Le vétérinaire, un porte-parole légitime de la sécurité sanitaire - La Semaine Vétérinaire n° 1800 du 02/03/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1800 du 02/03/2019

ACTU

L’urgence et la crise sont deux situations distinctes pour lesquelles la profession vétérinaire est reconnue comme performante dans l’analyse et la gestion. Une urgence est un problème immédiat et bien spécifique pour lequel nous avons le mode d’emploi. Le vétérinaire sait intervenir rapidement et avec compétence pour la traiter. La gestion de crise est plus délicate, car c’est un phénomène prenant naissance au sein des organisations, mis en éveil par un événement déclencheur et dont l’importance peut être amplifiée par la présence de facteurs aggravants. Les crises d’origine alimentaire sont par nature multipartites et elles génèrent anxiété et interrogations relayées dans l’espace public. Beaucoup de questions de type “quels sont les risques ? Est-ce grave ? Que puis-je manger ? En qui dois-je avoir confiance ?” se posent au niveau du grand public. La profession vétérinaire a la légitimité et la compétence pour répondre aux attentes en matière de communication et d’information sur ces sujets.

L’exemple récent de la crise du fipronil, qui s’est déroulée pendant l’été 2017, appuie cela. J’ai eu le plaisir de conduire le retour d’expérience (RetEx) en 2018 au sein du Conseil national de l’alimentation (CNA)1, en réunissant l’ensemble des acteurs : acteurs économiques, représentants de la société civile, services de l’État et experts scientifiques et techniques. La profession vétérinaire2 y était représentée. Ce RetEx était le premier retour d’expérience conduit avec l’ensemble des acteurs, aux échelles locale, nationale et européenne, à la suite de la survenance d’une crise alimentaire. Les objectifs communs partagés ont été la résilience, l’amélioration de la communication visant le grand public et la circulation de l’information entre les acteurs en temps de crise. Les débats ont permis de décrire les actions de gestion et de communication visant le grand public, d’identifier ce qui a bien fonctionné et les points qui sont à améliorer. Cela a conduit à l’élaboration d’une chronologie de la crise et à la formulation de neuf recommandations. Parmi elles, citons la création d’un dispositif permettant la mise en place d’un espace d’échanges regroupant l’ensemble des acteurs pour partager des informations dans le cadre de la communication visant le grand public, associée à la gestion institutionnelle de la crise d’origine alimentaire ; la rédaction de lignes directrices permettant de définir la communication pertinente à produire lors d’une crise ; et enfin la désignation d’un porte-parole unique, légitime de par sa compétence technique, assurant la communication institutionnelle. Notons qu’il a été souligné à plusieurs reprises l’importance de réaliser cet exercice, collectivement et en temps de paix.

La profession vétérinaire est bien présente dans la gestion des crises alimentaires de ce type : les vétérinaires libéraux, de par leurs actions dans les élevages, sont des sentinelles permettant de repérer les situations d’impasse thérapeutique, terreau de fraudes ayant des conséquences sur la chaîne alimentaire. Les inspecteurs de la santé publique vétérinaire interviennent dans la gestion publique de la crise aux différentes échelles, locale, nationale et communautaire. Dans ce cadre, une opportunité est à saisir en matière de communication visant le grand public, à la recherche d’un porte-parole légitime scientifiquement et techniquement, pour expliquer les dangers et les risques liés à l’alimentation.

1 Créé en 1985, le CNA est une instance consultative indépendante, placée auprès des ministres en charge de l’environnement, de la consommation, de la santé et de l’agriculture. Il est consulté sur la définition de la politique de l’alimentation et émet des avis à l’attention des décideurs publics et des différents acteurs de la chaîne alimentaire.

2 Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV), Fédération des syndicats vétérinaires de France (FSVF), Syndicat national des inspecteurs de la santé publique vétérinaire (snispv), Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL).

KARINE BOQUET

(A 98)

est inspectrice en chef de la santé publique vétérinaire et secrétaire interministérielle du Conseil national de l’alimentation (CNA). Après un début de parcours dans le secteur de la recherche et un PhD en sciences économiques, elle intègre l’administration centrale de la Direction générale de l’alimentation (DGAL) et travaille sur l’organisation des contrôles officiels et la mise en place du “paquet hygiène”. Puis elle enseigne à AgroParisTech, où elle est notamment en charge de l’unité exécutive Alimentation santé environnement, avant de rejoindre en 2016 le CNA.

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