Poshbee, un projet de recherche européen pour la santé des abeilles - La Semaine Vétérinaire n° 1803 du 23/03/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1803 du 23/03/2019

RECHERCHE

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : TANIT HALFON 

Il a pour objectif d’évaluer l’impact des pesticides, des pathogènes et de la nutrition sur la santé des abeilles mellifères. Des échanges avec les parties prenantes, dont l’EFSA et la Commission européenne, sont prévus tout au long du projet.

Présenté le 12 décembre dernier à la journée de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) sur la santé des abeilles, le projet de recherche Poshbee vise haut. Financé par la Commission européenne1 et réunissant 42 partenaires européens, il doit permettre de quantifier, pour la première fois, le danger des pesticides sur les abeilles mellifères, et d’étudier l’effet nutrition et l’exposition aux pathogènes. Pour ce faire, cinq work packages (WP, groupes de travail) ont été définis. L’Anses est en charge du WP2, dont le but est d’évaluer l’effet des facteurs de stress sur les abeilles en conditions réelles. « Trois espèces d’abeilles, à savoir l’abeille domestique, l’osmie et le bourdon, seront concernées, a expliqué Marie-Pierre Chauzat, responsable du laboratoire national de référence de l’Union européenne pour la santé de l’abeille. De plus, sur le terrain, 128 sites d’apiculteurs, répartis dans huit pays, ont été sélectionnés. Ils sont en lien avec deux types différents de culture : les vergers de pommiers et les champs de colza 2 . » Le but sera alors d’objectiver les pratiques agricoles et de caractériser l’exposition aux pesticides3 et aux traitements vétérinaires via des mesures sur les insectes adultes, les matrices apicoles et l’environnement. Une évaluation de la présence des principaux pathogènes sera aussi effectuée, tout comme celle de la qualité nutritionnelle des pollens de colza et de pommier.

Un projet innovant

Dans le cadre du projet Poshbee, il est prévu de développer de nouvelles méthodes et outils de mesures. Un travail de thèse, coencadré par l’Anses et l’université de Bordeaux, s’attellera à la réalisation de capteurs d’air pour recueillir les pollens en suspension et mesurer l’exposition chimique des abeilles dans leur environnement. Un outil, reposant sur la protéomique, permettra de disposer d’indicateurs de la santé des colonies. Des nouveaux modèles pour l’étude de l’écotoxicologie compléteront le panel. De plus, comme l’a souligné la conférencière, une des particularités du projet est de faire intervenir les parties prenantes, dont la Commission européenne et l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Ainsi, un groupe de travail se consacrera, tout au long du projet, à organiser des réunions avec elles, l’idée sous-jacente étant que les résultats servent aux décideurs. Rendez-vous donc dans cinq ans !

1 Appel à projet Horizon 2020.

2 Le choix des cultures a été motivé par le fait qu’elles sont largement représentées en Europe.

3 Plusieurs centaines de pesticides seront étudiés.

TROIS QUESTIONS À  MARIE-PIERRE CHAUZAT 

Plusieurs études ont déjà été menées sur les effets des pesticides sur les abeilles. Qu’apporte ce projet de plus ?
Jusqu’à présent, les appels à projet européens s’intéressant aux pesticides et aux pollinisateurs étaient quasiment absents. Les études déjà publiées sur cette question font en général l’objet de financements nationaux. Elles ne peuvent donc se pencher que sur un nombre limité de pathogènes ou de pesticides à la fois, et sont au final parcellaires. Avec le programme Horizon 2020, les projets sont d’une tout autre ampleur. Ainsi, dans Poshbee, les financements européens nous ont permis d’inclure trois espèces d’abeilles et de les étudier sur plusieurs niveaux : au laboratoire dans des conditions très contrôlées, en semi-champs (tunnel) et sur le terrain.

Ce projet va-t-il permettre de faire évoluer l’évaluation des pesticides, comme cela est évoqué dans le dernier rapport de l’Anses1 sur la protection des pollinisateurs ?
Notre cœur de métier est d’élaborer des méthodes pertinentes sur le plan biologique, qui pourront être ensuite incluses dans un schéma global d’évaluation des risques. Pour l’instant, les tests utilisés dans le cadre de cette évaluation sont consacrés en grande partie à l’abeille mellifère. Avec Poshbee, l’accent sera également mis sur l’osmie et le bourdon. Mais l’inclusion d’une nouvelle méthode dans le champ réglementaire est un chemin long et codifié. Elle doit déjà être publiée, puis testée dans plusieurs laboratoires et enfin passer devant une commission de méthode de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Vous-êtes-vous fixés des objectifs pratiques, comme établir des recommandations aux apiculteurs ?
Oui, car en tant que chercheur, il est urgent de pouvoir apporter une réponse sur la mortalité des abeilles. “Le bio apporte-t-il moins de stress pour les abeilles que le conventionnel ?” ou encore “Comment mesurer le stress des abeilles ?” sont deux exemples de questions auxquelles nous pourrons répondre à l’issue du projet.
1 « Des projets européens en cours (par exemple, Poshbee) pourraient en outre permettre de développer des tests pour les autres pollinisateurs. » (bit.ly/2tkalvC).
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