Quelles manipulations possibles du microbiote intestinal du poulain ? - La Semaine Vétérinaire n° 1802 du 15/03/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1802 du 15/03/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD  

Le microbiote du cheval adulte est programmé dès le plus jeune âge du poulain, et va impacter à vie la santé de l’animal1. Pour favoriser son développement, l’alimentation est un paramètre clé. Mais on ne dispose d’aucune recherche sur la modification de l’alimentation de la jument gestante. En revanche, une étude menée dans l’espèce porcine a montré que l’ajout de fibres solubles dans le régime des mères pendant la gestation a modifié la composition du microbiote intestinal des porcelets âgés de 2 semaines. En outre, avec le régime riche en fibres solubles, la perméabilité intestinale a été réduite, l’inflammation intestinale et la réponse immunitaire systémique excessive ont été limitées chez les porcelets allaitants. Ceci a contribué à augmenter la résistance des porcelets, qui ont présenté moins de diahrrées et une meilleure prise de poids. Il est donc permis de penser qu’incorporer des fibres solubles dans le régime alimentaire des juments permettrait de favoriser l’implantation d’un microbiote résistant chez le poulain nouveau-né, et de diminuer ainsi ses diarrhées. C’est un sujet d’intérêt majeur quand on sait que 60 % des poulains sont affectés par des diarrhées dans leurs six premiers mois de vie, avec pour principale cause la dysbiose intestinale…

Conviendrait-il d’agir aussi sur la jument allaitante ?

Et s’il était possible d’agir de même pour une jument allaitante ? En tout cas, une étude menée à Dijon (Côte-d’Or) a montré que la colonisation des bactéries anaérobies totales et utilisatrices de lactate était plus précoce chez les poulains issus de juments supplémentées avec des produits alimentaires fermentés que chez les poulains issus de mères témoins. Le régime alimentaire de la jument, en impactant la composition du lait, pourrait ainsi moduler l’implantation du microbiote chez le jeune poulain et ses conséquences sur la santé. Chez les porcelets de 7 jours, une augmentation du taux protéique dans le lait a été associée avec un accroissement en Escherichia spp. dans le contenu et sur la muqueuse iléale.

Quel est l’impact d’un colostrum artificiel ?

D’après une étude menée en 1996, la détection des bactéries cellulolytiques dans les fèces était retardée de 1 semaine chez les poulains ayant reçu du colustrum artificiel par rapport à ceux ayant reçu du colostrum maternel. De plus, la concentration fécale en bactéries cellulolytiques atteignait le niveau de l’adulte 10 semaines plus tard et, à partir de la deuxième semaine de vie, la concentration fécale en lactobacilles était plus faible chez les poulains ayant reçu du colostrum artificiel. Donc, dans l’espèce équine, un colustrum artificiel peut être utilisé à la naissance pour lutter contre les échecs de transfert d’immunité chez le poulain nouveau-né. Cependant, l’administration précoce et répétée d’un colustrum artificiel pourrait avoir un impact sur la mise en place des communautés bactériennes dans le gros intestin du poulain.

La santé du cheval herbivore se joue très tôt !

L’avenir du cheval adulte se joue dès sa première semaine de vie… Optimiser la mise en place des micro-organismes fibrolytiques par l’alimentation de la mère ou du poulain représenterait un avantage certain pour accélérer la mise en place de l’activité fibrolytique chez le jeune. Ceci pourrait être particulièrement avantageux pour le poulain orphelin ou pour celui dont la mère ne produit pas suffisamment de lait.

1 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1799 du 8/3/19, page 34.

Véronique Julliand Experte en physiologie de la digestion du cheval (UMR procédés alimentaires et microbiologiques, AgroSup Dijon). Article rédigé d’après une présentation faite lors du congrès Lab to Field à Dijon (Côte-d’Or), en novembre 2018.

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