L’empathie, c’est comme l’amour, il n’en est que des actes - La Semaine Vétérinaire n° 1800 du 02/03/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1800 du 02/03/2019

ACTU

Au siècle passé, Leo Bustad écrivait déjà : «   Je crois très sincèrement que votre succès dans la vie et dans l’exercice de la pratique vétérinaire dépendra en grande partie de votre compréhension des aspects variés du lien entre l’homme et l’animal et de la façon dont vous l’intégrerez dans votre vie de tous les jours.   »

Leo Bustad était visionnaire : au-delà de la santé, la valeur du soin vétérinaire est le lien qui unit l’homme et l’animal. Si l’homme et l’animal ne s’aiment pas, point besoin de santé. Ce lien est la raison d’être de nos bons soins.

En 2018, la place sociétale et familiale de l’animal a encore grandi. Le législateur, en son arrêté du 6 juin 20181, définit les prescriptions applicables aux crématoriums animaliers. La place du corps de l’animal dans la société fait un pas en avant par rapport à l’arrêté du 17 juillet 20092. Ce nouvel arrêté autorise les soins mortuaires et donne accès à la crémation à tous les animaux. Auparavant, les soins mortuaires en crématorium étaient interdits et la crémation était réservée aux animaux de compagnie. Tous les animaux familiers peuvent désormais être incinérés.

L’euthanasie des animaux familiers est un acte noble

Cette avancée de la place de l’animal dans la société peut paraître ténue. Elle est toutefois la reconnaissance des liens affectifs qui unissent famille et animal, même après la mort, quand le lien devient spirituel. La société reconnaît donc l’importance du traitement funéraire des animaux familiers, quelle qu’en soit l’espèce. Qu’en est-il des vétérinaires ? L’euthanasie des animaux familiers est un acte noble, réalisé avec professionnalisme, respect et dignité. Qu’en est-il de la préparation et de la conservation des corps, leurs dépouilles ? Pouvons-nous encore accepter que les corps soient disposés dans des sacs qui nous obligent à les traiter comme des déchets ? Nous savons au quotidien que chaque animal, chaque dépouille, est un livre d’histoire. Ne pourrions-nous considérer le congélateur coffre (dans lequel ces corps s’enchevêtrent) comme une bibliothèque ?

L’arrivée de consommables funéraires inventés et conçus par et pour des vétérinaires est une avancée pour la profession, les familles et les animaux. Utiliser une housse mortuaire à la place d’un sac plastique dont la gueule est disposée sur le petit côté est confortable pour tous et particulièrement riche pour les familles. Ces housses permettent l’expression de nos valeurs de respect et d’amour des animaux, et de notre identité professionnelle lors d’un moment unique. Pour l’équipe, il s’agit de bien-être, de professionnalisme. Pour les familles, pouvoir désormais fermer la housse est s’autoriser un acte d’au revoir. Les actes comptent plus que les mots.

Utiliser un sac plastique pour y mettre un corps est désormais un choix

Bien entendu, utiliser une housse mortuaire devant les familles nécessite un changement de pratiques, celui de dépasser ses habitudes qui sont ancrées par la pudeur, le silence, l’euphémisation et des “cacheries” qui entourent la mort. Effectivement, aujourd’hui, les familles ne voient pas le sac plastique et nous développons tous des stratagèmes, procédures et circulations pour ne rien montrer ni dire. D’ailleurs, ce traitement n’est pas pensable, dicible, montrable, et nous le savons tous.

Arguer le coût de quelques euros pour ne pas intégrer un traitement digne et respectueux des corps dans nos pratiques semble pour le moins spécieux. En effet, nous sommes dans une époque d’information et de transparence. Le “pas vu, pas pris” qui régit, par exemple, la conservation des corps dans un sac plastique semble être pour le moins dépassé, sinon une zone de danger pour l’établissement et la profession vétérinaire. Désormais, utiliser un sac plastique blanc, rouge, vert ou noir pour y mettre un corps est un choix.

La dernière consultation est l’avant-première de la suivante

Parce que la place de l’animal dans la société et dans les familles évolue, enrichir la prise en charge de la fin de vie des animaux de compagnie crée de la valeur. La sérénité des équipes à ce moment crucial aide chacun à se sentir mieux. L’image de l’établissement vétérinaire grandit, sa réputation s’améliore, la confiance et la connexion avec les familles se renforcent. Les familles ont le droit à un deuil plus serein car elles voient une étape supplémentaire. Toutes ces vertus favorisent le retour de la famille dans l’établissement vétérinaire avec l’autre animal du foyer. Et si la dernière consultation était aussi l’avant-première de la suivante ? Nous avons aujourd’hui à notre disposition des outils pour mieux traiter les corps des animaux de compagnie. Par respect des animaux, des familles, des équipes et de la société, il est de notre responsabilité individuelle et collective de nous en emparer. 

1 Arrêté relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l’autorisation au titre de la rubrique n° 2740 de la nomenclature des installations classé́es pour la protection de l’environnement (incinération de cadavres d’animaux). Numéro NOR : TREP1808485A.

2 Arrêté relatif aux prescriptions applicables aux installations classées soumises à autorisation sous la rubrique n° 2740 (incinération de cadavres d’animaux de compagnie).

Numéro NOR : DEVP0913553A.

VINCENT DATTÉE (A 91)

a été praticien en région parisienne pendant une vingtaine d’années. Il a cessé son activité clinique pour fonder Anima Care, dédié à une vision enrichie de la prise en charge de la fin de vie de l’animal de compagnie, avec un accompagnement différent. « Après avoir soigné les animaux vivants, je prends soin aujourd’hui des animaux morts. »
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