., 2000.

3 Govignon-Gion et coll., 2016.

Article rédigé d’après la conférence présentée lors des journées 3R 2018 (Rencontres recherches ruminants), des 5 et 6 décembre 2018. Auteurs de l’étude : Lefebvre R. (Institut national de la recherche agronomique [Inra], AgroParisTech, université Paris-Saclay), Barbey S. (Inra domaine expérimental du Pin), Launay F. (Inra domaine expérimental du Pin), Boichard D. (Inra, AgroParisTech, université Paris-Saclay).

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr