Fantômes

« Toute histoire d’amour est une histoire de fantômes » et « on doit vivre sa vie en regardant devant soi, mais on ne la comprend qu’en regardant derrière soi ». Ces deux phrases, respectivement de David Foster Wallace et de Søren Kierkegaard, guident cette production hors normes d’Arte, diffusée en 2015 et que la société de distribution de films Tamasa ¹ a la bonne idée de sortir en salles. Une admirable rêverie visuelle et sonore sur le deuil et la mémoire que Laurie Anderson a dédié à son conjoint, le musicien Lou Reed (disparu en 2013) et qui rend hommage à leur chienne terrier Lolabelle, décédée en 2011. Comme un voyage intérieur, l’artiste new-yorkaise tisse un patchwork d’images puisées dans ses films de famille, des journaux, des vidéos de surveillance, des animations de son cru et, de sa voix hypnotique et sur ses compositions musicales, entremêle réflexions sur le monde et l’après-11 Septembre (dont elle fut témoin), rêves, souvenirs et méditations sur la vie après la mort que le bouddhisme tibétain lui inspirent. L’évocation de la chienne, sans sensiblerie et dans une pluralité de formes qui jamais ne la fige, s’épanouit ainsi dans notre imaginaire et offre l’expérience, rare, de l’empathie, cœur de cet essai. À la mort de Lolabelle, le maître spirituel de Laurie Anderson l’avait invitée, plutôt que de verser des larmes, à « faire un don » chaque fois qu’elle pensait à elle. « Mais j’y pense tout le temps », avait-elle protesté. « Et alors ? », répondit le sage.
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¹ tamasa-cinema.com, bit.ly/2CCUde6 (Facebook).

Heart of a dog de Laurie Anderson, États-Unis, 1 h 15, sortie le 27 mars.