Comment faire financer un projet sans recourir aux banques ? - La Semaine Vétérinaire n° 1802 du 15/03/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1802 du 15/03/2019

FINANCES

ÉCO GESTION

Auteur(s) : NICOLAS CORLOUER 3 

Le financement des projets d’investissement d’une entreprise par l’utilisation de fonds privés, sans recourir aux circuits bancaires usuels, est un mécanisme en plein développement et souvent mal connu ou mal appréhendé par les petites entreprises. Éclairages.

Les petites entreprises pensent pouvoir utiliser différents modus operandi sans en connaître les règles juridiques, souvent contraignantes. Outre les dons, impliquant le versement d’une somme d’argent au profit d’un bénéficiaire sans retirer une quelconque contrepartie et donc dépendant du seul bon vouloir du donateur, il existe des dispositifs incitatifs pour les financements de projets d’investissement.

En effet, les entreprises souhaitent recourir à des outils accordant un avantage aux donateurs afin de les attirer. Dans ce cadre, il existe deux principaux mécanismes offrant une contrepartie au financement accordé, sous forme de publicité et/ou de déduction fiscale, à savoir le mécénat et le parrainage.

Par ailleurs, il convient d’ores et déjà de préciser que ces deux mécanismes sont néanmoins peu adaptés dans le cadre du financement d’investissements réalisés par les vétérinaires. Il est ainsi possible de faire appel à un système de microdons permettant de toucher un public beaucoup plus large et de lever tout de même des sommes importantes : le financement participatif ou crowdfunding.

Ce préalable étant rappelé, il est nécessaire de présenter les conditions d’éligibilité et de mise en œuvre de ces différents mécanismes.

Le mécénat

Sur le plan juridique, le mécénat est un dispositif fiscal de réduction d’impôt. Il est prévu à l’article 238 bis du Code général des impôts (CGI) pour les entreprises effectuant des dons et à l’article 200 du même code pour les particuliers.

Il ressort de ces articles que les donateurs peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt, en contrepartie de mécénat pour la réalisation de certains projets d’intérêt général répondant à des conditions d’éligibilité strictes.

En effet, pour que le donateur puisse bénéficier de ce dispositif fiscal, l’organisme bénéficiaire doit :

- avoir une activité à caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou encore à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques ;

- être d’intérêt général, notion abstraite, dont les contours sont parfois difficiles à dessiner.

Dès lors, si le mécénat est intéressant compte tenu des différentes formes qu’il peut prendre (dons financiers et/ou de biens, prêt d’immeuble ou de matériels, mise à disposition de moyens humains, etc.), son recours direct ne semble pas possible pour le financement des activités des vétérinaires. Néanmoins, il est possible de mettre en place différentes structures juridiques ad hoc, ayant vocation à intervenir dans le champ d’action des vétérinaires, qui elles pourront être éligibles au mécénat. Il s’agit notamment de la création d’une association, d’une fondation reconnue d’utilité publique ou encore d’un fonds de dotation.

Ce sont ces structures qui percevront les fonds issus du mécénat, pour les réinvestir par la suite dans le financement de projets entrant dans leur objet statutaire.

Par exemple, une fondation peut recueillir des fonds permettant de travailler et de développer des recherches scientifiques.

En synthèse, le mécénat n’est sans doute pas le dispositif de financement le plus adapté pour la collecte de fonds pour les vétérinaires, bien qu’il reste possible à utiliser dans un cadre précis. Enfin, si le mécénat ne permet pas de réaliser un financement des activités du vétérinaire, celui-ci peut toujours devenir mécène pour financer des projets d’intérêt général et, par voie de conséquence, bénéficier d’un avantage fiscal. Toutefois, il convient de préciser que, dans ce cadre, le mécène ne retire aucun avantage de son don, contrairement au parrainage.

Le parrainage

Le parrainage est prévu à l’article 39 du CGI. Ce mécanisme, également appelé sponsoring, est un soutien matériel apporté à une manifestation, à une personne, à un produit ou à une organisation en vue d’en retirer un bénéfice direct. Il s’agit donc d’un mécanisme ne reposant plus sur le simple don, comme le mécénat, mais d’un outil présentant un caractère commercial.

Par le parrainage vont être financées des manifestations à caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, etc. Il s’agit donc d’un outil que les vétérinaires peuvent notamment utiliser pour le financement de manifestations dans les domaines scientifique ou éducatif.

Pour la société donatrice, le versement des fonds sera fiscalement traité comme une charge financière dès lors qu’il s’agit d’une dépense dans l’intérêt direct de l’exploitation, dont la contrepartie est généralement la publicité. En d’autres termes, en contrepartie des fonds versés, l’organisme bénéficiaire s’engage à réaliser une prestation pour le compte de l’entreprise, comme la mise à disposition d’espaces publicitaires.

Ainsi, le recours au parrainage peut être intéressant dans le cadre de manifestations organisées par les vétérinaires, comme des colloques. Reste à trouver les entreprises donatrices.

A contrario, le statut de vétérinaire sponsor se heurterait aux règles déontologiques de la profession, notamment relatives à la publicité.

Le financement participatif

Le financement participatif ou crowdfunding permet de mettre en relation sur Internet un porteur de projet et une communauté d’internautes, afin de collecter des fonds en vue d’obtenir le financement d’un projet spécifique.

Ainsi, une plateforme internet permet aux particuliers et aux entreprises d’effectuer un versement du montant qu’ils souhaitent afin de soutenir un projet, celui-ci pouvant être celui d’un vétérinaire notamment.

En effet, ce dispositif ne permet pas seulement de trouver des investisseurs pour le financement de projets d’intérêt général, mais également dans le cadre du financement d’activités économiques ou privées.

Ainsi, le financement participatif est donc nettement moins contraignant que le mécénat et le parrainage.

En outre, ce mode de financement peut se traduire de diverses manières comme :

- le versement de simples dons ;

- la formalisation de prêts ;

- l’engagement de titres financiers.

Ce mécanisme est donc particulièrement intéressant dès lors qu’il offre la possibilité de recueillir des dons auprès d’un très large public.

Afin de sécuriser l’utilisation des dons, l’organisation de ce type de collecte est encadrée par la loi. La gestion des plateformes de collecte ne peut être effectuée que par des conseillers ou des intermédiaires en investissement participatif.

Il s’agit de professions réglementées et excluant la réalisation de toute autre activité. Cela permet de garantir aux donneurs que les fonds collectés seront utilisés pour le projet présenté lors de la collecte.

Il s’agit, à ce jour, du mécanisme à privilégier dans le cadre du financement d’investissements par des professionnels libéraux comme les vétérinaires.

En conclusion, s’il est possible de trouver un financement par le truchement de divers dispositifs fiscaux, ces derniers n’apparaissent pas très adaptés à l’activité économique, étant prévus pour celles d’intérêt général, c’est-à-dire des activités désintéressées.

Néanmoins, grâce au financement participatif, une large diffusion peut être réalisée pour la recherche de fonds auprès du public.

1 Soit sur l’impôt sur le revenu (IR), soit sur l’impôt sur les sociétés (IS)

2 Ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 codifiée dans le code monétaire et financier.

3 Avocat à la cour.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr