Vous êtes des acteurs des mutations de la société - La Semaine Vétérinaire n° 1800 du 02/03/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1800 du 02/03/2019

ACTU

Dans l’esprit commun, la pratique du lobbying en France suscite encore beaucoup de réserves. Pourtant, quel que soit le nom qu’on leur prête, la défense d’intérêts et la consultation de la société civile sont des éléments clés de la prise de décision politique et de la construction de la loi.

La crise de confiance démocratique que nous vivons actuellement naît aussi de ce sentiment citoyen de ne pas pouvoir participer aux réformes de notre pays et au processus démocratique en dehors des élections. Pourtant, certaines représentations, associatives, professionnelles ou certaines filières ont réussi à instaurer un dialogue constructif avec les élus et le gouvernement. Et ce non pas à coups de pots-de-vin et de services rendus, comme le croit une partie de l’opinion publique, mais en se prêtant à certaines règles du jeu démocratique.

Ayant réalisé l’essentiel de ma carrière en tant qu’avocate en droit de l’agroalimentaire et en droit équin, j’ai eu l’habitude de travailler avec de nombreux vétérinaires et je continue à en solliciter certains dans le cadre de mes nouvelles fonctions d’élue. Mais j’ai été surprise de constater que c’était en sens unique : je suis dans l’ensemble peu saisie de problématiques vétérinaires lorsque je ne pars pas moi-même en quête de renseignements.

Si je sais à quel point votre activité professionnelle est chronophage, je sais également que vous êtes des maillons essentiels de la santé publique, outre votre rôle de soutien du monde de l’élevage et du bien-être animal. La santé animale fait l’objet de beaucoup d’attentions et de réglementations à la suite de l’évolution des idéologies ou des craintes sociologiques : plan ÉcoAntibio, qualité sanitaire, bien-être animal, etc. Les consommateurs français attendent beaucoup en matière de sécurité alimentaire et l’évolution vers de nouveaux modes de production doit s’accompagner d’un suivi sanitaire irréprochable. C’est pourquoi nous, parlementaires, avons besoin de votre expertise et de votre retour d’expérience.

Vous pouvez être source de propositions. De fait, le législateur n’est pas omnipotent et n’a pas toujours connaissance d’un certain nombre de problématiques que vous rencontrez et qui appellent à légiférer ou à réviser la législation en vigueur.

Vous pouvez influer sur les propositions ou projets de loi en suivant les travaux de l’Assemblée nationale. Lorsque les socioprofessionnels envisagent de saisir leur député, il est souvent bien trop tard dans le processus législatif pour que celui-ci puisse intervenir. En outre, ces saisines tardives et en urgence dépossèdent le parlementaire de la possibilité d’affiner sa propre expertise sur le sujet, de recueillir et d’arbitrer des avis divergents, et font donc peser une menace sur la démocratie représentative et l’intérêt commun.

Vous êtes des acteurs des mutations de la société. Nombre de sujets qui sont abordés dans une loi témoignent d’une évolution de société à laquelle chacun doit participer.

Je pense notamment à la question du bien-être animal.

J’ai œuvré pendant l’adoption de la loi EGalim pour que les règles en matière de bien-être restent pragmatiques et ne mettent pas à mal des filières d’élevage. Toutefois, ce sujet va bien au-delà du seul cadre de cette loi. En tant que vétérinaires, vous êtes les garants moraux des agriculteurs. En accompagnant et en témoignant des avancées positives qui sont faites depuis de nombreuses années dans les élevages et les abattoirs, vous les aidez à combattre l’“agri-bashing” et à ne pas laisser le champ libre à l’expression de mouvements radicaux et déconnectés du monde agricole.

Dans cette évolution vers plus de bien-être, vous devez aussi être proactifs, notamment en n’autorisant pas certaines pratiques contraires à votre éthique. C’est dans ce sens, par exemple, qu’alertée par des vétérinaires équins, nous travaillons avec différentes instances étatiques pour faire mentionner les actes de névrectomie dans les livrets d’identification des équidés afin de lutter plus efficacement contre les cas de fraude en compétition.

Un travail efficace et pertinent entre parlementaires et experts professionnels nécessite sur le long terme un dialogue régulier qui instille une confiance mutuelle.

Seuls ces échanges réguliers permettent de mieux connaître l’actualité des uns et des autres et de réagir efficacement.

Pour exemple, depuis plusieurs mois, je suis contactée par des start-up qui souhaitent utiliser les données vétérinaires des équidés de manière commerciale. Cela ouvre le champ plus global de la question de l’utilisation et de la publicité de telles données. Récemment, j’ai été désignée pour travailler sur le volet agricole de l’aide publique au développement dans le cadre de la prochaine loi d’orientation. Je sais que certains parmi vous travaillent régulièrement avec des pays en développement sur des problématiques sanitaires et d’élevage, et votre approche pourrait ouvrir des champs de réflexion jusqu’ici ignorés. Cette liste est bien entendu non exhaustive et il nous appartient conjointement de l’enrichir.

Une collaboration ténue entre parlementaires et vétérinaires est indispensable dans la société actuelle. Développons-la ensemble pour le bien de tous.

MARTINE LEGUILLE–BALLOY

est avocate et députée de La République en marche de la Vendée. Elle a été élue en février à la tête du groupe d’études cheval de l’Assemblée nationale. Elle est aussi membre du groupe d’études du Parlement sur la condition animale.

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