Le Bien-être Animal : un défi de taille pour les futurs vétérinaires - La Semaine Vétérinaire n° 1800 du 02/03/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1800 du 02/03/2019

ACTU

Étudiante vétérinaire, en 2019, une évidence s’impose à moi quand j’envisage l’avenir : la question du bien-être animal a pris une telle ampleur dans notre société que j’y serai forcément confrontée dans ma carrière vétérinaire, quel que soit mon domaine d’exercice. Comment me préparer et faire face à l’intensité des attentes de la société et à la pression d’agir sur ce sujet ? Comment rediriger cette pression que je ressens vers des actions concrètes, qui auront des résultats à court et à long termes ?

Les interactions homme-animal sont diverses, complexes, et le vétérinaire a une place centrale dans celles-ci. Quand on demande à quelqu’un dans la rue la fonction d’un vétérinaire, il répondra sûrement : « soigner les animaux ». Il est facile d’oublier qu’à part une démarche thérapeutique notre profession a de nombreuses autres responsabilités : un rôle majeur dans la santé publique, dans la gestion des élevages des animaux de rente, dans la filière des chevaux de course, dans la conservation de la faune sauvage, dans la recherche biomédicale et fondamentale, ainsi que bien d’autres encore. Chacun de ces domaines est touché par une demande croissante d’attention portée au bien-être animal de la part de la population, et c’est notre devoir de prendre en compte ces inquiétudes et de tenter d’y répondre avec les moyens et les mesures les plus adaptées.

Notre formation nous fournit des compétences et des connaissances qui nous donnent un statut d’expert : nous avons une place légitime dans le débat de la condition animale. De nombreuses associations défendent cette cause, accompagnées déjà par des éleveurs, des soigneurs, des chercheurs, et des particuliers. Beaucoup de vétérinaires participent également à l’amélioration des conditions de vie de nos compagnons : VetAgro Sup se joint à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) pour créer AgriBEA, un centre national de référence pour le bien-être des animaux de rente ; les praticiens et généticiens qui font un travail de sensibilisation auprès des éleveurs et des propriétaires sur le problème des hypertypes ; les inspecteurs de la santé publique vétérinaire (ISPV) s’assurant de la bonne application des méthodes de transport et d’abattage dans la production de la viande ; les vétérinaires travaillant avec les députés pour écrire des lois protégeant les animaux sauvages en captivité… Ce sont des exemples parmi tant d’autres. Mais que de chemin à parcourir encore !

Nous, futurs vétérinaires qui devront gérer toutes ces évolutions, sommes-nous suffisamment équipés pour relever ces défis ? Nous ne pouvons progresser qu’en coopérant avec nos différents partenaires professionnels. Pour avoir un dialogue constructif, et élaborer ensemble des méthodes adaptées, réalistes et concrètes maximisant le bien-être de leurs animaux, il sera peut-être nécessaire de nous détacher quelque peu de notre statut d’expert, de nous assoir autour d’une table et d’écouter les problématiques et les contraintes de chacun. Nous pourrons ainsi trouver les solutions les plus compatibles à la réalité de leur situation professionnelle et les accompagner pour qu’ils arrivent à mettre en place de nouvelles pratiques pérennes et respectueuse du bien-être animal.

Il me semble donc important de faire évoluer notre cursus. Avoir davantage de stages dans toutes les filières nous permettrait d’acquérir une compréhension globale des différents métiers de nos clients et nous empêcherait d’être déconnectés des évolutions de ces filières. De plus, continuer à développer l’apprentissage de la communication nous aiderait à être plus aptes à délivrer des messages recevables et motivants, à reconquérir la confiance envers les vétérinaires que les propriétaires semblent avoir perdu et à convaincre les réfractaires de l’importance du bien-être animal. Et enfin, j’aimerais qu’on donne plus de place à l’éthique en la considérant comme un enseignement à part entière ; que nos enseignants et nos futurs confrères se réunissent régulièrement avec nous pour explorer en profondeur et sans tabou ces questions complexes qui nous concernent tous.

COLINE SAGOT

est étudiante en 3e année à l’École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA). Membre du conseil d’administration de son école, ainsi que du conseil des étudiants, elle a intégré la formation après une licence à l’université Pierre-et-Marie Curie, à Paris, spécialisée dans les neurosciences. Elle se destine à la recherche en neurophysiologie et souhaite notamment participer à l’évolution des protocoles d’expérimentation animale plus en accord avec le bien-être animal.

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