Le diagnostic de la fourbure d’origine endocrinienne (2 e partie) - La Semaine Vétérinaire n° 1805 du 06/04/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1805 du 06/04/2019

ANALYSE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : ANNE COUROUCÉ  

Nous avons vu dans l’article de La Semaine Vétérinaire n° 1804 du 12/4/2019 que, pour le vétérinaire, une approche logique en pratique est d’effectuer des mesures ou des tests permettant de refléter ce que l’on connaît de la physiopathologie de la fourbure endocrinienne. Cela permet de classifier les tests en trois catégories : les tests de niveau 1 (évaluation de l’hyperinsulinémie) et de niveau 2 (évaluation de l’insulinorésistance) ont été abordés dans le précédent article. Nous détaillons ici les tests de niveau 3 (évaluation de l’obésité et du pituitary pars intermedia dysfunction [PPID]).

Outre des facteurs génétiques, la résistance à l’insuline acquise est due à l’obésité/à l’inactivité (SME) ou au PPID et nécessite donc le traitement/la gestion ciblée de ces deux affections, le cas échéant. Ainsi, l’évaluation de l’obésité et le diagnostic du PPID sont importants pour une évaluation correcte des cas de fourbure.

Syndrome métabolique équin

L’obésité est définie comme « une accumulation de graisse anormale ou excessive qui présente un risque pour la santé » et il est bien reconnu, à la fois chez l’homme et chez le cheval, que l’obésité ne se limite pas à la simple quantité de tissu adipeux. L’obésité est donc un terme fonctionnel et physiopathologique plutôt qu’un simple terme quantitatif et morphologique. Ainsi, pour établir un diagnostic précis d’obésité, il convient de montrer que les dépôts adipeux chez l’individu sont nocifs et ne dépassent pas simplement un seuil (par exemple, le score d’état corporel). L’adiponectine est une protéine produite par les adipocytes. Dans la circulation, l’adiponectine a tendance à former des trimères, des hexamères ou des multimères de haut poids moléculaire. Ces formes d’adiponectine semblent être les plus biologiquement actives, ayant des effets anti-inflammatoires et une sensibilité importante à l’insuline. Leur concentration est anormalement basse chez les chevaux obèses et ceux prédisposés à la fourbure. Ainsi, l’adiponectine est en train de devenir une cible diagnostique pour l’évaluation et le suivi des cas de SME, car elle pourrait être un facteur clé associant l’obésité à la dysrégulation de l’insuline. Elle est attrayante sur le plan diagnostique, car elle n’est pas affectée par le régime alimentaire, le sexe ou l’âge, n’a pas de rythme circadien perceptible et semble raisonnablement stable in vitro. Le Liphook Equine Hospital, en Grande-Bretagne, est le premier laboratoire de diagnostic au monde à avoir validé le dosage de l’adiponectine pour une utilisation en pratique. Elle se mesure mieux dans le sérum et des valeurs inférieures à 3,2 g/ml suggèrent une obésité métabolique. Cette valeur augmente en général lors de changements de gestion/ration efficaces, ce qui fait de ce paramètre un excellent outil de suivi de ces chevaux/poneys.

Dysfonctionnement de la pars intermedia de l’hypophyse

Il existe de nombreux cas de chevaux atteints de PPID qui sont relativement jeunes et ne présentent pas de signes pathognomoniques. Il est donc important de toujours tester les chevaux présentant de la fourbure pour cette affection.

Dosage de l’ Adreno cortico trophic hormone (ACTH) :c’est un test de dépistage pratique pour le PPID. Ce dosage nécessite que le laboratoire donne des valeurs de référence corrigées en fonction des variations saisonnières, afin de prendre en compte l’augmentation de l’activité hypophysaire durant l’été et l’automne (de la fin juin à la mi-novembre). Une étude publiée par Copas et Durham en 2012 avait permis de mettre en évidence que la valeur supérieure d’ACTH était de 29 pg/ml entre novembre et juillet et de 47 pg/ml entre août et octobre. D’autres facteurs peuvent influer sur les résultats du dosage d’ACTH, comme la douleur et le stress, et il est donc recommandé de ne pas faire de mesures chez des chevaux présentant l’un des deux (ou les deux). Knowles et coll. (2018) ont comparé deux techniques de dosage de l’ACTH à partir de prélèvements faits sur des poneys en automne (n = 99) et au printemps (n = 88). Les résultats étaient proportionnels, mais pas équivalents, ce qui laisse supposer qu’il est nécessaire d’établir des valeurs seuils adaptées à la technique de dosage utilisée. Parmi les 88 poneys prélevés à la fois en automne et au printemps, 56 (64 %) présentaient des valeurs d’ACTH supérieures au seuil de 47 pg/ml. Parmi eux, 39 (70 %) présentaient une valeur d’ACTH inférieure à 29 pg/ml le printemps suivant, alors qu’ils n’avaient reçu aucun traitement. Il est donc recommandé aux cliniciens d’interpréter avec précaution les valeurs d’ACTH. Pour les chevaux dont le diagnostic de PPID est posé en automne et mis sous traitement avec du pergolide, il convient d’être également très prudent avant d’attribuer une baisse de la valeur d’ACTH au traitement lui-même.

Test de stimulation à la thyrotropin releasing hormone (TRH ;non disponible en France, mais disponible sur demande au Liphook Equine Hospital) : entre décembre et juin inclus, le test de stimulation de l’hormone de libération de la TRH peut être utilisé. Il y a PPID lorsque l’ACTH plasmatique post-stimulation est supérieure à 110 pg/ml 10 min après l’injection de TRH.

Conclusion

L’identification de la cause de la fourbure endocrinienne est un élément clé. L’obésité ou le PPID sont des facteurs de risque qui, s’ils sont identifiés, permettent de mieux cibler d’éventuelles stratégies de gestion préventive. Ainsi, l’apparition de la fourbure pourrait être prédite par le dosage de l’adiponectine plasmatique et l’insulinémie basale. Le dosage de l’ACTH est également très important afin d’exclure (ou non) un PPID.

Article rédigé d’après :

- Menzies-Gow N. J., Clinical insights : diagnosis of laminitis, Equine Vet. J. 2019;51(2):143-144.

- Liphook Equine Hospital, Grande-Bretagne,

bit.ly/2YXDM5p.

- 2016 Equine Endocrinology Group : Recommendations for the Diagnosis and Treatment of Equine Metabolic Syndrome (EMS), bit.ly/2ovQruW.

Pour en savoir plus :

- Bertin, F. R. de Laat M.A. The diagnosis of equine insulin dysregulation. Equine Vet. J. 2017;49(5):570-576.

- Copas V. E., Durham A. E. Circannual variation in plasma adrenocorticotropic hormone concentrations in the UK in normal horses and ponies, and those with pituitary pars intermedia dysfunction. Equine Vet. J. 2012;44(4):440-443.

- Jocelyn N. A., Harris P. A., Menzies-Gow N. J. Effect of varying the dose of corn syrup on the insulin and glucose response to the oral sugar test. Equine Vet. J. 2018;50(6):836-841.

- Knowles E. J., Moreton-Clack M. C., Shaw S. et coll. Plasma adrenocorticotropic hormone (ACTH) concentrations in ponies measured by two different assays suggests seasonal cross-reactivity or interference. Equine Vet. J. 2018;50(5):672-677.

- Pollard D., Wylie C. E., Verheyen K. L .P., Newton J. R. Assessment of horse owners’ ability to recognise equine laminitis : a cross-sectional study of 93 veterinary diagnosed cases in Great Britain. Equine Vet. J. 2017;49(6):759-766.

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